Le franc suisse continue de se renforcer. Depuis le début de l'année, le dollar américain a perdu près de 6%, soit plus de huit centimes par rapport au franc et actuellement, le dollar en vaut 0,8160. Le «billet vert» s'est même effondré à 0,81107 franc, un nouveau record à la baisse.
L'euro a également perdu du terrain face au franc. Dans l'économie d'exportation suisse, cette forte appréciation du franc agit quasiment comme un droit de douane supplémentaire. La force du franc met aussi la Banque nationale suisse (BNS) sous pression.
En effet, l'objectif de la BNS est de maintenir le taux d'inflation entre 0 et 2% car cette fourchette est considérée idéale pour l'économie. Mais en mars, l'inflation est tombée à 0,3% dans notre pays. La zone rouge se rapproche dangereusement et la BNS pourrait être obligée de réagir. Par le passé, elle est souvent intervenue sur le marché des devises. Dans ce cas précis, si elle augmente ses réserves de dollars, le cours du franc baisse.
La BNS sous les radars de Trump
Mais Donald Trump s'inquiète de ces interventions sur le marché des devises. Le président américain reproche à ses partenaires commerciaux, y compris la Suisse, de manipuler leur monnaie et de la maintenir artificiellement faible. Le président de la BNS, Martin Schlegel, a affirmé en mars dernier qu'il interviendrait si nécessaire sur le marché des devises. Mais la BNS a aussi souligné à plusieurs reprises qu'elle privilégiait les baisses de taux d'intérêt si le taux directeur restait positif.
Ce choix de la BNS pourrait être renforcé par la guerre commerciale de Trump. Il a suspendu ses méga-taxes pour les trois prochains mois et pendant ce délai, le Conseil fédéral tentera d'éviter les droits de douane de 31% sur les produits suisses. Mais si la BNS intervenait sur le marché des devises, elle pourrait compliquer la tâche des négociateurs. En effet, l'appréciation disproportionnée du franc en tant que valeur refuge pendant une crise pourrait agacer Trump et porter ainsi préjudice à notre économie.
La Commerzbank allemande part malgré tout du principe que la BNS pourrait augmenter ses réserves en dollars sans aucun avertissement préalable pour passer sous les radars de la Maison Blanche.
«L'option la plus radicale»
En revanche, les analystes de la banque UBS estiment qu'une baisse d'urgence des taux d'intérêt est tout à fait possible. Après les séances régulières, le prochain examen de la situation monétaire de la BNS devrait avoir lieu le 19 juin. Mais la banque centrale a déjà souvent utilisé «l'option la plus radicale» en cas de forte appréciation du franc, rapportent les analystes. Si la pression à la hausse sur le franc ne diminue pas dans les semaines à venir, ils s'attendent à une baisse du taux directeur de 0,25%, actuellement à 0%.
«Une baisse d'urgence du taux d'intérêt indiquerait que la BNS considère l'escalade des conflits commerciaux comme une conséquence potentielle particulièrement négative pour l'inflation et la croissance suisses et que cela justifie donc une telle mesure», écrit l'équipe de recherche d'UBS dans un rapport sur le renforcement du franc.
Toutefois, une désescalade des tensions commerciales est plus probable, selon les analystes d'UBS. Dans ce scénario, ils s'attendent à ce que le dollar remonte à 95 centimes d'ici juin et qu'il devienne moins nécessaire de baisser les taux d'intérêt.