Après l'entretien téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine, la fin de la guerre en Ukraine semble toujours aussi lointaine. Le président américain n'a pu qu'obtenir que des cacahuètes du chef du Kremlin: la fin des attaques contre les infrastructures et structures énergétiques ukrainiennes. Les autres cibles civiles continuent en revanche d'être bombardées, tandis que les morts s'enchaînent sur le front.
De nouvelles négociations doivent avoir lieu dimanche en Arabie saoudite, comme l'a déclaré l'envoyé spécial américain Steve Witkoff. Mais Vladimir Poutine est-il réellement prêt – et disposé – à conclure un cessez-le-feu? Klemens Fischer, professeur de relations internationales et de géopolitique à l'Université de Cologne, en Allemagne, livre son analyse.
Un match truqué
«Les négociations entre Washington et Moscou vont s'accélérer pas à pas afin de faire monter la tension, qui atteindra ensuite son apogée lors de 'la rencontre décisive' entre Trump et Poutine», observe Klemens Fischer. Cette «diplomatie du ping-pong», qui s'inspire de la «tactique du salami» (démarche progressive), est donc une stratégie bien rodée qui se fait sur le dos de l'Ukraine, relayée au second plan des négociations.
Lors du clash à la Maison Blanche en février dernier, Donald Trump a aboyé contre le président ukrainien Volodymyr Zelensky: «Vous n'avez pas les cartes en main en ce moment. Avec nous, vous aurez des avantages.» Mais de quelles cartes Trump dispose-t-il réellement contre Poutine?
Trump pourrait appâter Poutine
«Trump ne dispose que d'une seule carte forte: le soutien inconditionnel à l'Ukraine. Mais il ne peut l'utiliser qu'en tout dernier recours, dans le cas où Poutine refuse un accord, ou s'il ne parvient pas à obtenir des garanties de la Russie», analyse Klemens Fischer. «Mais dans ce cas, Trump serait forcé de reconnaître qu'il a échoué, lui qui se targuait d'être le seul à pouvoir apporter la paix.» Un joker qui pourrait vite se transformer en malus.
Mais d'un autre côté, Donald Trump pourrait tenter de faire plier le président russe, en lui faisant miroiter la levée des sanctions économiques. «Cet atout vaut des milliards, car il permettrait à la Russie de revenir sur les marchés», estime l'expert. Les sanctions des autres pays occidentaux perdraient massivement de leur efficacité.
Un cessez-le-feu en mer Noire?
Reste à voir si la Russie va respecter ses engagements, en mettant fin à ses frappes contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes. Toutefois, quelques heures seulement après l'entretien téléphonique entre Poutine et Trump mardi, les Russes ont attaqué des infrastructures civiles en Ukraine. Selon Klemens Fischer, les violations de l'accord pourraient être qualifiées d'accidentelles ou de légitimes: la Russie pourrait les justifier en revendiquant le fait que l'Ukraine n'utilise pas les objets bombardés à des fins civiles, mais militaires. L'expert en géopolitique ne s'attend ainsi pas à des représailles de Trump.
Que peut-on espérer de la prochaine réunion, qui aura lieu dimanche prochain en Arabie saoudite? «Il ne faut en aucun cas s'attendre à un accord définitif, affirme Klemens Fischer. On arrivera peut-être à un nouvel accord qui pourra être vendu comme une étape intermédiaire avant un cessez-le-feu global, sans limiter toutefois la poursuite de l'avancée russe. On pourrait imaginer un cessez-le-feu en mer Noire.» Une concession symbolique pour la Russie, puisque depuis le début de la guerre, l'Ukraine y a toujours enregistré des succès, sans même avoir déployé un seul de ses navires de guerre.
Négociations sur l'aide américaine à l'Ukraine
Le temps qu'un cessez-le-feu total soit conclu, Vladimir Poutine et Donald Trump négocient surtout l'arrêt du soutien américain à l'Ukraine. La fin du soutien américain «suffirait à affaiblir l'Ukraine à tel point qu'elle ne pourrait plus tenir la ligne de front à l'est et au sud dans un délai relativement court», estime Klemens Fischer.
Et selon l'expert, les Etats européens ne pourraient probablement pas résister seuls face à la pression des coûts de la guerre. «Poutine va en tout cas tirer sur tous les registres pour que l'Ukraine ne puisse pas se régénérer.»