Les relents de l’armée de l’ombre de Vladimir Poutine se font sentir jusqu’en Suisse. Pas parce que le tristement célèbre groupe Wagner lorgne notre territoire. Mais parce que Nicolas Walder, conseiller national Vert, a interrogé le Conseil fédéral à ce propos. Le gouvernement entend-il adopter des sanctions à l’égard du bras armé officieux du président russe et de son supposé financeur, l’oligarque Evgueni Prigojine? La réponse devrait tomber ce lundi après-midi.
Tandis que l’invasion russe se poursuit en Ukraine, la question de l’élu écologiste est brûlante d’actualité. Plus de 400 mercenaires, membres de la force Wagner, auraient été envoyés à Kiev dans le but d’éliminer le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, écrivait la semaine dernière le «Times». Pour l’heure, difficile d’en savoir davantage: le groupe Wagner n’apparaît sur aucun radar officiel.
Une chose est toutefois sûre, malgré les dénégations de Moscou. Cette formation est le bras armé officieux du Kremlin. Elle serait dirigée par Dimitri Outkine, un ancien membre des forces spéciales russes nostalgique du IIIe Reich, et serait financée par un oligarque très proche de Poutine. Le fameux Evgueni Prigojine, donc, qui nie avec vigueur tout lien avec la force Wagner. Voici les portraits de ces deux personnages aussi terrifiants que fascinants.
Prigojine, le «cuisinier de Poutine»
Evgueni Prigojine, 60 ans, n'est pas un enfant de choeur. Surnommé le «cuisinier de Poutine», cet ancien malfrat, qui financerait la fantomatique compagnie de mercenaires russes Wagner, a été sanctionné pour ses ingérences dans les élections américaines. Par ailleurs fournisseur des cantines du Kremlin, il est progressivement devenu «l’homme de l’ombre» du président russe, détaille «L'Obs».
«Prigojine est l’un des hommes les plus mystérieux du sommet de l’État russe, assure le journaliste d’investigation Roman Dobrokhotov, patron du site The Insider, cité par «Le Monde». Il est aussi, avec le président tchétchène Ramzan Kadyrov, celui sur lequel il est le plus désagréable et le plus dangereux de travailler.»
Toujours selon le quotidien, le Pétersbourgeois est aussi relié par de nombreuses sources aux «usines à trolls» qui inondent l’internet russe, et parfois étranger, de commentaires tout faits et autres posts préfabriqués destinés à défendre le Kremlin ou attaquer ses ennemis.
Comment le puissant oligarque Evgueni Prigojine en est-il arrivé là? Lisez plutôt cette courte biographie rédigée par nos confrères français. «Ancien gangster – il a été condamné en 1981 à douze ans de prison pour banditisme et divers vols –, il a bel et bien débuté sa nouvelle vie en vendant des hot-dogs puis en ouvrant un restaurant de luxe, faisant connaissance dans les années 1990 avec le fonctionnaire pétersbourgeois Poutine. De là date son surnom de 'chef de Poutine'. Ce dernier, connu pour craindre les empoisonnements, lui fera confiance plus tard pour fournir le Kremlin. La proximité du chef avec le président lui permettra surtout de remporter des contrats de plus en plus importants (celui avec le ministère de la Défense est évalué à plus d’un milliard d’euros par an).»
Hormis l'Ukraine, l’Afrique serait devenue ces dernières années le terrain d’action privilégié d’Evgueni Prigojine, en marge des contrats militaires ou de sécurité officiellement conclus sur le continent par Moscou. «Ce rôle est particulièrement visible en Centrafrique (RCA), où Wagner assure tant la sécurité présidentielle que la formation de troupes centrafricaines, listait «Le Monde» dans son article publié en octobre 2019. La mort de trois journalistes russes enquêtant sur le sujet a aussi révélé l’implication de diverses firmes liées à Wagner dans l’exploitation de mines de diamants et d’or.»
En RCA, la société paramilitaire est accusée de graves violations des droits de l’homme, notamment par l'ONU. Dans la capitale, Bangui, les mercenaires ripostent à coup de propagande. Des films qui font leur petit effet sur une partie de la population locale, démontre TV5 Monde. De son côté, l'Union européenne (UE) a sanctionné à plusieurs reprises l'oligarque russe, résume RTL. Sans réussir à mettre fin à ses activités pour l'instant.
Outkine, le fan d'Hitler décoré par Poutine
Au commandement du groupe Wagner, on retrouve Dimitri Outkine, ancien officier du service de renseignement militaire russe, décoré par Vladimir Poutine en personne, qui lui a remis l’Ordre du courage pour ses «faits d’armes» en Syrie, explique «20 minutes».
Selon nos confrères, Outkine dirige cette milice dont il est le fondateur, et l’a baptisée de son propre surnom. «Car l’homme est un nostalgique du IIIe Reich, écrit le quotidien gratuit. Reconnaissable à son crâne rasé et ses tatouages nazis, Outkine a pris 'Wagner' pour nom de guerre alors qu’il officiait encore dans l’armée russe, en référence directe au compositeur préféré de Hitler. Avant de l’attribuer à sa milice.»
Désormais, le vétéran répondrait au surnom de «sa Majesté noire». En décembre dernier, l'UE a imposé plusieurs mesures restrictives à l'encontre d’Outkine et de plusieurs de ses collaborateurs membres de Wagner. Il a ainsi été accusé d’être «responsable de graves violations des droits de l’homme commises par le groupe, dont des actes de torture, ainsi que des exécutions et assassinats extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires».
Au total, entre 2500 et 5000 soldats garniraient les rangs de l'armée privée. «Des hommes payés entre 1500 et 4000 euros par mois, selon les différentes enquêtes, et on les retrouve, comme par hasard, partout où la Russie a des intérêts stratégiques», ironise BFMTV. «En Syrie, en Libye, en Centrafrique, au Mali, au Soudan et donc en Ukraine, énumère le média. C’est même là que le groupe est apparu pour la première fois, dans le Donbass, aux côtés des séparatistes.»