Poutine menace l'Europe. Aux Etats-Unis, l'égocentrique Trump prendra bientôt le pouvoir. Parallèlement, les deux moteurs européens – l'Allemagne d'abord et maintenant la France – plongent tour à tour dans des crises politiques et économiques. Et lorsque ces deux piliers sont fragilisés, c'est toute l'Europe qui en fait les frais. La situation est donc loin d'être idéale... D'autant plus que beaucoup de gens en Europe sous-estiment les risques.
Le dernier coup de massue en date a eu lieu ce mercredi, en France. L'Assemblée nationale a censuré le gouvernement du Premier ministre Michel Barnier. Un gouvernement qui n'aura tenu que trois mois.
Faire face à la crise économique
La France – troisième moteur économique d'Europe après l'Allemagne et la Grande-Bretagne – risque donc de plonger à cause de retards dans les décisions politiques et financières. Anne-Sophie Alsif, du cabinet de conseil fiscal parisien BDO, ne mâche pas ses mots: «Si le gouvernement tombe maintenant et qu'il n'y a pas de budget pour 2025, nous pourrions glisser directement dans une crise économique. Ce serait une catastrophe», déclare l'économiste en chef à la «Deutsche Welle».
L'Allemagne devance la France, se trouvant encore plus proche du gouffre. Sur le plan politique, le gouvernement allemand a échoué, entraînant la rupture de la coalition et de nouvelles élections en février 2025. Sur le plan économique, la plus grande économie d'Europe est également sur la pente descendante. Des licenciements massifs sont à prévoir dans plusieurs secteurs.
Menace de l'extérieur
Pour couronner le tout, l'Europe est menacée et voit sa position internationale s'affaiblir. Son allié historique américain mettra probablement fin à leur amitié le 20 janvier 2025, lorsque Donald Trump prendra les rênes de la Maison-Blanche. Avec une devise bien connue: «America first». Le reste n'importe que peu.
Et puis, il y a le dirigeant russe Vladimir Poutine qui envahit depuis février 2022 un pays voisin, l'Ukraine, et menace désormais d'utiliser des bombes atomiques. Dans un tel contexte, il ne serait pas surprenant que d'autres pays soient aussi attaqués.
L'amitié franco-allemande s'est éteinte
Des facteurs domestiques ont aussi leur part de responsabilité dans la chute des deux Etats. Gilbert Casasus, ancien professeur d'études européennes et directeur du Centre d'études européennes de l'université de Fribourg, livre son analyse: «Alors que la France est victime de son déficit budgétaire, l'Allemagne subit les conséquences, prévisibles depuis longtemps, de son idéologie du frein à l'endettement.»
Selon l'expert, les deux pays vivraient une crise de sens et se seraient progressivement éloignés l'un de l'autre, au profit de l'intégration européenne. «C'est pourquoi ni Berlin ni Paris n'ont réussi à donner un nouvel élan à l'Europe, ce qui a des répercussions négatives partout», conclut Gilbert Casasus.
Et de rappeler une règle générale: «Si ça fonctionne entre la France et l'Allemagne, ça fonctionne aussi en Europe. Si ça ne marche pas entre les deux, tout va mal en Europe aussi.» Une affirmation qui devrait également faire réfléchir les Suisses.
Une sous-estimation de la gravité de la situation
Selon Gilbert Casasus, beaucoup de gens ne sont pas du tout conscients de l'ampleur de la menace actuelle et de la gravité de la situation en Europe. «Le vieux continent est devenu la cible idéologique et militaire de ses adversaires, et de nombreux Européens font comme s'il ne s'agissait que d'un épisode passager.»
Le spécialiste plaide donc pour une «nouvelle clarification européenne», dans laquelle les valeurs communes seraient consolidées, ainsi que pour une adaptation du traité européen de Lisbonne de 2009, dans lequel des objectifs communs en matière de défense devraient notamment être définis.
Une armée européenne?
Comme on ne sait pas à quel point l'OTAN sera fiable avec l'arrivée de Trump, l'Europe ne pourra sans doute pas éviter de réfléchir à la mise en place d'une armée européenne et à la création d'un bouclier nucléaire autonome. «Sans une politique d'armement et de défense commune, stratégiquement autonome et militairement ambitieuse, il est impossible de penser à une souveraineté européenne», estime Gilbert Casasus.
Mais selon lui, la cause de la crise en Europe a une autre raison: la complaisance des Européens. Il met en garde contre l'inaction: «Le fait que l'Europe soit devenue un îlot de démocratie ne suffit pas pour se reposer sur ses lauriers.»