Les policiers belges en font encore des cauchemars. Le 26 novembre 2021, il y a tout juste un an, les agents interrogés par la Cour d’assises spéciale antiterroriste de Paris ont bien dû reconnaître leurs erreurs. Pourquoi Brahim Abdeslam, le frère de Salah Abdeslam aujourd’hui de nouveau sur le banc des accusés à Bruxelles, a-t-il été relâché, après avoir été interpellé à son retour de Syrie en 2015? Cette question n’est qu’une interrogation parmi d’autres. Elle sera, à coup sûr, au centre des débats durant le procès des attentats de Bruxelles du 22 mars 2016, qui vient de s’ouvrir ce lundi. Il doit durer jusqu’en juin 2023.
Des images de Salah Abdeslam
À la différence du procès «V13» des attentats parisiens du 13 novembre 2015, des images ont été diffusées ce lundi lors de l’ouverture des débats. L’on voit, visage flouté, Salah Abdeslam, 33 ans, unique rescapé des commandos terroristes qui vinrent semer la mort en France, et déjà condamné pour cela à une peine de perpétuité incompressible. Abdeslam n’a pas participé directement aux attentats à Bruxelles, la ville où il a grandi et vivait, dans le quartier de Molenbeek. Il y avait été interpellé le 18 mars, soit quelques jours avant que les terroristes se fassent exploser à l’aéroport de Zaventem et dans la station de métro Maalbeek. Mais c’est à nouveau autour d’Abdeslam que de nombreuses questions seront posées. Huit autres complices présumés sont accusés à ses côtés. Plus de mille parties civiles seront représentées lors de ce procès, le plus important jamais organisé par la justice belge.
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Un sujet, pourtant, s’annonce encore plus brûlant qu’il ne l’a été en France: celui des responsabilités de la police et des services de renseignements belges. Et pour cause: la cellule terroriste islamiste responsable des attentats de Bruxelles était directement liée à celle du 13-Novembre. À sa tête, au moins pour le côté opérationnel en Europe? Un ressortissant belge, Abdelhamid Abaaoud, tué par les policiers français le 18 novembre lors de l’assaut contre l’appartement de Saint-Denis (nord de Paris) où il avait trouvé refuge.
Cette cellule n’aurait, en fait, jamais dû mener ses actions violentes. Elle aurait dû être neutralisée en janvier 2015, lors de l’assaut mené par la police belge contre une cache islamiste à Verviers, une commune de la province de Liège. Le 15 janvier 2015, deux hommes, Soufiane Amghar et Khalid Ben Larbi, sont tués par les forces de l’ordre. Un troisième survit, Marouane El Bali. Pourquoi la piste de Verviers, qui était la bonne, n’a-t-elle pas mené aux autres militants islamistes? Le procès de Bruxelles devra y répondre.
Une commission d’enquête parlementaire accablante
Autre casse-tête pour la Sûreté belge (le nom des services de renseignements)? Le contenu d’un rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de mars 2016. Celui-ci recense au moins treize défaillances des services de sécurité. Les raisons? Manque de moyens, méconnaissance, erreur d’appréciation, banques de données non interconnectées. Le quotidien français «Le Monde» le relatait dans un article du 13 octobre 2016. Édifiant: «Dans la liste des manquements figure l’étonnant classement par le parquet fédéral, en juin 2015, d’un dossier concernant les frères Salah et Brahim Abdeslam, faute d’informations suffisantes en provenance des services de police.»
L’unité antiterroriste de la police fédérale à Bruxelles disposait pourtant de renseignements collectés un an plus tôt quant à la radicalisation des deux frères. Un informateur avait également indiqué qu’ils étaient en lien avec un de leurs copains d’enfance, Abdelhamid Abaaoud, devenu un célèbre combattant de l’Etat islamique en Syrie.
On connaît malheureusement la suite. Deux des auteurs des attentats suicides bruxellois, Ibrahim et Khalid El Bakraoui, connaissaient Salah Abdeslam et l’avaient sans doute côtoyé durant ses mois de cavale, entre novembre 2015 et mars 2016. Najim Laachraoui, le troisième terroriste, avait fréquenté Abaaoud. Le sentiment de gâchis sécuritaire sera difficile à contenir devant les victimes.
La police ne croyait pas au risque d’attentat
La réalité, dure à admettre, est que la police belge, dans un pays où de nombreux quartiers de métropole sont dominés par une population immigrée musulmane (le plus souvent marocaine), ne croyait pas au risque d’attentat majeur sur le territoire du Royaume. Et cela, malgré les avertissements à répétition des services français.
L’autre facette de ce procès sera de lever le voile sur les difficultés engendrées par la structure fédérale de l’État belge, et la coopération défaillante entre polices flamandes et wallonnes. Toutes les attaques bruxelloises ont été revendiquées par le groupe djihadiste Etat islamique.
Sur les neuf hommes dans le box des accusés, six ont déjà été condamnés, la plupart très lourdement, dans le procès-fleuve achevé en juin à Paris pour les tueries du 13-Novembre.