La justice a fait son œuvre
La plaie des attentats du 13 novembre 2015 commence enfin à se refermer

Le 13 novembre 2015, la France vivait l'une des pires nuits de son histoire récente avec les attentats du Stade de France, du Bataclan et des terrasses parisiennes. Sept ans après, la justice a fait son œuvre. Et les accusés n'ont pas fait appel.
Publié: 13.11.2022 à 19:21 heures
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Dernière mise à jour: 13.11.2022 à 19:22 heures
La première ministre française Elisabeth Borne et la maire de Paris Anne Hidalgo ont, ce dimanche, rendu hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
Photo: imago/PanoramiC
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Richard WerlyJournaliste Blick

Sept ans pour que le deuil commence à prendre forme. La France du 13 novembre 2022 est-elle enfin capable de tourner la page de l’une des plus tragiques nuits de son histoire: celle des attentats parisiens du 13 décembre 2015?

La question est posée, parce qu’un changement majeur est intervenu. Cette année, la justice a enfin fait son œuvre. Le 29 juin 2022, le procès-fleuve des 20 personnes accusées (dont 14 étaient présentes) d’avoir mis sur pied ou rendu possible cette vague sans précédent de terrorisme islamiste, s’est achevé après plusieurs mois d’audience. Salah Abdeslam, le seul rescapé des commandos meurtriers, a été condamné à la peine de perpétuité incompressible. Aucun des condamnés n’a fait appel. Pour la première fois depuis cette nuit d’horreur, le deuil devient possible.

Les questions ont trouvé leurs réponses

130 victimes. Sept terroristes morts. 413 blessés, dont de très nombreux grièvement. Et maintenant, une série d’attentats qui appartient à l’histoire. Le procès a eu lieu, du 8 septembre 2021 au 29 juin 2022. Un livre, «V13» (Ed. POL), de l’écrivain Emmanuel Carrère, raconte ces journées d’épreuve judiciaire et morale. Un film «Novembre», avec l’acteur Jean Dujardin, cartonne dans les salles où les spectateurs viennent retrouver le fil de l’enquête menée, dans la foulée des attentats, par la division nationale antiterroriste.

Jusque-là, de nombreuses questions étaient restées sans réponse sur les journées qui ont suivi le 13 novembre, jusqu’à l’assaut le 18 novembre de l’appartement de Saint-Denis dans lequel le chef présumé des commandos, Abdelhamid Abaaoud, avait trouvé refuge avec un complice et une cousine, Hasna Aït Boulahcen. Or ces questions ont enfin trouvé des bribes d'explications. Les unes, au fil du procès et des débats menés par les magistrats de la cour d’assises spéciale. Les autres, au fil de ce long métrage réaliste, qui n’élude pas les tâtonnements, les fausses pistes et les coups de chance de la police.

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Il y avait quelque chose de l’ordre de la catharsis

«Le mot catharsis peut sembler galvaudé, mais il y avait bien quelque chose de cet ordre. Le procès n’a pas été que l’appartement témoin de la justice. Il y a eu une sorte de purgation des passions» témoignait ce week-end dans Le Figaro l’écrivain Emmanuel Carrère. Son récit, V13, dresse aussi bien le portrait des juges que celui des avocats, des accusés, des parties civiles et du public. Il montre comment, par touches subtiles, par ce souci de faire parler tout le monde, y compris les complices du pire, comme Salah Abdeslam, une volonté commune de tourner la page a fini par émerger et par s’imposer.

Abdeslam, d’ailleurs, y a contribué. Il a enfin parlé lors du procès. Pour se défendre bien sûr. Mais il n’est pas resté cloîtré dans un silence abominable. La vérité de la radicalisation islamique violente a éclaté au grand jour. Tout le monde a compris qu’elle peut s’abattre sur presque toutes les familles de confession musulmanes.

Certaines dérives sont imparables. Elles ne sont pas programmées. «En ce qui concerne les terroristes du 13 novembre, poursuit Emmanuel Carrère dans Le Figaro, il n’y avait pas de cas sociaux, pas de familles dysfonctionnelles. Ce n’était pas le quart-monde. L’explication sociologique par la misère ne tient pas.» La réaliser, c’est accepter l’extrême vulnérabilité d’une société. Mais c’est aussi comprendre ce qu’il ne faut plus accepter ou laisser déraper.

Affreuse ironie du calendrier

L’affreuse ironie du calendrier est que ce moment où le souvenir du 13 novembre 2015 s’estompe intervient en plein procès de l’attentat de Nice du 14 janvier 2016, lorsqu’un camion fou tua des dizaines de personnes sur la promenade des Anglais. Ce procès se déroule dans la même salle d’audience de l’historique palais de justice de Paris. Il est aussi mené par une Cour d’assises spéciale. Il prouve que la France n’en a pas fini avec ce cancer islamiste qui ronge des parties de sa société.

Plusieurs commentateurs, dont j’étais, ont estimé au début du procès du 13 novembre 2015 que sa durée, sa tenue au milieu de la capitale française, sa collision de dates avec l’élection présidentielle pourraient conduire au pire. Ce fut heureusement une erreur d’appréciation. Nous avions tort. La France était capable de tenir bon dans l’épreuve.

La justice est passée avec son lot d’interrogations et de frustrations incontournables, comme celles que pose la condamnation à la perpétuité incompressible de Salah Abdeslam, reparti en pleine nuit pour Bruxelles (où il fut arrêté le 18 mars 2016) sans avoir directement commis le pire. «Mettons de côté l’idée que c’est une peine semblable à la peine de mort, juge Emmanuel Carrère. Il y a un argument de bon sens qui est de se dire: si Abdeslam, qui n’a pas tué, a pris cette peine, qu’auraient pris Abaaoud ou les autres terroristes?»

Faire face dans l’épreuve

La force d’une société est de faire face dans l’épreuve. De ne pas céder aux appels à la haine. D’accepter la justice. La France, en ce 13 novembre 2022, a montré qu’elle était capable de cela.

Au moment où tellement d’experts dissertent sur ses fractures, cette résilience-là prouve que le pays est sans doute plus solide que beaucoup ne le pensent. La preuve: il se montre aujourd'hui capable de surmonter ses pires fantômes.

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