Est-il plus dangereux pour la sécurité et la prospérité de l’Europe que Vladimir Poutine? Joue-t-il un double jeu avec la Russie, agresseur de l’Ukraine et menace numéro un pour la stabilité du continent selon l’Union européenne?
Ces questions seront au centre de la visite d’État en France que le président Xi Jinping entame ce dimanche 5 mai en soirée, soixante ans après l'établissement des relations diplomatiques entre Paris et Pékin. Il restera deux jours avant de se rendre dans deux pays qui accueillent les investissements chinois à bras ouverts: la Serbie et la Hongrie. Réponse en cinq points sur le (potentiel) danger «Made in China».
Oui, la Chine a de quoi inquiéter l’Europe
Il faut s’entendre sur les mots. La Chine de Xi Jinping ne menace pas directement, militairement, le continent européen. C’est la grande différence avec la Russie de Vladimir Poutine, surtout depuis l’assaut contre l’Ukraine du 24 février 2022.
Le défi chinois est triple. D’abord le défi économique, car beaucoup de pays européens, à commencer par l’Allemagne, dépendent de leurs exportations vers ce géant asiatique.
Ensuite, le défi technologique, car les capacités chinoises en matière numérique et d’intelligence artificielle concurrencent fortement l’Europe. Enfin, sur le plan politique: la dictature impitoyable du Parti communiste chinois est justifiée par Xi Jinping au nom de l’efficacité. La Chine est aujourd’hui une formidable puissance industrielle.
Le message aux démocraties? Vous ne serez jamais aussi efficace que la Chine. Ce que beaucoup de pouvoirs africains regardent avec intérêt.
Oui, Xi Jinping est inquiétant
C’est une évidence: à 70 ans, l’actuel président chinois, qui n’a plus de limitation de durée à son mandat, est un «Empereur rouge» qui fera tout pour se maintenir au pouvoir en utilisant l’arme du nationalisme pour galvaniser sa population.
D’où la question qui inquiète les Occidentaux, et au-delà tous les pays d’Asie: Xi Jinping va-t-il s’en prendre militairement à Taïwan, cette île considérée par l’immense majorité de la communauté internationale comme appartenant à la Chine? On pense bien sûr à la date anniversaire de la révolution communiste chinoise, en 2049, cent ans après l’accession au pouvoir de Mao Tse Toung.
Le point faible de Xi Jinping est en revanche connu: son pays est immense, son économie est ultra-dépendante du commerce international, son secteur financier est un château de cartes comme l’a prouvé, en janvier 2024, la faillite du géant immobilier Evergrande, qui affiche 300 milliards de dollars de dettes.
Oui, la Chine n’est pas un partenaire loyal
Contrairement à ce que disent les défenseurs de la Chine, puissance émergente, Pékin n’est pas un partenaire loyal. La Chine a bâti sa puissance technologique, en bonne partie, sur le pillage du savoir-faire occidental.
Logique, disent les Chinois, qui voient dans cette stratégie une revanche sur la colonisation du XIXe siècle, et l’exploitation de l’immense Chine par les puissances européennes d’alors qui saccagèrent le palais d’été à Pékin, en 1860, et s’approprièrent de nombreux trésors.
Les Chinois brandissent aussi l’humiliation des guerres de l’opium (1839-1856). Il faut prendre en compte ces arguments. Restent les faits: la Chine sape l’influence européenne en Afrique. Elle endette ses pays partenaires, comme le Sri Lanka, avec le programme d’infrastructures Belt and Road (Ceinture et route). Sa puissance est celle d’un prédateur.
Non, la Chine n’a pas intérêt à démolir l’UE
Emmanuel Macron a une carte à jouer et il le sait. Les 27 pays de l’Union européenne (UE) sont des partenaires commerciaux indispensables à la Chine, alors que la confrontation commerciale, militaire et technologique entre Pékin et Washington devient de plus en plus imminente.
La présence à Paris de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prouve la volonté française de parler au nom de l’Europe. La Chine de Xi Jinping, puissance communiste centralisée, déteste par ailleurs les imprévus. C’est pourquoi le possible le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche inquiète le président chinois.
La Chine n’a pas non plus intérêt à lier son destin à celui de la Russie de Poutine, qui apparaît aujourd’hui plus comme son vassal que comme son égal. Sur l’Ukraine, la présence de la Chine (ou non) à la conférence de paix organisée par la Suisse les 15 et 16 juin sera un test.
Non, la Chine n’est pas la Russie
Xi Jinping n’est pas Vladimir Poutine. Le président chinois est la tête d’un immense pays qui est déjà la seconde puissance économique mondiale (sauf si l’on considère l’Union européenne comme un seul bloc). Il a besoin du commerce international. Il doit gérer un voisinage difficile: le Japon et la Corée du Sud sont pro-américains; la Corée du Nord est imprévisible; l’Inde est en guerre avec son pays dans les glaciers de l’Himalaya et soutient le Tibet; l’Asie du sud-est a toujours, dans l’histoire, eut des relations compliquées avec les minorités chinoises.
L’homme Xi Jinping est aussi à l’opposé de Poutine. C’est un pur politique, fils d’un ancien proche de Mao Tse Toung écarté durant «le grand bond en avant». Il veut la puissance, mais il cherche aussi l’honorabilité internationale. La Chine ne veut pas devenir ce qu’est aujourd’hui la Russie: un grand pays paria.