Soupçons de conflits d'intérêts
Réélue largement, Ursula von der Leyen enterre les accusations sur Pfizer

La présidente sortante de la Commission européenne demeure soupçonnée de conflits d'intérêts dans les achats de vaccins lors de la pandémie de Covid-19. Sa réélection par le Parlement européen va sans doute clore le débat.
Publié: 18.07.2024 à 14:15 heures
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Dernière mise à jour: 18.07.2024 à 16:08 heures
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L'Allemande Ursula von der Leyen est en poste à la tête de la Commission européenne depuis l'été 2019.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ursula von der Leyen vient de confirmer qu’elle est la femme la plus puissante du continent. Réélue ce jeudi 18 juillet à la présidence de la Commission européenne par 401 voix sur 707 eurodéputés présents durant la première session plénière du nouveau Parlement de Strasbourg, l’ancienne ministre allemande de la Défense a réussi à surmonter toutes les critiques, tant sur sa politique que sur sa personne et ses méthodes. Une réelle victoire politique, qui risque malheureusement d’accroître la défiance de nombreux Européens envers des institutions communautaires de plus en plus bousculées par la montée des partis nationaux-populistes.

Pour obtenir cette réélection, Ursula von der Leyen, 65 ans, a remporté ces dernières semaines trois batailles simultanées.

Première bataille gagnée: celle qui l’opposait aux caciques de la droite européenne, comme le chef des conservateurs allemands Manfred Weber, qu’elle avait doublé sur le fil en 2019 pour le prestigieux poste bruxellois. VDL, comme on la surnomme, a pour cela abandonné l’impartialité politique qui sied à son poste. Elle s’est engagée, dès l’automne 2023, aux côtés du PPE, le parti conservateur dominé par la CDU allemande, sa formation politique d’origine. Ce qui lui a valu des critiques très dures de la part du commissaire français Thierry Breton, aujourd’hui candidat lui aussi à un nouveau poste dans la future commission.

Face à la gauche

Seconde bataille gagnée: celle qui l’opposait à tous ses adversaires, à gauche comme du côté des nationaux populistes. La gauche sociale-démocrate, alliée du PPE et des Libéraux pour obtenir une majorité au Parlement européen, espérait sortir victorieuse des urnes le 9 juin. Un candidat socialiste à la présidence de la Commission, le Luxembourgeois Nicolas Schmit, avait été désigné. Echec. Avec seulement 131 sièges contre 173 pour les conservateurs, les socialistes ont dû faire retraite. Tandis que l’extrême droite n’a pas trouvé le moyen de convertir son succès en influence dans l’hémicycle de Strasbourg. Même s’ils forment la troisième force politique du Parlement européen, les eurodéputés souverainistes et nationalistes butent sur le «barrage» qui les maintient dans l’opposition.

Troisième bataille gagnée: celle contre l’opinion. Ursula von der Leyen n’a pas dirigé la Commission depuis cinq ans avec l’exigence de transparence requise. Elle s’est quasiment comportée comme la présidente d’un État. Elle a pris des initiatives, en Ukraine et en Israël, sans en référer aux États-membres. Elle a joué à fond la carte médiatique, mettant en avant la défense des valeurs européennes et de l’État de droit, tout en refusant de faire toute la lumière sur les contrats d’achats de vaccins anti-covid au géant pharmaceutique Pfizer, avec lequel son mari a entretenu des liens d’affaires.

Contre Viktor Orbán

Elle a aussi esquivé les attaques contre plusieurs nominations discutables à des postes cruciaux de la Commission. Sa force a été de choisir ses combats. Elle s’est frontalement opposée au Premier ministre hongrois Viktor Orbán, dont le pays assume l’actuelle présidence semestrielle tournante de la Commission. Elle a en revanche ménagé la Première ministre italienne Giorgia Meloni, issue de l’extrême droite.

L’issue ne fait pas de doute maintenant que sa réélection est acquise: Ursula von der Leyen, mère de sept enfants, polyglotte allemand-anglais-français, pro-américaine convaincue, va pouvoir orienter l’Union européenne dans la direction qu’elle juge bonne et qu’elle a présentée dans son manifeste à Strasbourg. Une UE sans doute moins autonome vis-à-vis des États-Unis que ne le souhaite celui qui avait initialement proposé son nom en 2019: le président français Emmanuel Macron. Une Union où les intérêts industriels allemands seront préservés, ce qui laisse présager quelques problèmes avec les écologistes. Une Union vouée à s’élargir vers l’est, malgré tous les problèmes que cela entraînera.

Quid des accusations portées contre elle pour les vaccins anti-Covid, relayées mercredi 17 juillet par un avis sévère de la Cour de justice de l’Union européenne? Celle-ci a pourtant été claire, épinglant le manque de transparence. Elle a ainsi donné raison aux eurodéputés écologistes, les plus engagés dans cette bataille: «La Commission n’a pas donné au public un accès suffisamment large aux contrats d’achat de vaccins contre le Covid-19», ont estimé les juges de Luxembourg à propos des 13 contrats passés en 2020 et 2021, couvrant la fourniture de 1 milliard de doses de vaccins destinés aux États membres pour plus de 2 milliards d’euros.

Parmi les «irrégularités» pointées par le tribunal, figure notamment le refus «partiel» de divulguer les déclarations d’absence de conflit d’intérêts des négociateurs européens de ces achats. La Commission en a «pris acte». Parallèlement à plusieurs recours devant la justice de l’UE, le parquet européen a de son côté ouvert une enquête en octobre 2022 sur ces achats.

Ses adversaires et détracteurs pensaient qu’Ursula von der Leyen sortait «cramée» de ces 5 années de présidence. L’intéressée vient de prouver qu’elle a su éteindre tous les foyers d’incendie.

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