Mais pourquoi continuent-ils de s’entretuer? Cette question, Pierre Haski n’est pas seul à se la poser. Le monde entier s’interroge depuis le 7 octobre et les pogroms perpétrés par le Hamas, suivi par l’assaut terrifiant de l’armée israélienne sur Gaza. Oui, pourquoi?
On connaissait les récits détaillés, remplis de dates et de références, du journaliste Charles Enderlin, devenu la bête noire des extrémistes de l’État hébreu dont il dénonce le jusqu'auboutisme méssianique et mortifère. Pierre Haski, chroniqueur géopolitique à France Inter, familier depuis un demi-siècle de cette région, ne rentre pas à ce niveau de détails dans «Une terre doublement promise» (Ed. Stock). Son livre, mélange de retour sur l'histoire, d'analyse d'actualité et d'archives, est avant tout le constat d’une impossibilité: celle de vivre ensemble en confiance, alors que tout le monde ou presque, au Proche-Orient, porte en soi un fragment de haine.
La force de l'essai de Pierre Haski est qu’il est écrit avec espoir. L’on sent, presque à chaque page, que l’auteur ne veut pas se résoudre à ce que sa vie professionnelle, largement consacrée au conflit israélo-palestinien, se résume à la chronique d’un échec sanglant. Et pourtant! Une phrase résume tout. Elle est écrite avec des mots simples. L’on se tue, sur la terre d’Israël et de Palestine, parce que l’on ne croit pas un futur possible avec l’autre. «Si les données du problème sont connues, le chemin pour parvenir à une solution ne l’est pas», répète plusieurs fois l’auteur, sous une forme ou sous une autre.
Une succession d’échecs
Le problème est que l’histoire de cette région n’est, depuis un siècle, qu’une succession d’échecs à inventer une vie «ensemble». Les juifs de l’État hébreu ont fini par se murer dans une réalité parallèle, convaincus par les extrémistes que toute violence est légitime si elle permet aux Israéliens de rester sur cette terre. Les Palestiniens ont intériorisé l’échec. Ils n’ont plus en eux que la rage. Deux foyers pour une seule terre, c'est un foyer de trop.
Les mots des poètes arabes et juifs finissent toujours par être détournés par ceux qui veulent tuer. «Les mémoires conflictuelles sont au cœur de l’impossibilité de vivre ensemble», écrit Pierre Haski. La vertu de son livre est d'expliquer simplement, en citant le plus souvent possible des épisodes vécus, comment tout a déraillé. Comment? Parce que la folie humaine n’a besoin que d’une étincelle pour se transformer en arme de destruction massive, alors que la paix est obligatoirement un échafaudage précaire.
Le pire est l’option la plus probable
Il faut lire l’essai de Pierre Haski, ponctué d’anciens reportages republiés, avec la curiosité de celui qui n’arrive toujours pas à croire que le pire est plus probable que le meilleur. Son décryptage de l’échec des Accords d’Oslo est captivant. Son récit de la folie meurtrière des colons juifs à Hébron nous fait découvrir la descente aux enfers d’une poignée d’illuminés armés. Dommage, peut-être, que l’auteur ne nous offre pas davantage sur Gaza, terre qu’il connaît bien, mais dont il parle finalement peu. L’essentiel du livre est historique. Il s’agit, au gré d’un siècle de conflit, de retracer le caractère inévitable de cette guerre qui, peut-être, ne finira jamais.
L’auteur a l’immense mérite de rester sobre. Il cite Albert Londres. Il relate les affirmations du père du mouvement sioniste Théodor Herzl. Il nous fait comprendre les personnalités de Yasser Arafat et Yithsak Rabin. Il nous brosse le portrait de Benjamin Netanyahu et de ses colistiers d’extrême droite. Ce siècle de conflit n’est pas que l’échec des Israéliens et des Palestiniens. Il est notre échec collectif. C’est pour cela que cette guerre, à Gaza, nous concerne tous.
A lire: «Une terre doublement promise», par Pierre Haski (Ed. Stock)