«Le fascisme ne passera pas»
Marée de manifestants à Jérusalem contre la réforme de la justice

Des dizaines de milliers de personnes manifestent lundi après-midi autour du Parlement israélien à Jérusalem contre un projet de réforme de la justice, avant un vote sur une partie de cette loi attendu en soirée. Ils estiment ce projet dangereux pour la démocratie.
Publié: 20.02.2023 à 15:25 heures
Comme le lundi précédent, une marée de drapeaux israéliens a déferlé sur les jardins et les rues autour de la Knesset (parlement).
Photo: OHAD ZWIGENBERG

Comme le lundi précédent, une marée de drapeaux israéliens a déferlé sur les jardins et les rues autour du Parlement, la Knesset, dont les accès sont barrés par la police, selon des journalistes de l'AFP sur place. Vers 14h, début annoncé de la manifestation, la foule atteignait déjà 30'000 personnes, selon la chaîne 12 de la télévision israélienne.

Un des organisateurs a indiqué à la presse attendre 100'000 manifestants alors que des milliers d'autres, venus souvent de loin, continuent d'affluer. «Marre des corrompus» ou «Le fascisme ne passera pas», pouvait-on lire sur des bannières brandies par les manifestants, qui scandaient notamment «Israël n'est pas une dictature!» ou encore «Démocratie égale dialogue». «L'État est en danger», a déclaré à l'AFP Dvir Bar, manifestant de 45 ans venu de Holon (centre).

Le caractère démocratique de l'État d'Israël en danger?

Le projet de réforme de la justice annoncé début janvier par le gouvernement mobilise une forte partie de l'opinion publique contre lui. Selon ses détracteurs, la réforme, en visant à réduire l'influence du pouvoir judiciaire au profit du pouvoir politique, met en péril le caractère démocratique de l'État d'Israël. Ce projet «est une tentative de coup d'État visant à transformer Israël en dictature», estime M. Bar.

«Je suis très inquiète, car les changements proposés par la coalition laisseront l'État d'Israël dans une situation où mes enfants ne pourront pas vivre», a déclaré Adi Eran, pédiatre de 47 ans, mère de trois enfants.

À Tel-Aviv, des manifestations ont lieu tous les samedis au soir, rassemblant des dizaines de milliers de protestataires – signe d'une mobilisation massive à l'échelle de la taille du pays. Les manifestants dénoncent en bloc ce projet, mais aussi la politique générale du gouvernement, formé en décembre par Benyamin Netanyahu (droite) avec l'aide de partis d'extrême droite et de formations ultra-orthodoxes juives.

«L'Histoire ne vous pardonnera pas»

Le 13 février déjà, une manifestation monstre avait eu lieu devant le Parlement alors que la Commission des lois commençait l'examen d'une partie des articles de la loi. «C'est la pire crise interne que l'État d'Israël ait connu [...] nous ne renoncerons pas», a déclaré à l'intérieur du Parlement le chef de l'opposition, Yaïr Lapid (centre).

«L'Histoire ne vous pardonnera pas et l'Histoire vous jugera», a renchéri l'ancien ministre de la Défense, Benny Gantz, autre figure centriste de l'opposition.

Le projet du gouvernement comprend l'introduction d'une clause «dérogatoire» permettant au Parlement d'annuler à la majorité simple certaines décisions de la Cour suprême. La réforme propose également des changements dans le processus de nomination des juges de la Cour suprême et la réduction des pouvoirs des conseillers juridiques au sein des ministères.

Museler la Cour suprême

Pour M. Netanyahu et son ministre de la Justice, Yariv Levin, le projet de loi est nécessaire pour rétablir un rapport de force équilibré entre les élus et la Cour suprême, que le Premier ministre et ses alliés jugent politisée.

«Sans surveillance de la justice, le gouvernement peut prendre toutes les décisions politiques qu'il veut sans aucune limitation», dénonce Kovi Skier, manifestant de 33 ans venu de Givat Shmuel (centre). «Il pourrait prendre des mesures contre les femmes, contre les Arabes, contre les religieux [...] Tout le monde sera affecté», ajoute-t-il, sa fille dans les bras.

Dimanche soir, le président israélien, Isaac Herzog (qui joue un rôle essentiellement protocolaire), a fait part de ses inquiétudes sur «ce qui arrive à la société israélienne». «Nous sommes face à une épreuve cruciale. Je vois les divisions et fissures entre nous, qui deviennent de plus en plus profondes et douloureuses», a-t-il dit.

Dans le nord de Tel-Aviv, quelque 4000 parents d'écoliers ont manifesté avec leurs enfants, rejoints par des membres du corps enseignant. Des voix de droite se sont également élevées contre cette réforme, notamment l'ancien chef du Shin Beth, Yoram Cohen, qui a déclaré lundi sur la radio militaire qu'il était «impossible de changer la nature de l'État sur le plan judiciaire sans un accord large».

(ATS)

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