Dans une mer de drapeaux israéliens bleu-et-blanc, les manifestants, réunis depuis le matin, brandissent des pancartes comme «Sauvons la démocratie israélienne», «Pays en faillite morale» ou «Nous sommes devenus fous». En l'absence de chiffres de la police, les médias israéliens estiment la foule à plusieurs dizaines de milliers de personnes, ce qui représente une forte mobilisation à l'échelle d'Israël.
Les contestataires crient leur mécontentement alors que la Commission des lois a commencé à voter certaines dispositions de ce texte présenté par le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, ouvrant la voie à un vote en première lecture. Pendant le débat, des altercations ont eu lieu entre des députés issus du parti centriste Yesh Atid opposés à la réforme et le président de la commission parlementaire Simcha Rothman du parti d'extrême droite Sionisme religieux qui défend la réforme.
«Honte! Honte!»
«Honte! Honte!», ont scandé les députés de l'opposition présents. Une vidéo de la chaîne parlementaire a montré trois députés, dont deux qui s'étaient assis par terre, alpagués par des gardes et conduits vers la sortie. Les organisateurs du mouvement de contestation considèrent que la réforme met en péril le caractère démocratique de l'Etat d'Israël et ont également appelé à une grève nationale lundi.
Benjamin Netanyahu est revenu au pouvoir fin décembre en prenant la tête d'un des gouvernements les plus à droite de l'histoire d'Israël, issu d'une alliance entre son parti, le Likoud (droite), des partis d'extrême droite et des formations ultra-orthodoxes juives.
Clause «dérogatoire»
Début janvier, le ministre de la Justice Yariv Levin a annoncé un projet de réforme de la justice contre lequel manifestent chaque samedi soir des dizaines de milliers de personnes, principalement à Tel-Aviv, mais aussi à Jérusalem ou Haïfa (nord d'Israël). Le projet vise à accroître le pouvoir des élus sur celui des magistrats et limiterait considérablement la capacité de la Cour suprême à invalider des lois et des décisions du gouvernement.
Une clause «dérogatoire» permettrait ainsi au Parlement d'annuler à la majorité simple une décision de la Cour suprême, que M. Netanyahu et ses alliés jugent politisée. M. Netanyahu est lui-même jugé pour corruption dans plusieurs affaires. Si elle était adoptée, la réforme pourrait être utilisée pour casser une éventuelle condamnation, avancent ses détracteurs.
Fin à la «polarisation»
Dimanche soir, le président israélien Isaac Herzog s'est adressé à la nation dans un discours télévisé et a appelé au dialogue pour mettre fin à la «polarisation» qui divise selon lui le pays. «Il est possible de parvenir à un consensus», a-t-il déclaré, proposant de suspendre le processus législatif en cours afin de mener des discussions entre les différentes parties.
Après cette allocution, M. Levin a déclaré qu'il n'avait pas l'intention de retarder la législation. Tout en se disant prêt à mener des pourparlers avec l'opposition, il a affirmé que les discussions ne devaient pas être utilisées «pour retarder ou empêcher cette réforme fondamentale du système judiciaire».
Le combat contre la réforme «ne cessera pas», a affirmé sur Twitter le chef de l'opposition Yaïr Lapid. Les chefs des partis de l'opposition ont annoncé la tenue d'une conférence de presse lundi après-midi. «Il y a urgence. Nous ne laisserons pas détruire l'Etat d'Israël», ont-il déclaré dans un communiqué commun.
(ATS)