Le commentaire de Christian Dorer sur la crise ukrainienne
Un choc pour le monde, une honte pour la Suisse

Le monde libre est plus uni que jamais aux côtés de l'Ukraine. Seule la Suisse gamberge — une hésitation fatale pour laquelle il ne peut y avoir la moindre justification, écrit Christian Dorer, rédacteur en chef du groupe Blick.
Publié: 26.02.2022 à 09:54 heures
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Dernière mise à jour: 26.02.2022 à 10:58 heures
Le président Vladimir Poutine est responsable de la première guerre d'agression en Europe depuis le début de la Seconde Guerre mondiale, le 1er septembre 1939.
Photo: Sputnik via AFP
Christian Dorer. rédacteur en chef du groupe Blick

Le 24 février 2022 restera une date majeure: celle de la première guerre d'agression en Europe depuis le 1er septembre 1939, lorsque les troupes d'Hitler ont envahi la Pologne. C'est ainsi que s'est produit ce que personne n'aurait cru possible, qu'un chef de gouvernement actuel s'apprête à asservir 44 millions d'habitants de son pays voisin.

Tous ceux qui faisaient preuve de compréhension envers Vladimir Poutine avant cette décision choc sont pris au dépourvu: personne n'a le droit d'envahir une nation pacifique. Le président russe justifie son agression par des motifs aussi éhontés qu'absurdes: l'Ukraine serait «gouvernée par des Nazis», commettrait un génocide, aurait l'intention d'attaquer Moscou...

L'Europe jamais aussi unie

Les informations de l'homme d'État de 69 ans selon laquelle la Russie serait menacée par l'OTAN est également mensongère. L'Union européenne est le plus grand projet de paix de l'histoire, l'OTAN une alliance défensive. Elle n'attaquera jamais un pays pacifique, tout au plus défendra-t-elle — si nécessaire — sa liberté: cette liberté de l'Occident que Poutine méprise tant. Une nette majorité des 44 millions d'Ukrainiens aime également la liberté du monde occidental. Ils s'en inspirent et veulent donc s'éloigner de la Russie — c'est leur droit!

Face à l'attaque de Poutine, les nations occidentales se serrent les coudes comme elles ne l'ont pas fait depuis longtemps. «Poutine doit et va échouer», a déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Le président français Emmanuel Macron a parlé de «la plus grave attaque contre la paix, contre la stabilité de notre Europe depuis des décennies». Le chancelier allemand Olaf Scholz a, pour sa part, aussitôt réagi en stoppant le projet de gazoduc Nord Stream 2, avec le soutien du chef de l'opposition Friedrich Merz: «C'est le prix de la liberté.»

Une prestation pitoyable

Et la Suisse, dans tout cela? Dit-elle que la guerre ne doit pas être un moyen pour imposer ses vues politiques? Assure-t-elle qu'en tant que membre de la communauté des valeurs occidentales, elle va évidemment soutenir les sanctions prévues par l'Union européenne? Rien de tout cela. Gênée, elle a assuré du bout des lèvres: «Des durcissements sont prévus concernant la prévention du contournement des mesures»...

Cela faisait très longtemps que la Suisse n'avait pas assisté à une prestation aussi pitoyable de ses gouvernants. On ne pouvait ressentir que de la honte à voir Ignazio Cassis et ses fonctionnaires d'État tenter un exercice d'équilibriste aussi malheureux. Le magazine allemand «Spiegel» a aussitôt titré: «La Suisse ne veut pas geler les comptes russes.»

Environ 80% des transactions russes sur les matières premières se déroulent dans notre pays, où de nombreux oligarques ont caché leur fortune. Il va se passer la même chose que d'habitude: la pression internationale va augmenter jusqu'à forcer la Suisse à craquer, l'obligeant à abandonner cette position hésitante tout en entachant sa réputation.

Pas de neutralité lors d'une agression

Les sanctions économiques, les interdictions d'entrée sur le territoire contre l'élite moscovite et le gel de leurs avoirs sont les seuls moyens dont dispose l'Occident. Et lors d'une violation flagrante du droit international comme l'invasion russe de l'Ukraine, même un pays «neutre» peut et même doit participer — car il n'y a pas de neutralité dans une guerre d'agression.

La situation n'est pas non plus comparable à l'annexion de la Crimée en 2014: on ne punit pas non plus de la même manière le voleur qui dérobe une bouteille de Coca à la Migros et le délinquant qui met le feu à tout le magasin.

La Suisse brigue actuellement un siège au Conseil de sécurité de l'ONU. Le Conseil fédéral devrait annuler cette candidature: un gouvernement qui n'est même pas capable de prendre des décisions claires pour son propre pays en cas de guerre — comment pourrait-il trouver des solutions pour le monde entier?


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