Les Russes riches aiment la Suisse. Pour la beauté enneigée de Saint-Moritz? Oui, mais pas que. Bien plus encore pour notre place financière. La majorité de l'Occident a frappé la Russie de sanctions et fait geler les fonds de ses oligarques, mais la Suisse ne suit pas le mouvement. C'était déjà le cas en 2014 lors de l'annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée.
Selon la Banque des règlements internationaux, les citoyens et les entreprises russes ont déposé près de 37 milliards de dollars à l'étranger, dont 11 milliards en Suisse. Cela signifie que près d'un dollar sur trois détenu par des particuliers et des entreprises russes se trouve dans des coffres-forts et sur des comptes en Suisse. Selon des initiés, le nombre de cas non déclarés pourrait même être bien plus élevé en raison des opérations offshore...
L'oligarque russe le plus connu dans le pays est Viktor Vekselberg, qui réside en Suisse depuis 17 ans. Sa fortune s'élèverait à plus de 9 milliards de dollars. Il détient des participations dans des groupes comme OC Oerlikon et Sulzer AG.
Mais l'ami d'enfance de Vladimir Poutine, Guennadi Timtchenko, et Suleyman Kerimov apprécient également la discrétion suisse. Depuis cette semaine, le premier figure sur la liste des sanctionnés britanniques. Pour sa part, Suleyman Kerimov entretient des relations étroites avec Lucerne et a fait la une des journaux il y a quelques années pour des transactions immobilières douteuses.
L'UDC donne du fil à retordre au Conseil fédéral
Contrairement à leurs collègues à l'étranger, Viktor Vekselberg et consorts n'ont en fait aucun souci à se faire. Cette position du Conseil fédéral a déjà suscité des critiques au niveau international. Depuis le début du conflit dans l'est de l'Ukraine en 2014, la Suisse a été plusieurs fois qualifiée de paradis pour les oligarques russes par les médias étrangers. «Le Conseil fédéral tente de mettre l'accent sur la position neutre de la Suisse», a commenté l'économiste Klaus Wellershoff.
En termes de politique étrangère, l'on obtient ainsi une position privilégiée d'éventuelles négociations diplomatiques entre la Russie et l'Ukraine. Mais la décision est également motivée par la politique intérieure. «Il n'y a pas de consensus moral en Suisse en ce qui concerne les sanctions, explique Klaus Wellershoff. Ces derniers jours et semaines, des représentants de l'UDC se sont clairement positionnés contre une reprise des sanctions de l'UE à plusieurs reprises. Il est donc difficile pour le Conseil fédéral d'afficher une position claire.»
Dommage pour l'image
Pour une fois, ce ne sont pas Credit Suisse et UBS qui font l'objet de critiques. En tant que grandes banques actives au niveau mondial, elles appliquent les sanctions américaines et européennes, comme elles l'assurent à Blick. Les petites banques privées suisses, loin du feu des projecteurs, sont en revanche des havres de paix pour les oligarques. Car ces institutions peuvent accepter des fonds russes grâce à la voie spéciale de la Suisse - et jettent ainsi le discrédit sur l'ensemble de la place financière.
Interrogée sur ce point, l'Association suisse des banquiers (ASB), comme toutes les autres banques sollicitées, se met à l'abri. La Russie n'est pas un marché prioritaire du point de vue de l'ensemble du secteur, fait savoir l'ASB. «Les questions relatives à l'activité commerciale sont des décisions de politique commerciale des banques, que nous ne commentons pas en tant qu'association.» Mais la Berne fédérale laisse entendre que la Suisse pourrait tout de même céder à la pression croissante de des autres pays de l'Occident.
(Adaptation par Daniella Gorbunova)