Plus de 4890 morts
Voici pourquoi le bilan du séisme en Turquie et Syrie ne cesse de s'alourdir

Le séisme qui a frappé lundi le sud de la Turquie et la Syrie voisine a été dévastateur à cause d’une combinaison de facteurs: l’heure de son déclenchement, sa localisation, une ligne de faille relativement calme depuis deux siècles et des immeubles mal construits.
Publié: 06.02.2023 à 18:32 heures
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Dernière mise à jour: 07.02.2023 à 10:35 heures
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Un bâtiment effondré à Diyarbakir, en Turquie, le 6 février 2023.
Photo: ILYAS AKENGIN

La course contre la montre et le froid se poursuit mardi en Turquie et dans le nord de la Syrie pour retrouver des survivants d'un violent séisme et de ses répliques qui ont ravagé la région lundi. Selon les dernières informations, plus de 5021 personnes ont trouvé la mort au total.

Un jour après la première des trois secousses, d'une magnitude de 7,8 ressentie jusqu'au Liban, à Chypre et dans le nord de l'Irak, le bilan s'alourdit. Au moins 3419 personnes ont été tuées dans le Sud-Est de la Turquie et 1602 dans le Nord de la Syrie, selon des sources officielles et médicales. Ce chiffre risque encore d'augmenter.

Les secours se sont acharnés dans la nuit de lundi à mardi dans le froid, sous la pluie battante ou la neige, parfois à mains nues, pour sauver chaque vie qui pouvait l'être, comme cette enfant de sept ans sortie des ruines à Hatay (sud), à la frontière syrienne, sous les yeux de l'AFP, après plus de 20 heures de terreur, le pyjama maculé de poussière.

Le mauvais temps qui plane sur l'Anatolie complique la tâche des secouristes et rend le sort des rescapés plus amer encore, grelottant sous des tentes ou autour de foyers improvisés.

Premières aides internationales

Un bilan provoqué avant tout par la puissance de l'évènement, sans précédent en Turquie depuis un tremblement de terre en 1939, et survenu dans une région très peuplée. Le président, Recep Tayyip Erdogan, a décrété sept jours de deuil national. Selon ce décret publié par le gouvernement, les drapeaux seront mis en berne jusqu'au coucher du soleil du dimanche 12 février.

La terre a tremblé à 4h17 locales (2h17 en Suisse) dans le district de Pazarcik, dans la province de Kahramanmaras (sud-est), à 60 km environ à vol d'oiseau de la frontière syrienne, et tous ceux qui dormaient se sont trouvés «coincés quand leur maison s'est effondrée», relève Roger Musson, chercheur associé au British Geological Survey.

De plus, la construction des habitations «ne correspondait pas vraiment à une zone à risque de séismes importants», explique à l'AFP cet auteur d'un ouvrage consacré aux tremblements de terre. Ce qui pourrait s'expliquer par le fait que la ligne de faille sismique, où se trouvaient ces habitations, a été relativement calme dans le passé récent.

Du jamais vu depuis deux siècles sur cette faille

La Turquie est située sur une des principales zones sismiques du globe. Elle avait enregistré en 1999 un tremblement de terre sur la faille d'Anatolie du Nord, dans la région septentrionale de Düzce, qui avait causé la mort de plus de 17'000 personnes.

Lundi, la terre a tremblé de l'autre côté du pays, près de la frontière syrienne, le long de la faille d'Anatolie de l'Est.

Cette dernière n'a pas connu de secousses de magnitude 7 depuis plus de deux siècles, ce qui a pu amener la population à «négliger l'importance de sa dangerosité», selon Roger Musson. Une durée qui signifie également «qu'une assez grande quantité d'énergie a pu s'accumuler» le long de la faille. Supposition confortée, selon le chercheur, par la survenue d'une puissante réplique après la secousse principale.

Une «répétition» de 1822

Le séisme de lundi est «quasiment la répétition» de celui survenu dans la zone le 13 août 1822 et dont la magnitude a été estimé autour de 7,4 par les sismologues. Il avait causé à l'époque «une énorme quantité de destructions, de villes entières dévastées et des pertes humaines se chiffrant en dizaines de milliers», a rappelé Roger Musson.

Le tremblement de terre de lundi s'est déclenché à une faible profondeur (environ 17,9 kilomètres) près de la ville de Gaziantep et ses 2 millions d'habitants. Il a été causé par un mouvement vers le nord de la plaque tectonique d'Arabie qui «avance sur la Turquie», explique le sismologue.

Quand la tension devient trop forte, la plaque avance brusquement et «la libération de ce mouvement produit un séisme majeur, comme celui que nous avons eu aujourd'hui (ndlr: ce lundi)».

L'importance des destructions dépend également de la longueur de la rupture du sol le long de la ligne de faille (une centaine de kilomètres pour le séisme de lundi), relève le scientifique: «Cela signifie que n'importe quel point à proximité de ces 100 km s'est retrouvé, de fait, au centre du tremblement de terre.»

«Construction douteuse»

La construction des bâtiments est un facteur primordial, lorsqu'un séisme survient, note pour sa part Carmen Solana, vulcanologue à l'Université britannique de Portsmouth.

«La résistance des infrastructures est malheureusement inégale dans le sud de la Turquie et particulièrement en Syrie. Par conséquent, sauver des vies dépend maintenant de la rapidité des secours», dit-elle à l'AFP.

Le séisme de 1999 en Turquie avait donné lieu à une législation en 2004 obligeant toute construction nouvelle à se plier à des critères de résistance aux tremblements de terre.

L'ampleur des destructions constatées lundi (plus de 3500 maisons ou bâtiments détruits) devrait amener les autorités turques à vérifier si la loi a été respectée, selon Joanna Faure Walker, de l'Institut pour une réduction des risques et des catastrophes, à l'université britannique UCL.

De nombreux immeubles «se sont effondrés comme des crêpes», note le vulcanologue Bill McGuire, lui aussi de l'UCL. «Cela survient quand les murs et les sols ne sont pas suffisamment solidaires, chaque étage s'effondre verticalement sur celui du dessous», laissant peu de chance de survie aux occupants, a-t-il expliqué. «Il n'est pas rare de voir un immeuble debout sans grands dommages et le suivant complètement aplati, à cause d'une construction douteuse ou de mauvais matériaux», a-t-il encore précisé.

Réponse internationale

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a appelé à l'union nationale, précisant que la Turquie avait reçu les offres d'aide de 45 pays.

Quant au gouvernement syrien, il a lancé un appel à l'aide à la communauté internationale.

La Suisse a envoyé lundi soir 80 secouristes. Parmi eux figurent des spécialistes du génie et du sauvetage de l'armée. Une équipe avec des chiens de recherche s'est aussi mobilisée.

Du monde entier ont afflué les messages de soutien, du président américain Joe Biden à ses homologues russes Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping, en passant par le pape François qui s'est dit «profondément attristé», ainsi que les propositions d'aide humanitaire et médicale.

«Nos équipes sont sur le terrain pour évaluer les besoins et apporter leur assistance», a déclaré dans un communiqué le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, en appelant à la communauté internationale alors qu'une minute de silence était observée à l'assemblée générale de l'organisation.

Le Kremlin, allié de la Syrie, a indiqué que des équipes de secouristes allaient partir pour ce pays «dans les prochaines heures», alors que selon l'armée, plus de 300 militaires russes sont déjà sur les lieux pour aider aux secours.

Le Kremlin a également indiqué que le président turc avait accepté, après un entretien téléphonique avec son homologue russe Vladimir Poutine, «l'aide des secouristes russes"»dans son pays.

Même la Grèce, Israël et l'Ukraine proposent de l'aide

La Grèce, malgré ses relations orageuses avec son voisin, a promis «de mettre à disposition (...) toutes ses forces pour venir en aide à la Turquie» et le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a appelé le président Recep Tayyip Erdogan pour offrir une «aide immédiate» à la Turquie.

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a annoncé avoir satisfait une demande d'aide de la Syrie, avec laquelle l'État hébreu n'entretient pas de relations diplomatiques. Damas a démenti.

L'Union européenne a activé son «mécanisme de protection civile» et des équipes des Pays-Bas et de Roumanie étaient déjà en route lundi après-midi, ainsi que notamment 139 secouristes français et 76 pompiers polonais. L'Azerbaïdjan, allié et voisin de la Turquie, a annoncé l'envoi immédiat de 370 secouristes, le Qatar et les Emirats ainsi que l'Inde celui d'équipes de secours et médicales et de matériel de secours. Même l'Ukraine en guerre a proposé «un grand groupe de secouristes».

La citadelle d'Alep et plusieurs autres sites archéologiques ont été endommagés, selon la Direction générale des antiquités et des musées.

(Blick avec l'AFP)

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