Entre la tentative d'assassinat de Donald Trump et la débâcle ayant précédé le retrait de Joe Biden, le début de la campagne électorale américaine a révélé au grand jour la désinformation issue du camp démocrate, jusqu'alors éclipsée par les conspirationnistes conservateurs.
Pour certains, les tirs qui ont blessé Donald Trump lors d'un meeting en Pennsylvanie mi-juillet ont été «mis en scène». Une «arnaque» voire une «escroquerie», selon l'internaute autoproclamée «Lisa la libérale de l'Oklahoma» sur X.
Sur Trump
Le sang c'est du ketchup!
Une image, semblant montrer que l'ancien président avait un sachet de ketchup dans le col de sa chemise pour simuler le sang qui a recouvert son oreille, est rapidement devenue virale sur la plateforme bien qu'il ait été démontré que celle-ci avait été retouchée pour ajouter le sachet éventré.
Dans d'autres publications, on peut lire que la tentative d'assassinat, qui a entraîné la mort d'une personne, était un «coup monté» par Donald Trump lui-même avec des capsules de faux sang. Cette tendance est parfois surnommée «BlueAnon», en référence à la couleur bleue du camp démocrate et à la mouvance complotiste d'extrême droite QAnon.
Elle reflète selon des experts la polarisation des électeurs américains qui, des deux côtés, se tournent de plus en plus vers des influenceurs partisans pour s'informer, n'hésitant plus à relayer des théories conspirationnistes, plutôt que vers les médias traditionnels dans lesquels ils n'ont plus confiance.
Selon une récente étude du cabinet Morning Consult, environ un électeur sur cinq, démocrates et républicains confondus, affirme qu'il est «crédible que la tentative d'assassinat ait été mise en scène et n'ait pas eu pour but de tuer» l'ancien président.
Les fake news envahissent internet
Dans un océan de désinformation habituellement dominé par l'extrême droite, «il est grave de voir que de nombreuses personnes de gauche s'accrochent à l'idée que les tirs aient été mis en scène», affirme à l'AFP Mike Rothschild, spécialiste des théories du complot. «Cela revient à tordre la réalité (...) et veut dire que rien de ce qui sort sur les réseaux sociaux juste après un événement ne peut être digne de confiance», ajoute-t-il.
D'autres fausses informations, rapidement débusquées comme telles par des journalistes, ont envahi la toile: le colistier de Donald Trump, le sénateur de l'Ohio J.D. Vance aurait par exemple écrit dans son best-seller «Hillbilly Elegy» une scène de masturbation entre les coussins de son canapé – une fausse information à l'origine d'une vague de mèmes sur internet.
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Pas une nouveauté
Certaines publications affirment aussi que le président américain Joe Biden, qui s'est depuis retiré de la course à la présidentielle, a été drogué à son insu avant un débat catastrophique face à Donald Trump fin juin, tandis que d'autres accusent la presse traditionnelle d'avoir fomenté «un coup d'Etat interne» favorable à Donald Trump en s'acharnant sur l'état de santé du président démocrate de 81 ans.
«Les théories du complot et la désinformation issues de la gauche ont toujours existé. Mais elles étaient noyées par celles venant de la droite», explique à l'AFP Timothy Caulfield, chercheur à l'université de l'Alberta au Canada. «La débâcle ayant suivi le débat (entre Joe Biden et Donald Trump) et la tentative d'assassinat ont créé un espace – et une sorte de besoin – pour des explications satisfaisantes aux yeux du camp démocrate», ajoute l'expert en désinformation.
La faute aux algorithmes?
Selon lui, les «algorithmes qui contrôlent les réseaux sociaux ont amplifié la ségrégation» entre les deux camps, ce qui rend plus difficile pour un internaute lambda de démêler le vrai du faux. Plusieurs plateformes ont largement réduit leur modération des contenus et permis à des comptes reconnus pour leur rôle dans la propagation de fausses informations de reprendre du service.
Avec X en tête: son patron Elon Musk, qui a officiellement annoncé soutenir Donald Trump, a notamment réautorisé des centaines de comptes d'internautes affiliés à l'extrême droite après avoir racheté Twitter en 2022. Après ce rachat, des démocrates ont migré sur Threads, plateforme concurrente lancée par Meta, qui n'est pas épargnée par la désinformation malgré une modération des contenus qui semble plus stricte.
«La tendance à se tourner vers les théories conspirationnistes n'est pas un phénomène particulièrement partisan. Cela affecte plus ou moins tout le monde», affirme Adam Enders, professeur de science politique à l'université de Louisville.