John Bolton, Donald Trump est de nouveau au pouvoir. A quoi devons-nous nous attendre?
Trump va reprendre là où il s'est arrêté il y a quatre ans. Lors de son premier mandat, il a fait beaucoup de dégâts. Le deuxième devrait être encore pire. Donald Trump veut mettre en œuvre toutes ses idées radicales.
Qu'est-ce que cela signifie pour l'Europe?
Rien de bon. Les relations transatlantiques sont mises à rude épreuve. D'une part sur le plan économique, d'autre part sur le plan militaire. Trump a annoncé de nouveaux droits de douane allant jusqu'à 20% sur les importations en provenance d'Europe. L'Union européenne (UE) devrait s'y préparer – ce qu'elle semble déjà faire, à ce que je vois. La dernière chose dont nous avons besoin actuellement, c'est d'une guerre commerciale qui aurait des répercussions négatives sur l'économie mondiale.
Et sur le plan militaire?
Trump pourrait bientôt se détourner de l'OTAN. Ce serait une terrible erreur et une catastrophe non seulement pour l'Europe, mais aussi pour les États-Unis.
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Vous pensez qu'une sortie des Etats-Unis de l'OTAN est réaliste?
Bien sûr. J'étais avec Trump au sommet de l'OTAN à Bruxelles en 2018. A l'époque, il était sur le point de le faire. Il veut quitter l'OTAN. Selon l'évolution de la guerre en Ukraine, il pourrait aller jusqu'au bout cette fois-ci. Il faut savoir que Trump ne fait que ce qu'il pense et ce qui lui est le plus utile. Il n'œuvre pas pour une défense commune. Il pense que les Etats-Unis défendent l'Europe sans gain en retour.
Trump n'a pas tout à fait tort. Les Etats-Unis continuent de payer proportionnellement beaucoup plus à l'OTAN que la plupart des pays européens.
Moi aussi je demande à nos partenaires européens de dépenser plus pour la défense. Mais pour moi, il est clair que l'OTAN est une alliance importante et surtout fonctionnelle, qui apporte plus de sécurité à tous ses membres – y compris aux États-Unis.
Quel conseil donneriez-vous aux chefs d'État et de gouvernement européens dans leurs relations avec Trump?
Investissez plus de temps pour améliorer vos relations avec Trump. Le chef d'Etat qui a eu le plus d'influence sur Trump durant son premier mandat est le Premier ministre japonais Shinzo Abe. Il a passé d'innombrables heures au téléphone avec le président élu et a pris rendez-vous avec lui pour jouer au golf. Et j'ai encore un conseil à vous donner...
S'il vous plaît!
Expliquez toujours à Trump en quoi votre demande lui apporte un avantage personnel. Prenons l'OTAN. N'argumentez pas sur la sécurité nationale des Etats-Unis et encore moins sur la sécurité de l'Europe. Donald Trump ne s'intéresse qu'à ce qui lui donne bonne mine.
Avez-vous également un conseil à donner à la Suisse?
La Suisse devrait adhérer à l'OTAN. Je ne veux pas m'immiscer dans vos débats politiques, mais je pense vraiment que ce serait la meilleure chose à faire. La neutralité n'a pas d'avenir face à la nouvelle situation géopolitique. La Suède et la Finlande ont également renoncé à leur neutralité, car elles ont compris qu'elles ne seraient en sécurité que derrière la frontière de l'OTAN.
Ces pays sont menacés par la Russie. L'adhésion à l'OTAN était une réaction à l'invasion de l'Ukraine.
Pas seulement. Une plus grande division se dessine. Je pense que nous aurons affaire à un nouvel axe Chine-Russie, comme l'alliance sino-soviétique pendant la guerre froide. Sauf que cette fois, la Chine est le partenaire dominant.
Quelle politique chinoise attendez-vous de Trump? Mercredi, il a nommé le député républicain Mike Waltz au poste de conseiller à la sécurité nationale – un poste que vous avez également occupé sous l'ère Trump. Mike Waltz est considéré comme un grand critique de la Chine.
En ce moment, la rhétorique de Trump est extrêmement hostile à Pékin. Il pense que la Chine lui a fait rater les élections de 2020 à cause du Covid. Il marque même un point! Jusqu'en 2020, l'économie américaine tournait rond, puis elle est entrée en crise à cause de la pandémie, comme dans tous les autres pays. S'il n'y avait pas eu le Covid, Trump aurait peut-être été réélu.
La situation est différente. La politique de Trump est marquée par des intérêts personnels.
Exactement. Et ceux-ci peuvent changer rapidement. Par exemple, lorsque le président chinois Xi Jinping l'appelle et lui dit: «Travaillons ensemble et concluons le meilleur accord commercial de l'histoire!» Il y a encore peu de temps, Trump voulait interdire l'application chinoise TikTok. Mais maintenant, il se bat contre une interdiction. Si quelqu'un effectue de tels virages à 180 degrés sur le thème de la Chine, il le fera également dans d'autres domaines.
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Trump est imprévisible.
Ce n'est pas tout. Le point vraiment fondamental est que Trump n'a pas d'attitude, pas de philosophie politique. Il ne fait pas de politique au sens où nous l'entendons. Il prend des décisions uniquement en fonction de l'intérêt qu'il y trouve.
Jusqu'à présent, Trump a envoyé des signaux contradictoires sur l'Ukraine. Quelle direction va-t-il prendre?
Il a promis de mettre fin à la guerre. Peu lui importe les conditions. Pour l'Ukraine, ce n'est pas une bonne nouvelle.
Pouvez-vous développer?
Des projets circulent depuis longtemps dans l'entourage de Trump, dont le futur vice-président J.D. Vance a développé certains aspects. La ligne de conflit en Ukraine doit être gelée et la Russie doit conserver tout ce qu'elle contrôle. L'Ukraine devrait en outre garantir qu'elle ne rejoindra pas l'OTAN pendant une longue période. En contrepartie, l'Ukraine continuerait à recevoir l'aide en armes des Etats-Unis. C'est un plan qu'ils auraient tout aussi bien pu écrire à Moscou.
Comment évaluez-vous la relation de Trump avec le président russe Vladimir Poutine?
Trump pense avoir une relation amicale avec Poutine. Il est fasciné par les autocrates, par les hommes soi-disant forts. Poutine va en profiter.
Comment cela pourrait-il se traduire concrètement?
Trump n'a cessé de promettre qu'il réunirait le président ukrainien Zelensky et Poutine dans une même pièce et qu'il résoudrait le conflit en 24 heures. C'est évidemment ridicule et cela n'arrivera pas. C'est pourquoi il a besoin d'un coupable. Lui-même est infaillible à ses yeux. Il lui reste donc deux possibilités. Il peut soit mettre l'échec sur le dos de Poutine – soit sur celui de Zelensky. Dans une telle situation, Poutine fera pression sur Trump et soulignera leur prétendue amitié. De telle sorte que le président élu finisse par blâmer Zelensky et cesse l'aide américaine à l'Ukraine en matière d'armement.
Le Proche-Orient est un autre foyer de crise. A quoi doit-on s'attendre?
Trump souhaite que cette guerre soit rapidement réglée. Si possible avant son entrée en fonction le 20 janvier. Ce n'est pas très réaliste, mais Trump y travaille déjà. Depuis son élection, il aurait téléphoné trois fois au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. La semaine dernière, le ministre israélien de la Sécurité Ron Dermer a rendu visite à Trump à Mar-a-Lago. Personne ne peut prédire à l'heure actuelle comment la situation va évoluer. Une chose est sûre, Trump préférerait ne pas être impliqué dans les événements du Proche-Orient. Il a suffisamment de problèmes de politique intérieure.
Quelles seront les premières mesures de Trump après son entrée en fonction?
La réduction de l'immigration à travers la frontière mexicaine sera sa première priorité. Ensuite, les droits de douane. Son programme est ambitieux, et les nominations de ses acolytes à des postes gouvernementaux ces derniers jours indiquent que Trump appliquera son programme de manière radicale et à un rythme soutenu.
Avez-vous peur pour la démocratie américaine?
Non. Je pense qu'il est exagéré de dire que Trump est une menace existentielle pour la démocratie. La Constitution est forte. Les institutions sont fortes. La plupart des gens ont encore confiance dans le gouvernement. Je pense que Trump va faire beaucoup de dégâts, peut-être même irréparables. Mais il ne constitue pas – du moins je l'espère – une menace sérieuse pour la liberté de notre pays.