L'analyse de Micheline Calmy-Rey
«Un siège au Conseil de sécurité aurait pu éviter le chaos autour des sanctions contre la Russie»

La Suisse peut obtenir des résultats au Conseil de sécurité de l'ONU, assure l'ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey. Et sans mettre sa neutralité en danger. Entretien avec l'ex-ministre au moment de la prise du mandat de la Confédération.
Publié: 02.01.2023 à 06:01 heures
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Dernière mise à jour: 02.01.2023 à 08:10 heures
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L'ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey avait donné l'impulsion à la candidature suisse au Conseil de sécurité de l'ONU en 2011.
Photo: Peter Mosimann
Camilla Alabor

La Suisse devrait-elle vraiment siéger au Conseil de sécurité de l’ONU? Après l’invasion russe en Ukraine, la question s’est plus que jamais posée. Pour l’UDC, la réponse coulait de source: c’était un clair non. Le premier parti de Suisse avait demandé à son pays en mars 2022 de renoncer à sa candidature. Motif: il estimait que sa neutralité était menacée.

Or, la majorité du Parlement était parvenue à une autre conclusion. Le processus n’a ainsi pas été interrompu.

Depuis dimanche, la Suisse siège donc comme prévu au sein de l’organe suprême de l’ONU aux côtés des grandes puissances, pour une période de deux ans. Pour le plus grand enthousiasme des personnes qui ont soutenu sa candidature. En tête: l’ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey. L’ex-ministre des Affaires étrangères avait donné l’impulsion à la demande d’adhésion de la Suisse en 2011.

Mais elle n’y voit pas pour autant une victoire personnelle, assure-t-elle. Même si la présence au Conseil de sécurité de l’ONU est bien sûr très compatible avec la politique étrangère active que la socialiste prônait à l’époque. Selon elle, ce siège est simplement la «conséquence logique de l’engagement actif de la Suisse à l’ONU depuis 20 ans».

«La Suisse a une bonne réputation»

Que répond l’ancienne conseillère fédérale à ceux qui avancent qu’il mettra en péril la neutralité de la Suisse? «La Suisse n’est pas partie prenante dans les conflits, elle défend le droit international», assure-t-elle. Il ne menacerait ainsi pas la bonne position diplomatique de notre pays. Bien au contraire: selon la Valaisanne d’origine, la présence de la Suisse au Conseil de sécurité serait plutôt un grand atout pour la diplomatie suisse. «La Confédération pourra développer son réseau et, en même temps, accéder aux grandes puissances et à des informations qu’elle n’aurait pas pu obtenir.»

L’ex-conseillère fédérale va même plus loin en affirmant qu'«un siège au Conseil de sécurité de l’ONU aurait peut-être permis d’éviter le chaos autour des sanctions contre la Russie» cette année. Pourquoi? Le Conseil fédéral aurait peut-être été moins surpris par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, avance-t-elle. «Après tout, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni deux jours avant l’invasion», développe-t-elle.

Mais Micheline Calmy-Rey voit avant tout dans cette participation une chance pour la Suisse de faire valoir ses intérêts, puisqu’elle devient partie prenante d’une organisation basée sur le droit international et non sur la loi du plus fort. Or, le pays ne pourra obtenir des résultats qu’en tant que membre actif, ajoute-t-elle: «La Suisse jouit d’une bonne réputation, appuie-t-elle. Elle est neutre, crédible et a une grande tradition de bons offices.»

Bien sûr, il y aura des tentatives de pression de la part des grandes puissances, concède la Valaisanne: «Ce qui n’empêche pas la Suisse de défendre ses valeurs, comme la démocratie, le respect du droit international et des droits de l’homme.» Un engagement qui risque de demander bien des efforts. «Je n’ai jamais dit que ce serait une promenade de santé, reprend-elle. Mais nous avons tout à gagner à siéger au Conseil de sécurité de l’ONU. Le monde a besoin de l’engagement d’États comme la Suisse.»

La Norvège a pu faire bouger les choses

Est-ce trop optimiste? Non, tranche Nils Nagelhus Shia, chercheur à l’Institut norvégien des relations internationales. La Norvège, quasi-prédécesseure de la Suisse au cénacle international le plus élevé, a bel et bien montré que les petits pays peuvent tout à fait faire bouger les choses.

«La Norvège fait partie de l’OTAN, mais pas de l’Union européenne, explique le spécialiste. Il est donc considéré comme un acteur indépendant.» Selon lui, la Norvège a ainsi collaboré avec succès avec le Mexique: «Les deux pays ont pris l’initiative de demander au Conseil de sécurité d’aider le secrétaire général de l’ONU à négocier un accord sur les céréales entre la Russie et l’Ukraine.»

Sous cette impulsion, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni et a soutenu la proposition du secrétaire général. «C’était un signe important», assure Nils Nagelhus Shia. Le pays a en outre emprunté de nouvelles voies au sein du Conseil de sécurité, appuie-t-il. Ainsi, la Norvège a invité les membres à une réunion à huis clos. «L’idée était d’attirer l’attention des membres du Conseil de sécurité sur une priorité importante de la Norvège, à savoir la diplomatie de paix.» Avec succès, assure-t-il. «L’écho de cet événement a été très positif.»

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