Le groupe Volkswagen va-t-il réussir à redresser la barre? Le colosse de l'automobile, qui emploie 600'000 personnes, a des pieds d'argile. Pourtant, Volkswagen est la marque automobile la plus appréciée en Allemagne en termes de voitures achetées par la population, il est donc un poids lourd de l'économie allemande. Le directeur général du groupe, Oliver Blume, arrivera-t-il à redresser la barre et sortir le constructeur automobile de la crise?
Andreas Herrmann, professeur à l'université de St-Gall et expert en mobilité, ne croit pas à un naufrage du groupe VW: «L'Etat allemand interviendrait, car une faillite de VW provoquerait un effet domino et impliquerait également la faillite de nombreux sous-traitants de taille moyenne.»
Certains sous-traitants ont déjà été entraînés dans la chute de Volkswagen: le sous-traitant automobile bavarois Schaeffler veut supprimer 4700 emplois dans toute l'Europe. Les sous-traitants suisses ressentent également la crise, comme le groupe bernois Feintool, qui a annoncé de sévères mesures d'économie.
VW a besoin d'un «remède de cheval». Le président du groupe Blume est l'homme de la situation, explique l'expert à Blick: «Il n'est pas du genre à discuter, même s'il doit annoncer de sévères mesures d'économie.»
Une longue liste de manquements
Selon l'expert, c'est une longue liste de manquements de Volkswagen qui a créé cette situation extrêmement difficile. D'une part, le marché des véhicules électriques à bas prix ne fonctionne pas bien pour le groupe. Les modèles actuels de VW sont trop chers, et les nouveaux arrivent trop tard. La pression que provoque la concurrence chinoise est immense. «Cette dernière doit encore s'insérer sur le marché», explique Andreas Herrmann. Mais c'est en cours: le géant chinois de la voiture électrique BYD vient de conclure un contrat de distribution avec Emil Frey AG, son concurrent Nio tente pour l'instant de s'implanter en Europe de son propre chef.
Mais pour Andreas Herrmann, le plus gros problème du groupe se situe dans les coûts: «La production VW est beaucoup trop complexe.» BYD et Tesla utilisent un procédé d'aluminium coulé sous pression. Cela signifie que lors de la fabrication, pas besoin de souder, coller ou visser environ 70 composants, comme chez VW, mais 4 à 6. «Cela permet de supprimer des stations de fabrication, ce qui réduit massivement les coûts», explique le professeur.
De plus, l'énorme diversité de variantes chez VW est un problème. Comme chaque client peut commander son véhicule selon ses goûts personnels, la production est encore plus complexe. «Plusieurs millions de véhicules VW différents circulent sur les routes», estime Andreas Herrmann.
Enfin et surtout, Volkswagen ne parvient pas à maîtriser son logiciel. «Cariad est une tragédie sans fin», affirme Andreas Herrmann. VW a investi six milliards dans le logiciel automobile, qui n'a jusqu'à présent causé que des problèmes. L'expert part du principe qu'à l'avenir, VW misera davantage sur des solutions dans le cadre de nouvelles coopérations. En juin 2024, une co-entreprise a été créée avec le fabricant américain Rivian (dont le plus gros actionnaire est Amazon), et en mars déjà, VW avait annoncé une participation du fabricant chinois Xpeng.
Trop d'ingérence de la politique
Toutes ces mesures arrivent-elles trop tard? Volkswagen a toujours beaucoup à offrir, affirme l'expert. Mais le groupe a trop longtemps retardé le changement, parce qu'il s'est reposé sur ses lauriers: le marché chinois a permis aux constructeurs allemands d'atteindre des records de vente les uns après les autres.
Andreas Herrmann ajoute: «La doctrine de VW était la suivante: il vaut mieux ne rien changer, ne rien tenter de nouveau, les produits et les modèles commerciaux fonctionnent comme ça.» Mais cette stratégie a conduit à une impasse. «VW doit viser le marché de masse», complète le professeur.
Il existe néanmoins des obstacles à cette transition. Par exemple, le fait que VW soit «dirigé de manière plus politique qu'entrepreneuriale». Parce que les syndicats, en accord avec le Land de Basse-Saxe gouverné par le Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) – qui est un actionnaire important de VW – ne permet pas une transformation radicale. «Si les syndicats devaient aller jusqu'à la confrontation, cela deviendrait difficile», déclare Andreas Herrmann. VW doit impérativement renégocier les conventions collectives.
Le redressement de VW doit réussir
Le fait que les propriétaires de VW – principalement les familles Porsche et Piëch – se soient encore fait verser 4,5 milliards d'euros de dividendes en juin de cette année n'est «pas un bon signe» dans ce contexte, remarque Andreas Herrmann. Bien sûr, ce sont les propriétaires qui décident de l'affectation des bénéfices. Mais l'expert a l'impression qu'ils ont encore une fois déjà tout tiré de l'entreprise.
Trois usines (sur un total de 10 en Allemagne) vont maintenant être fermées, les salaires doivent être renégociés. VW doit également continuer à investir. Et tend actuellement la main à l'Etat.
Trop de choses dépendent de VW et du site de construction automobile allemand. Selon Andreas Herrmann, le ralentissement actuel entraînera «une perte de prospérité», la baisse des salaires de centaines de milliers d'employés entraînera également la chute des recettes fiscales.
En considérant ces conséquences, il n'y a pas d'autres issues: le redressement de Volkswagen doit réussir. Pourtant, les prochaines grèves dans les usines VW pourraient déjà être en décembre.