Les études traitant du coronavirus étant désormais discutées et partagées largement en dehors du cercle médical, leur rétractation ne suffit pas à calmer les passions. «Une fois le papier publié, les dommages sont irrévocables», explique Emerson Brooking, chercheur résident au Digital Forensic Research Lab de l'Atlantic Council, un laboratoire spécialisé dans l'identification et l'analyse de la désinformation, basé à Washington.
Selon lui, ces études problématiques «ont mis de l'huile sur le feu» dans les débats sur les réseaux sociaux auprès des conspirationnistes et sceptiques du Covid-19. Ces études «génèrent souvent beaucoup de traction en ligne». Leurs découvertes «sont ensuite reprises par des articles fallacieux» sur d'autres plateformes.
Un cas d'école en juin
La revue médicale Vaccines avait publié à la fin juin 2021 une étude sur les risques et bénéfices de la vaccination contre le coronavirus. La recherche, validée par un comité de lecture scientifique, proposait des conclusions inquiétantes: le vaccin causerait deux décès pour trois personnes qu'il protège du virus.
Deux jours après la publication de l'étude, un tweet d'un scientifique et critique du vaccin anti-Covid-19, Robert Malone, reprenant les conclusions de l'étude, amassait des milliers de retweets. De son côté, la commentatrice conservatrice américaine Liz Wheeler présentait l'étude et encourageait la lecture de ces «recommandations scientifiques informées» dans une vidéo atteignant plus de 250'000 vues sur Facebook.
Mais le 2 juillet, la revue médicale retirait l'étude; en cause: «plusieurs erreurs compromettant fondamentalement l'interprétation de ses conclusions». Même si le tweet de Robert Malone a été supprimé, la vidéo de Liz Wheeler est, elle, toujours disponible sur Facebook.
Aussi dans des revues de renom
Ces exemples de négligence du processus de publication scientifique se retrouvent aussi dans des revues de renom. En juin 2020, les très réputés The Lancet, New England Journal of Medicine et Annals of Internal Medicine annonçaient respectivement le retrait d'études médicales publiées sur leur site: deux d'entre elles concernaient le traitement du Covid-19 à la chloroquine, la troisième abordait l'inefficacité du port du masque face à la propagation du virus.
Les papiers de recherche scientifique ont gagné «un intérêt sans précédent», note Maimuna Majumder, épidémiologiste et statisticienne à l'école de médecine de Harvard. Selon elle, les experts de la santé se doivent de mieux expliquer leur travail à un public non averti.
«Toutes les études qui ont été produites et massivement partagées pendant la pandémie n'ont pas toujours été très robustes scientifiquement», dit-elle. «C'est particulièrement troublant», car ces mêmes études de mauvaise qualité méthodologique «influencent les choix des individus» et, notamment, «ceux liés à la vaccination».
(ATS)