Il s'est dit contre la guerre
L'ex-conseiller de Poutine est à l'hôpital, potentiellement empoisonné

Anatoli Tchoubaïs a autrefois fait venir Vladimir Poutine au Kremlin, et il est devenu très puissant en contrepartie. Il s'est pourtant prononcé contre la guerre en Ukraine et a dû fuir. Il est désormais paralysé et hospitalisé: on soupçonne qu'il a été empoisonné.
Publié: 04.08.2022 à 16:41 heures
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Dernière mise à jour: 04.08.2022 à 16:47 heures
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Des images d'Anatoli Tchoubaïs dans un lit d'hôpital ont apparu. Cet ancien proche de Vladimir Poutine a fui la Russie pour s'exiler en Italie peu après le début de l'invasion russe de l'Ukraine.
Photo: Twitter
Fabian Vogt

Anatoli Tchoubaïs était un homme puissant en Russie. Pendant des décennies, il a occupé des postes de direction dans de grandes entreprises d'Etat. L'année dernière, Vladimir Poutine l'a nommé chargé de mission pour le développement durable.

C'était pour remercier le président russe qu'Anatoli Tchoubaïs, considéré comme l'architecte des privatisations en Russie dans les années 1990, lui avait donné son premier poste au Kremlin au milieu de cette décennie-là. Mais leur amitié s'est brisée lorsque Poutine a envahi l'Ukraine, le 24 février dernier.

Anatoli Tchoubaïs s'est en effet prononcé contre la guerre: il a alors démissionné de son poste d'envoyé spécial du Kremlin et s'est réfugié en Sardaigne (Italie). Aujourd'hui encore, il est le conseiller le plus haut placé qui a tourné le dos à Poutine - même s'il est loin d'être le seul.

Des photos choc de lui à l’hôpital sont apparues récemment: visiblement très affaibli, il ne peut plus fermer les yeux, son visage est partiellement paralysé, ses bras et ses jambes ne fonctionnent plus.

Soupçon d’empoisonnement

Le syndrome de Guillain-Barré, une maladie neurologique rare, a été officiellement diagnostiqué chez Anatoli Tchoubaïs. C'est ce que rapporte le journal britannique «The Sun» en se référant à l'ancienne candidate à la présidence russe Xenia Sobtchak, qui a rendu le cas public. Actuellement, l'ex-conseiller de Poutine se trouve en soins intensifs et son état s'est stabilisé. Les autorités italiennes soupçonnent toutefois l'homme d'avoir été empoisonné et mènent des investigations dans ce sens.

Selon le rapport, une source proche du Kremlin a affirmé sur Telegram qu'Anatoli Tchoubaïs figurait sur une «liste de personnes à abattre», sans toutefois pouvoir en apporter la preuve. Cette liste comprendrait au total 18 personnes hostiles à Nikolaï Patrouchev, qui a dirigé pendant des années les services secrets intérieurs russes (FSB). Il est actuellement secrétaire du Conseil de sécurité russe, et est considéré comme un partisan extrême de Poutine, hostile à l'Europe, et son possible successeur à la présidence russe.

La liste des potentiels empoisonnements est longue...

Ces suppositions ne peuvent pas être prouvées, mais les tentatives d’empoisonnement contre des Russes tombés en disgrâce sont bien documentées et les services secrets de Moscou sont régulièrement soupçonnés.

Parmi les cas qui ont fait couler le plus d'encre et pour ne parler que des plus récents: en 2004, Viktor Iouchtchenko, alors candidat de l'opposition et futur président de l'Ukraine, est tombé gravement malade à la suite d'un empoisonnement à la dioxine après avoir mangé du riz.

Autre affaire qui a fait du bruit, l'ancien agent russe et critique du Kremlin Alexandre Litvinenko est mort en 2006 en exil à Londres, après avoir été empoisonné au polonium hautement radioactif.

Pour continuer, Alexandre Perepilitchni est mort en 2012 alors qu'il faisait son jogging à Londres. Des traces de gelsemium, un poison, ont été retrouvées dans son estomac. Il était un témoin clé potentiel dans l'affaire de la mort d'un avocat russe en 2009.

... très longue

Les exemples sont légion. Vladimir Kara-Mourza était le conseiller de l'opposant Boris Nemtsov, abattu à Moscou en 2015. Quelques mois après l'assassinat de Nemtsov, il est tombé dans le coma à la suite d'un déjeuner à Moscou, victime d'une soudaine insuffisance rénale. Les médecins ont diagnostiqué un empoisonnement, mais n'ont pas pu identifier la substance responsable. En 2017, il a de nouveau été hospitalisé pour des symptômes d'empoisonnement.

L'ancien agent double Sergueï Skripal et sa fille Ioulia ont été exposés en mars 2018 à Salisbury, en Angleterre, à l'agent neurotoxique Novitchok, développé en Union soviétique. Tous deux ont échappé de peu à la mort.

En septembre 2018, Piotr Versilov, militant russe du groupe de protestation Pussy Riot, a été transporté dans un hôpital de Moscou avec des symptômes possibles d'empoisonnement.

Le 20 août 2020, le critique du Kremlin Alexeï Navalny est soudainement tombé dans le coma lors d'un vol en avion. Les médecins allemands ont ensuite constaté un empoisonnement au Novitchok. Entre-temps, il est rentré dans son pays et purge une peine de prison de plusieurs années.

Divers autres anciens proches alliés de Poutine sont morts, ont été emprisonnés ou ont disparu de la scène publique au cours des derniers mois. Les tentatives de rendre les services secrets russes responsables de cette situation sont restées vaines jusqu'à présent.

(Adaptation par Lliana Doudot)

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