Droits de l'homme
Assassinat de Litvinenko: la CEDH désigne la Russie, qui dément

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a jugé mardi la Russie «responsable» de l'assassinat de l'ex-espion en exil Alexandre Litvinenko, empoisonné au polonium-210 au Royaume-Uni en 2006, s'attirant les critiques de Moscou qui a rejeté un jugement «infondé».
Publié: 21.09.2021 à 18:03 heures
La Cour européenne des droits de l'homme a jugé mardi la Russie "responsable" de l'assassinat de l'ex-espion en exil Alexandre Litvinenko, empoisonné au Royaume-Uni en 2006 (archives).
Photo: Alistair Fuller

Saisie par la veuve de M. Litvinenko, la CEDH s'appuie notamment sur le contenu de l'enquête publique britannique. Celle-ci avait conclu en 2016 que le président russe Vladimir Poutine avait «probablement approuvé» le meurtre.

Dans un communiqué, la Cour, qui siège à Strasbourg, estime qu'il existe «une forte présomption» que les auteurs de l'empoisonnement désignés par l'enquête britannique, Dimitri Kovtoun et Andreï Lougovoï, «aient agi en qualité d'agents de l'État russe».

La CEDH souligne que «si les autorités russes étaient étrangères aux agissements du duo, elles seraient les seules à détenir les informations requises pour le prouver».

Or Moscou n'a pas fourni d'explication alternative «satisfaisante et convaincante», «ni réfuté les conclusions de l'enquête publique britannique».

«L'assassinat de M. Litvinenko est imputable à la Russie»

Ainsi, la Cour «considère que l'assassinat de M. Litvinenko est imputable à la Russie».

Les magistrats européens soulignent aussi que les autorités russes n'ont «pas mené d'enquête interne effective» qui aurait permis d'identifier et de juger les personnes «responsables du meurtre».

Ils déplorent par ailleurs le fait que la Russie «s'est abstenue, sans justification, de fournir les pièces qui lui étaient réclamées».

Ils ont donc jugé la Russie coupable de violations de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit le droit à la vie, et de l'article 38, qui oblige les Etats à fournir à la CEDH tous les documents nécessaires à l'examen d'une affaire.

La Russie a été condamnée à verser 100.000 euros pour préjudice moral à la veuve d'Alexandre Litvinenko, une somme particulièrement élevée au regard de la jurisprudence de la Cour.

Le juge russe de la CEDH a pour sa part exprimé une «opinion dissidente» sur la violation du droit à la vie.

Moscou n'a pas tardé à critiquer la décision des juges

«L'enquête n'a apporté aucun résultat, donc lancer de telles allégations est au minimum infondé», a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Celui-ci a remis en question «les capacités techniques» de la CEDH à résoudre cette affaire.

De son côté, Andreï Lougovoï, désormais député au parlement russe, a dénoncé auprès de l'agence Interfax une décision «illégale» et «politiquement motivée». Cette affaire «restera un mystère couvert de ténèbres», avait-il déclaré à l'AFP en juillet.

Ancien agent du KGB puis du FSB, Alexandre Litvinenko avait été renvoyé des services de sécurité russes après des révélations sulfureuses, souvent invérifiables: il avait ainsi rendu public l'ordre de sa direction d'assassiner l'homme d'affaires controversé Boris Berezovski, un habitué des salons du Kremlin.

Ayant obtenu l'asile au Royaume-Uni en 2001, il avait continué à dénoncer la corruption et les liens présumés des services de renseignement russes avec le crime organisé.

Alexandre Litvinenko est mort le 23 novembre 2006, quelques jours après avoir partagé un thé avec Dimitri Kovtoun et Andreï Lougovoï dans un hôtel londonien, où d'importantes traces de polonium-210, une substance radioactive extrêmement toxique, avaient ensuite été retrouvées.

Alors qu'il agonisait, il avait pointé du doigt la responsabilité de Vladimir Poutine.

Alexandre Litvinenko, exilé et devenu opposant au Kremlin, est mort le 23 novembre 2006

L'assassinat d'Alexandre Litvinenko avait sérieusement refroidi les relations entre Londres et Moscou. Suite à cette affaire, le Royaume-Uni avait restreint les visas pour les responsables russes et expulsé quatre diplomates. En réponse, Moscou avait également expulsé quatre diplomates britanniques et interrompu sa coopération dans la lutte antiterroriste.

En 2018, une autre affaire d'empoisonnement, qui avait failli coûter la vie à l'ex-agent russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia à Salisbury, au sud de l'Angleterre, avait de nouveau envenimé les relations diplomatiques entre les deux pays. L'empoisonnement avait fait une victime collatérale et avait provoqué des expulsions réciproques de diplomates sans précédent depuis la fin de la Guerre froide.

Hasard du calendrier, la police britannique a annoncé mardi l'inculpation d'un troisième agent du renseignement russe dans cette affaire, alors que les deux premiers sont déjà visés par des mandats d'arrêt. Là encore, le Kremlin a toujours démenti toute implication.

(ATS)

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