Le président russe Vladimir Poutine tend la main à l’Afrique. Son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est parti dimanche pour visiter l’Egypte, l’Ethiopie, l’Ouganda et la République du Congo – non sans avoir soigneusement préparé son excursion.
Avant son départ, Sergueï Lavrov a déclaré, dans les colonnes des journaux de ces quatre pays: «Nous savons que nos collègues africains n’approuvent pas les tentatives non dissimulées des Etats-Unis et de leurs satellites européens d’imposer un ordre mondial unipolaire à la communauté internationale.» Alors que la Russie, elle, n’est «pas souillée par les crimes sanglants du colonialisme», écrit le ministre, et «elle n’impose rien aux autres, ni ne leur enseigne comment vivre».
Une nouvelle coalition géopolitique?
La semaine dernière encore, Vladimir Poutine lui-même a pesté dans un discours contre le «milliard d’or» – une métaphore utilisée pour décrire la différence de niveau de vie entre la population des riches pays du G7 et les pays de l’Afrique et de l’Asie.
Que cherche à concrétiser Vladimir Poutine en Afrique? «La Russie isolée tente de forger une nouvelle coalition géopolitique», explique Ulrich Schmid, spécialiste de la Russie à l’université de Saint-Gall. Selon lui, le président russe se recommande aux Etats africains comme un partenaire stable qui – contrairement aux Etats-Unis, avec leurs exhortations aux droits de l’homme et à la démocratie, mais aussi leurs ingérences désormais bien connues – les aborde sans exigence morale.
Aucun pays africain ne s’est joint aux sanctions
Les médias russes veillent à ce que le message du Kremlin parvienne tel quel en Afrique. Dans plusieurs endroits, les chaînes publiques russes Russia Today (RT) et Sputnik ont même élargi leur offre, et diffusent également en français, par exemple, afin d’atteindre une population aussi large que possible.
La sympathie, voire la dépendance des Etats africains à l’égard de Moscou est déjà importante – notamment en raison de la présence de la troupe privée Wagner, qui joue un rôle de stabilisateur dans différents Etats. Aucun pays africain ne s’est par ailleurs joint aux sanctions américaines et européennes lorsqu’il s’est agi de recadrer la Russie à la suite de son invasion de l’Ukraine.
Ulrich Schmid part du principe que les Etats africains vont se rapprocher de la Russie sur le plan économique et géopolitique. L’expert nous assure que «cela pourrait signifier que la Russie exige des pays africains une plus grande discipline de vote à l’Assemblée générale de l’ONU, ou qu’elle demande un traitement de faveur pour la livraison de matières premières comme les terres rares».