Bienvenue au pays des grenouilles, votre Majesté! «God save the frogs!» Et cette fois, pas de manifestants anti-réforme des retraites pour vous empêcher de poser le pied sur la terre de Napoléon, comme ce fut le cas en mars. Ce n’est pas moi qui le dit. C’est Stephen Clarke, l’un des auteurs britanniques les plus lus en France.
A la veille de l’arrivée à Paris du Roi Charles III, ce mercredi 20 septembre à partir de 14 heures, l’auteur des fameux «A year in the Merde» ou «Merde actually» (Black Swan Publishing) est en tête de gondole dans les deux librairies anglophones de la rue de Rivoli, à deux pays de la place de la Concorde. Stephen Clarke a passé sa vie (ou presque) à se moquer, souvent méchamment, des travers des Français.
35e voyage en France
Seulement voilà: Charles III n’est pas du genre à lire ses pamphlets au vitriol, placés juste au-dessus des biographies officielles du monarque, en vitrine de la librairie parisienne «Smith and Son». Juste à côté, la boutique de célèbre tailleur britannique Hilditch and Key a placé, elle, ses plus belles casquettes anglaises, genre partie de chasse au Château de Balmoral, en Écosse.
Le monarque britannique entame mercredi son 35e voyage dans l'hexagone, mais le premier depuis son accession sur le trône. «Je ne crois pas que Charles apprécie les blagues anti-françaises, juge l’une des vendeuses, après avoir répondu à un couple de clients venus d’Australie, Coupe du monde de Rugby oblige. Vous savez, pour Charles, Paris, c’est d’abord Diana.»
Le fantôme de Lady Di
Impossible de ne pas évoquer l’histoire personnelle de celui qui n’était alors que le Prince de Galles, à quelques heures de son accueil à Paris, d’abord aux Champs Élysées, où «God Save The King» et «La Marseillaise» retentiront tour à tour. Tandis que des avions de chasse britanniques et français survoleront la plus belle avenue du monde.
Le couple royal descendra ensuite les Champs. Back to August 1997. Retour au mois d’août 1997, à quelques centaines de mètres de l’endroit où Charles III déposera sa gerbe de fleurs au soldat inconnu. C’est dans le tunnel du pont de l’Alma, après avoir quitté l’hôtel Ritz aux côtés de son amant Dodi Al Fayed, tous deux poursuivis par une dizaine de paparazzis à moto, que Lady Diana Spencer meurt le 31 août 1997 dans un accident de voiture.
Un roi francophone
La France est alors en larmes. Tout le monde pleure celle qui, en public, avoue avoir tant souffert aux côtés de son étrange mari, amoureux de celle qui est aujourd’hui devenue la reine consort Camilla. La République restera toujours pour lui ce pays qui a porté le deuil de la mère de ses deux fils. Charles III, francophone, se souviendra évidemment de ces instants, ce fameux mercredi, lorsqu’il franchira le seuil de l’Ambassade du Royaume-Uni, dont la façade est depuis des mois recouverte par ses initiales royales.
Un monarque qui parle français? Il sera peut-être le dernier, alors que le blason de sa famille est «Honi soit qui mal y pense». Féru d’histoire, Charles III sait que l’Angleterre moderne et sa monarchie ont été fondées, en 1066, par le duc de Normandie Guillaume le Conquérant, qui deviendra Guillaume 1er sur son trône d’outre-Manche.
Versailles, Bordeaux et Sénat
William, l’actuel prince héritier, ne maîtrise pas la langue de Molière. Harry, son cadet, le préféré, dit-on, de leur mère Diana, ne se sent bien qu’à Hollywood. Pas étonnant que ce voyage royal soit un hymne à la France dont la défunte reine Élizabeth raffolait.
Charles III dînera au Château de Versailles, dans les pays de Louis XIV, le Roi-Soleil. Sa visite le conduire ensuite à Bordeaux, au pays des grands crus. La France rêvée des Anglais: protocole, monuments et vins fins. Côté politique, son moment fort, outre sa rencontre avec Emmanuel Macron, sera son discours au Sénat jeudi matin, dans le Palais du Luxembourg que fit construire Catherine de Médicis. Un autre symbole de ces vestiges de la royauté qui hantent la République…
Nouveau concubinage avec l'Europe?
«God save the frogs»… parce que ces grenouilles-là, comme les Britanniques les surnomment, aiment la monarchie anglaise. Dans ce pays révolutionnaire où la tête de Louis XVI roula dans la sciure après la décapitation du roi, le 16 janvier 1793, 60% des personnes interrogées se disaient peinées par la disparition de la Reine Élizabeth, le 8 septembre 2022. Plus d’un Français sur deux!
«Welcome, King Charles!», ce roi qui n’apprécie guère le Brexit au point d’avoir reçu pour un thé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen le 1er mars dernier. Ça tombe bien. En début de semaine, le leader du parti travailliste et chef de l'opposition Keir Starmer a promis, à Paris, de renégocier, s'il arrive au pouvoir, un meilleur accord de divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Voire un nouveau concubinage!