Personne ne peut plus l’ignorer: la guerre énergétique bat son plein entre la Russie et l’Union européenne. Et cette guerre, l’UE s’estime à la fois capable de l’affronter et de la gagner, si elle parvient à remporter la bataille des prix de l’électricité que la Russie mène tambour battant, avec les interruptions répétées de ses livraisons d’hydrocarbures.
«Poutine multiplie les mensonges»
«Poutine manipule le marché mondial du gaz», a asséné mercredi 7 septembre à Bruxelles la présidente de la Commission européenne. Pour Ursula Von der Leyen, qui s’exprimait avant la réunion extraordinaire des ministres de l’Energie des 27 pays membres de l’UE ce vendredi, le président Russe «multiplie les manipulations, les mensonges et les interruptions injustifiées des gazoducs. Treize États membres de l’UE ne reçoivent plus de gaz russe. Il s’agit d’un chantage et nous ne devons pas céder.»
Le fait que la présidente de l’exécutif communautaire intervienne avec vigueur est logique. Car dans toutes les capitales européennes, le signal d’alarme retentit. L’augmentation vertigineuse des prix de l’énergie est devenue, sur tout le continent, un facteur susceptible d’entraîner une crise sociale sans précédent. Ce que Vladimir Poutine, plus cynique que jamais, a dénoncé lors du forum économique de Vladivostok, métropole de l’Extrême-Orient russe où il s’est aussi rendu pour superviser des manœuvres conjointes avec l’armée chinoise.
Dans son discours prononcé mercredi, peu de temps avant l’intervention de Mme Von der Leyen, le maître du Kremlin a dénoncé «l’agression économique de l’Occident» contre son pays, et mis en garde les dirigeants européens: «Vous sacrifiez la qualité de vie de vos concitoyens aux sanctions économiques. Vous faites perdre aux plus pauvres l’accès à la nourriture et au blé ukrainien.»
La mère de toutes les batailles
A l’approche de l’hiver, et alors qu’une forme de statu quo militaire prévaut en Ukraine où l’armée de Kiev poursuit avec difficulté sa contre-offensive dans la région de Kherson, la mère de toutes les batailles est donc celle des prix de l’énergie. Plus ceux-ci s’envolent, plus l’Union européenne devient vulnérable. D’où plusieurs propositions mises sur la table par la Commission: l’adoption d’objectifs obligatoires de réduction de consommation par tous les États membres, le plafonnement des prix du gaz russe encore acheté par les quatorze pays de l’UE toujours approvisionnés par Moscou et la mise à contribution des énergéticiens qui engrangent des profits records alors que leurs coûts de production n’ont pas augmenté.
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«Nous proposons de plafonner leurs revenus» a annoncé Ursula Von der Leyen, qui n’a pas détaillé cette proposition. Les revenus supplémentaires (au-dessus du plafond communautaire) des géants européens de l’énergie seraient reversés dans un fonds de soutien pour compenser la hausse des tarifs de l’électricité qui étrangle aujourd’hui les populations. A ce jour, les capacités communes de stockage de gaz sont, au niveau de l’UE, remplies à 82%, soit plus que l’objectif de 80% qui devait être atteint en octobre.
Quel impact sur le quotidien des Européens?
Sur la manipulation des prix du gaz par Vladimir Poutine, plusieurs sources ont confirmé à Blick que la Commission européenne prépare un document complet, destiné à prouver que les excuses techniques invoquées par le géant russe Gazprom de l’arrêt du gazoduc Nord Stream 1 ne sont pas justifiées.
La guerre la plus importante qui se joue sur le front de l’énergie est néanmoins celle du quotidien des Européens. Seront-ils affectés, et dans quelles proportions? L’élément le plus polémique du dispositif proposé par Ursula Von der Leyen est, à coup sûr, la définition d’objectifs obligatoires («mandatory targets») de réduction de consommation. Les pays membres devront, si cela est accepté, rationner à l’unisson l’énergie durant l’hiver, alors que tous ne sont pas aussi vulnérables à la menace énergétique russe. Eviter la discorde entre ministres sur ce sujet ce vendredi sera la priorité.
La Norvège félicitée
Un pays associé à l’Union européenne a été félicité par Ursula Von der Leyen: la Norvège, dont les exportations de gaz vers l’UE dépassent désormais en volume celles de la Russie. La Suisse, directement impactée par les mesures qui seront prises sur le marché européen de l’électricité, n’a pas été citée, même si une partie de sa production hydroélectrique (affectée par la sécheresse estivale) est exportée vers ses voisins. N’empêche: lorsque les 27 se réuniront ce vendredi pour parler de leur avenir énergétique, la capacité helvétique à endurer l’hiver, et à faire face aux hausses de prix de l’électricité, sera également concernée.