Marseille ne pouvait pas rêver meilleure vitrine. Souvent ciblée pour ses crimes, ses règlements de compte à la kalachnikov, ses trafiquants de drogue et le délabrement de ses immeubles, le grand port méridional français a, ce samedi 23 septembre, l’affiche dont rêve toute métropole.
Un président de la République qui, depuis son arrivée à l’Élysée, ne cesse de la chérir et de lui octroyer des budgets conséquents. Un pape de 86 ans dont le courage et la stature font l’unanimité. Le duo est improbable dans une république laïque qui, en 1905, se fracture sur la séparation de l’Église et de l’État. Mais devant les caméras, et face au Vieux-Port de cette cité phocéenne, l’opportunité pour Marseille la rebelle d’être dans la lumière est unique.
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Le point d’orgue de cette visite pontificale sera, dans l’après-midi, la messe géante au Stade Vélodrome devant environ 60'000 personnes, plus sans doute plusieurs milliers rassemblés au-dehors devant les écrans géants. Il y a longtemps que Marseille n’avait pas connu pareille publicité mondialisée, même si Emmanuel Macron l’avait choisi, entre les deux tours de la campagne présidentielle de 2022, pour son ultime meeting.
Le Chef de l’État français s’était alors exprimé au palais du Pharo, à l’endroit même où il a accueilli le pape François ce samedi. Logique. Le locataire de l’Élysée, originaire de Picardie (Nord) a jeté son dévolu personnel et politique sur cette ville de 900'000 habitants qu’il qualifie régulièrement de «laboratoire» pour la France qu’il souhaite défendre et promouvoir.
Marseille, ville aux multiples facettes
Marseille est une ville métissée, dont environ 25% de la population, est de confession musulmane. Son équipe de football, l’OM, est mondialement connue. Marseille est ouverte sur l’Afrique et la rive sud de la Méditerranée. Marseille est le point d’entrée des cables-sous marins qui relient l’Europe à l’Afrique et irriguent le continent africain de données numériques.
Marseille est une ville qui a toujours eu le commerce dans la peau. C’est un port. Son armateur, CMA-CGM, est aujourd’hui l’une des entreprises les plus florissantes de France, avec 22 milliards d’euros de profits en 2022. Le tremplin parfait, dit-on, pour la seconde vie d’Emmanuel Macron après son départ de la présidence en 2027, alors qu’il n’aura pas encore 50 ans!
En images, le stade Vélodrome avant la messe
Et pour le Pape François? Pour ce jésuite d’Amérique Latine, dont l’action est centrée sur les plus pauvres, Marseille est aussi le laboratoire idéal. C’est pour cela que samedi matin, à la surprise générale, le souverain pontife s’est rendu dans les quartiers nord, si souvent cités pour leur criminalité. Ce pape connaît de l’intérieur la réalité des cartels de la drogue latino-américains. Il a fait du dialogue entre les religions un autre point fort de son pontificat, comme il l’a montré vendredi avec une rencontre à la basilique Notre-Dame-de la-Garde.
Clin d’œil très politique: le Vatican a d’ailleurs plusieurs fois répété que cette visite est vraiment consacrée à la ville. Ce n’est pas la France que le pape visite. La précision a son importance. Et le choix du Stade Vélodrome aussi: un lieu populaire par excellence, mythique, où des centaines de supporters de l’OM ont promis de venir saluer le pape François!
Deux rois pour Marseille
Deux rois pour Marseille avec, pour Emmanuel Macron, l’avantage de la durée. En 2026, lors des prochaines élections municipales, le président français n’aura pas encore achevé son mandat. Il ne pourra donc pas, comme on le dit parfois, présenter sa candidature à la mairie, et espérer accéder à l’Hôtel de Ville sur le Vieux-Port.
Mais c’est bien là, sur la façade méridionale de la France qui regroupe tous les enjeux d’avenir pour le pays (commerce, relations avec l’Afrique, société multiculturelle) qu’il voit une partie de son avenir. Marseille désespère souvent ses habitants et ceux qui l’observent. Avec Emmanuel Macron et le Pape côte à côte, elle peut se remettre à espérer.