Marseille n’a pas accueilli de pape depuis 1533. Une date brandie par tous pour bien montrer que cette ville ouverte sur la Méditerranée, fondée vers – 600 avant Jésus-Christ par une colonie grecque qui la baptisa Phocée, a toujours été perçue avec inquiétude par l’Église catholique. Marseille, trop rebelle, trop bigarrée, trop ouverte sur l’Islam puisque près de 25% de sa population serait aujourd’hui de confession musulmane, même si les statistiques ethniques sont interdites en France?
En images, le stade Vélodrome avant la visite du Pape
A moins que Marseille ne soit jugée trop sulfureuse avec sa réputation de capitale française de la drogue et du crime? Selon les chiffres du parquet de la ville, 44 personnes sont mortes dans ces rues en 2023 suite à des affaires de narcobanditisme et 109 autres ont été blessées en 2023. Bref, c’est dans une ville où l’on parle de plus en plus de la présence de «cartels» que le pape François, jésuite argentin familier de l’Amérique latine et de ses «narcos» débarque ce vendredi 22 septembre en milieu d’après-midi.
La famille Escobar, très catholique
Le pape François, 86 ans, est en effet le premier souverain pontife à avoir une connaissance aussi fine et concrète des ravages de la drogue sur la société. En 2017, lors de sa visite pontificale en Colombie, bastion de la production et de l’exportation de cocaïne en Amérique latine, même le fils de Pablo Escobar, l’un des plus célèbres parrains de la drogue, était venu prier à Carthagène, pour la messe pontificale. Verra-t-on, à Marseille, des chefs de gangs ou leurs «parrains» se rendre samedi dans les travées du stade Vélodrome où le pape célébrera une messe géante devant 70'000 personnes, en présence du président français Emmanuel Macron?
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La comparaison avec la Colombie tient en matière d’organisation des trafics, et de dangerosité croissante des quartiers, surtout dans le nord de Marseille où les gangs ont établi leurs bastions. «Marseille est le nouveau Medellín» a encore affirmé récemment l’un des sénateurs du département des Bouches-du-Rhône, Stéphane le Rudulier, pour lequel dans sa ville «les 'narcocités' ont fait la sécession et la Kalachnikov a remplacé Marianne avec un usage débridé des armes à feu». Soit. Mais dans les faits, un élément central sépare Marseille et les villes Colombiennes.
Pas d’influence de l’Église
Le trafic de stupéfiants y est en effet souvent géré par des bandes métisses, au sein desquels les jeunes issus de l’immigration opèrent et servent de fantassins, comme le montre l’énumération des patronymes de victimes chaque année. Il y a bien sûr parmi eux des jeunes issus de familles catholiques. Mais il y en a aussi beaucoup qui ont grandi dans des familles musulmanes. Une différence majeure avec la Colombie, premier producteur de feuille de coca, premier exportateur de poudre blanche, où l’Église catholique règne en maître sur la population, malgré la forte progression des cultes évangélistes.
Concrètement, l’accalmie pontificale sur le front des trafics aura sans doute lieu ce week-end à Marseille, où un homme de 55 ans a encore été abattu par des tireurs à moto mi-septembre, dans le 16e arrondissement à l’opposé du stade Vélodrome. Mais ce ne sera pas à cause de la piété des «sicarios» locaux. 5000 policiers et gendarmes, et 1000 agents de sécurité ont en effet été déployés pour assurer le calme dans cette métropole turbulente de 900'000 habitants. Les quartiers nord sont quadrillés. La peur d’un attentat va entraîner des fouilles massives. Ce qui n’enlève rien, malheureusement, à la spirale de la violence en cours. «On est à un degré jamais atteint de barbarie» s’inquiétaient récemment des juges interrogés par le quotidien «Le Monde», évoquant une «dérive à la mexicaine». Au Mexique justement, selon une étude récente, le nombre de membres des cartels n'a cessé d'augmenter au cours de la dernière décennie, alors que les profits annuels des gangs ont grimpé à au moins 6 milliards de dollars par an. Les cartels seraient le cinquième employeur du pays.
Un pape Latino face aux narcos? Tel est l’autre scénario de cette visite pontificale durant laquelle le souverain pontife va surtout parler de migrations. Un scénario souterrain. Un scénario sur lequel l’Église et la notion de pardon ou de péché, n’ont aucune prise.
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