«Nos montagnes françaises», «j'espère, continueront de nous inspirer», a lancé lundi, lyrique, Emmanuel Macron, qui emmène mardi Xi Jinping dans les Pyrénées au second jour de sa visite d'Etat. Le président français a dit s'attendre, dans les Hautes-Pyrénées (sud-ouest), à des «discussions fructueuses et amicales».
Les deux dirigeants sont attendus au col du Tourmalet, mythique ascension du Tour de France, où la météo est encore hivernale même si la saison est finie à la station de ski de La Mongie.
Un cadre qui contraste avec celui du palais présidentiel où, entre un accueil en grande pompe et un banquet fastueux, ils n'ont pas cherché à dissimuler les différends sur le commerce entre l'Europe et la Chine.
Emmanuel Macron a appelé à un «cadre de concurrence loyale», se félicitant à l'issue des discussions d'avoir préservé le cognac français de la menace de taxes douanières chinoises «provisoires».
La présidente de la Commission européenne est de la partie
Conviée pour afficher un front continental uni, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a prévenu que l'Union européenne prendrait «des décisions fermes» pour «protéger son économie», dénonçant l'afflux de véhicules électriques chinois massivement subventionnés.
«Le soi-disant 'problème de la surcapacité de la Chine' n'existe pas», leur a répondu sèchement Xi Jinping.
Sur l'Ukraine, il s'est voulu plus consensuel, réaffirmant sa volonté d'œuvrer à une solution politique.
Et il a apporté son soutien à une «trêve olympique» à l'occasion des Jeux de Paris cet été, poussée également par Emmanuel Macron. Selon une source diplomatique française, cette trêve pourrait servir, s'agissant de l'Ukraine, à enclencher un processus plus politique après plus de deux ans de conflit.
Mais Paris, qui insiste depuis un an pour que Pékin fasse pression sur la Russie pour contribuer à mettre fin à la guerre, se veut «lucide» sur les chances limitées d'une percée rapide. D'autant que le président chinois reste le principal allié de son homologue russe Vladimir Poutine, qu'il doit recevoir prochainement.
Favoriser «un échange franc et amical»
L'étape pyrénéenne pourrait, dans l'esprit de la délégation française, favoriser «un échange franc et amical» sur ces sujets épineux. L'idée est de casser l'imposant protocole qui accompagne le moindre déplacement du numéro un chinois.
Ce coin de montagne est «directement lié à l'histoire très personnelle» d'Emmanuel Macron, explique son entourage. Celui qui fêtera mardi les 7 ans de sa première élection, a passé de nombreuses vacances entre le bourg de Bagnères-de-Bigorre et La Mongie avec ses grands-parents auxquels il était très attaché.
Mardi, Emmanuel Macron et Xi Jinping, accompagnés de leurs épouses, déjeuneront dans le restaurant d'altitude d'Eric Abadie, éleveur et ami du président. Une sorte de réponse à la cérémonie du thé qu'ils avaient partagée l'an dernier à Canton dans la résidence officielle où le père du président chinois avait vécu quand il était gouverneur de la province du Guangdong.
«Xi Jinping n'est pas vraiment un grand sentimental»
«La diplomatie d'Emmanuel Macron a toujours misé, de manière peut-être excessive, sur le pouvoir de séduction», analyse Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales à Sciences Po. «Il y a toujours eu chez lui l'idée que ses relations personnelles pouvaient renverser les structures», ajoute-t-il.
Le cadre intimiste du Tourmalet participe de cette volonté. «Mais c'est mal connaître Xi Jinping qui n'est pas vraiment un grand sentimental», prévient le chercheur.
Le candidat des socialistes aux élections européennes de juin Raphaël Glucksmann a dénoncé la «tonalité amicale» de cette visite officielle. «L'homme qui déporte les Ouïghours, qui réprime les Hongkongais et les Tibétains n'est pas notre ami», a-t-il déclaré sur RTL.
Son adversaire de droite François-Xavier Bellamy (Les Républicains) a également pointé sur LCI les «ingérences» de Pékin et sa «stratégie agressive pour mettre à terre notre économie». La tête de liste macroniste Valérie Hayer a néanmoins défendu la volonté du chef de l'Etat de parler à son homologue chinois, souhaitant sur France 2 «un dialogue direct et franc sur l'ensemble des sujets».
Le politiste Bertrand Badie acquiesce: avec la Chine de Xi Jinping, «il y a un vrai travail à faire» car personne, jusqu'ici, «n'a trouvé la clé des relations euro-chinoises».
(AFP)