Rédoine Faïd devant les juges
Le dernier roi du grand banditisme français, c'est lui

C'est à Paris qu'a commencé, mardi 5 septembre, le nouveau procès de Rédoine Faïd, ex-ennemi public n°1. Un roi du grand banditisme. Un caïd à l'ancienne. Le roi d'un milieu français aujourd'hui gangrené par le trafic de drogue.
Publié: 06.09.2023 à 21:18 heures
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Dernière mise à jour: 06.09.2023 à 21:26 heures
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C'est dans l'enceinte de l'ancien palais de justice de Paris que se tient la cour d'assises chargée, jusqu'à la mi octobre, de juger Redouane Faïd
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il est là, dans le box des accusés, aux côtés des onze autres prévenus d’un procès qui pourrait être intitulé: «la chute du dernier roi du grand banditisme français». Depuis mardi 5 septembre, et jusqu’à la mi-octobre, Rédoine Faïd, 51 ans, joue bien plus que son sort judiciaire, et une nouvelle peine de prison à perpétuité pour «association de malfaiteur, prise d’otage et évasion».

L’homme qui se tient devant les juges, en tee-shirt soigné, entre quatre gendarmes, joue le spectacle de sa vie de voyou. Un voyou né à Creil, en région parisienne, dont la carrière de criminel ressemble à celle racontée par les films hollywoodiens qu’il affectionne. On le dit fan inconditionnel de «Heat», le film de Michael Mann qui met en scène le face-à-face impitoyable mais respectueux, à Los Angeles, entre le flic Al Pacino et le voyou Robert de Niro. Le duel d’un braqueur et d’un flic. Lequel finit par sortir vainqueur de l’affrontement.

Un spectacle judiciaire à l’ancienne

Paris, Palais de justice de l’île de la Cité. La cathédrale Notre-Dame, entourée d’échafaudages, est à deux pas. La préfecture de police aussi. Les gendarmes d'élite ceinturent le bâtiment.

A coup sûr, Rédoine Faïd est fier. Son nouveau procès en cour d’assises, pour sa spectaculaire évasion en hélicoptère survenue le 1er juillet 2018 à la prison de Réau, au sud de Paris, est un spectacle à l’ancienne, sous haute surveillance, digne des comparutions de gangsters de légende comme Jacques Mesrine (abattu par les policiers en janvier 1979) ou Antonio Ferrara, lui aussi auteur d’une spectaculaire évasion de la prison de Fresnes, en 1993, et finalement libéré en juillet 2022.

Antonio Ferrara libéré

Pas de procès au nouveau Palais de justice des Batignolles, au nord de Paris, souvent comparé à un vaste hôpital pour ses salles d’audience austères. L’ancien palais de justice, qui abrite aujourd’hui la cour d’appel, incarne le poids de la justice et l’ordre ancien. Des centaines de milliers de policiers et de criminels s’y sont croisés. Faïd adore, dit-on, ces récits de bandits chargés d’histoire. 

Autre clin d’œil qui l'a peut-être fait sourire: c’est à la prison du Réau qu’Antonio Ferrara, un autre caïd, a purgé son ultime peine, avant sa libération. Dans cette prison dont Rédoine Faïd parvint à s’extirper en quelques minutes le 1er juillet 2018 sans faire couler le sang lorsque des complices, débarqués en hélicoptère dans la cour de l’établissement pénitentiaire, ont aveuglé les gardiens avec des fumigènes et découpé à la disqueuse les portes qui menaient au parloir.

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Pendant six semaines, les juges et les jurés devront reconstituer, étape par étape, cette évasion plus que spectaculaire. Mais ils devront surtout décider si, oui ou non, Rédoine Faïd est un danger pour la société, lui qui avait été déjà condamné, en 2015, à 25 ans d’emprisonnement pour un braquage qui a coûté la vie, en 2010, à une jeune policière, Aurélie Fouquet.

Pour la justice, l’intéressé était le commanditaire et l’organisateur de ce braquage durant lequel l'un de ses frères a été reconnu coupable d’avoir tiré sur la policière. Sauf qu’on ne condamne pas n’importe comment une légende. C’est en effet le dernier roi du grand banditisme français que les magistrats ont devant eux depuis mardi.

«Caïd des cités entré dans la cour des grands les armes à la main, Rédoine Faïd brûlait de libérer une parole trop longtemps retenue entre les murs. A la fois sûr de son potentiel et à la recherche de ses marques, il voulait prendre en main son image, à défaut de son destin. Il est venu frapper à la porte du journal qui m’employait. Auteur de plusieurs livres sur le banditisme, j’avais parlé de lui. Il en redemandait», se souvient le journaliste Frédéric Ploquin.

Un livre, d’ailleurs, est sorti des échanges du caïd avec un autre journaliste, Jérôme Pierrat. Il s’intitule «Braqueur. Des cités au grand banditisme» (Ed. La Manufacture des livres). Récompense suprême: le réalisateur américain Michael Mann en lit des extraits et le commente. «Ce type est extraordinaire», dit-il.

Reconstitution et témoignages

Le reste sera affaire de reconstitution, de témoignages croisés, d’explications. L’évasion du 1er juillet 2018 de la prison du Réau restera de toute façon dans les annales. On n’avait pas vu mieux depuis que Michel Vaujour, en 1986, avait quitté la prison de la Santé, à paris, à bord d’un hélicoptère piloté par celle qui, depuis, est devenue sa femme.

Rédoine Faïd est une légende qui a déjà passé 18 ans de sa vie derrière les barreaux. Deux évasions à son compteur. La première, en 2013, avait eu lieu à la prison de Lille-Séquin. Un «beau mec» comme on n’en fait plus dans le milieu, adepte des «braquos» de convoyeurs de fonds et non des trafics de drogue à l’abri des cités. C’est à Creil, dans le quartier du plateau où il a passé une partie de son enfance, que le gangster est rattrapé le 3 octobre 2018, à l’issue d’une cavale très ordinaire de treize semaines. Les policiers le cueillent à l’aube, dans son lit, un pistolet posé à proximité.

Dans sa fuite, Rédoine Faïd avait pris langue avec la mafia corse de la Brise de mer, un gang aujourd’hui démantelé. Pour de nouvelles aventures criminelles? Sans doute. Le roi des bandits n’a pas encore écrit la fin de sa légende.

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