Pas de majorité contre lui
Michel Barnier survit à la censure et déclare la guerre du budget

Le Premier ministre français a survécu à la motion de censure déposée par la gauche. Elle n'a pas obtenu la majorité absolue des députés. Mais la guerre politique qui s'annonce, celle du budget, sera bien plus redoutable.
Publié: 08.10.2024 à 22:03 heures
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Dernière mise à jour: 08.10.2024 à 22:20 heures
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Le Premier ministre français Michel Barnier peut se réjouir: il a survécu à la première motion de censure déposée par la gauche.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Une première victoire avant d’entamer la vraie guerre. Michel Barnier a passé avec succès sa première épreuve politique à l’Assemblée nationale depuis sa nomination le 5 septembre par Emmanuel Macron. L’opposition de gauche avait besoin de réunir 289 députés sur 577, soit la majorité absolue, pour que sa motion de censure soit adoptée et que le gouvernement Barnier doive démissionner. Raté. Ce mardi, les socialistes qui défendaient le texte n’ont obtenu que 197 voix. Michel Barnier demeure donc à la tête du gouvernement, rescapé grâce à l’abstention du premier groupe de l’Assemblée: celui du Rassemblement national (droite nationale populiste) dirigé par Marine Le Pen.

Une victoire? Oui, mais elle n’est pas annonciatrice de calme politique. Au contraire. C’est ce jeudi que les hostilités vont être déclenchées par ce Premier ministre de droite dont la mission prioritaire est de redresser les comptes publics. «Les finances de l’État, les finances de la Sécurité sociale sont dans une situation très difficile», a averti Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale devant les députés, le 1er octobre.

60 milliards d’euros à trouver

Sauf que la réalité dépasse de loin cet avertissement. Entre 40 et 60 milliards d’euros d’économies sont nécessaires, selon les différents instituts, pour que le déficit français se situe, en 2025, autour de 5%, soit deux points de plus que les 3% normalement tolérés par les fameux critères de Maastricht qui régissent la zone euro. Si rien n’est fait, le toboggan budgétaire sera redoutable: «Sans nouvelles mesures de freinage, le déficit français en 2024 pourrait atteindre 6,1%, très loin des 4,4% prévus par le budget voté fin 2023.» 

Quant à la tendance des dépenses, sans mesure de redressement, le déficit pourrait se creuser au moins à 6,5% l’an prochain, selon les dernières données communiquées par le gouvernement au Parlement» note la chaîne Public Sénat.

Où trouver cet argent dans une France qui n’arrive pas à juguler ses dépenses publiques, et où la dette a augmenté de mille milliards d’euros depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 pour atteindre le chiffre record de 3228 milliards, soit 113% de son produit intérieur brut? C’est là que Barnier va devoir cogner. La gauche, sans surprise, défend un programme d’investissement public et un nouveau «choc fiscal» pour remettre le pays et son économie sur les rails. Le bloc central, l’ex camp macroniste, fait l’autruche et refuse toute hausse d’impôts, alors que la responsabilité du dérapage budgétaire lui revient. La droite est prête à valider des impôts sur les Français les plus riches et sur les grandes entreprises ayant réalisé des maxi-profits. Et le Rassemblement national attend, se posant en gardien du pouvoir d’achat et des ménages modestes…

Agences de notation

C’est cette bataille-là que Michel Barnier ne doit pas perdre. Autour du 20 octobre, les agences de notation financières se prononceront à nouveau sur les capacités de la France à rembourser ses emprunts. Et le sujet est explosif. Entre 2025 et 2027, le pays devra trouver près de 60 milliards d’euros par an pour payer les seuls intérêts de sa dette. Déjà, les grandes banques internationales se tiennent en alerte. Selon UBS, «le spread entre la France et l’Allemagne (différence des taux à dix ans) pourrait atteindre 90 points de base en octobre».

La banque suisse juge «que les arguments en faveur de la résilience des obligations françaises (OAT) restent convaincants compte tenu de la désinflation dans la zone euro, d’une large base d’investisseurs institutionnels avec une part relativement faible des OAT détenues par les banques, et d’un profil de maturité longue». Mais elle tire le signal d’alarme: «La combinaison de l’incertitude politique et fiscale avec le risque événementiel signifie que les spreads ne reviendront pas à leur niveau le plus bas des années précédentes.»

On coupe où?

Alors, on coupe où? Michel Barnier va devoir dévoiler des pistes lorsqu’il présentera son projet de budget ce jeudi. On sait, par exemple, que le Premier ministre envisage de geler la revalorisation des retraites, pour la reporter au 1er juillet 2025. On sait aussi qu’un retour de l’impôt sur la fortune, qui devra être acquitté par les contribuables gagnant plus de 500'000 euros par an, est envisagé. 

Mais beaucoup y voient un écran de fumée médiatique. La Confédération des petites et moyennes entreprises dénonce déjà des hausses d’impôts déguisées, via une réforme des exonérations de charges sociales. Bref, c’est le branle-bas de combat.

Sonnant et trébuchant

Une motion de censure rejetée ne fait pas le printemps. Surtout à l’approche de l’hiver. L’avenir politique de Michel Barnier sera sonnant et trébuchant. C’est seulement avec un projet de budget adopté, alors qu’il n’a pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale, que le Premier ministre pourra parler de victoire. En attendant la prochaine bataille…

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