L’État français a besoin de faire rentrer beaucoup d’argent dans ses caisses. Pour 2024, le projet de budget actuellement débattu au Parlement prévoit une dette publique de 109.7% du Produit intérieur brut (PIB) soit au-dessus des trois mille milliards d’euros. Et pourtant: les exemptions d’impôts pour attirer entreprises et organisations internationales restent d’actualité.
La preuve? Un amendement déposé par le camp présidentiel (qui ne dispose pas de la majorité absolue à l’Assemblée nationale) prévoit d’exonérer de toute fiscalité sur les sociétés les fédérations sportives qui choisiraient de s’installer en France. Mieux: si cet amendement est retenu, celles-ci ne paieront ni cotisation foncière (sur leurs propriétés immobilières), ni cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises.
Bref, cette nouvelle niche veut transformer l’hexagone en paradis fiscal pour tout ce que le monde su sport compte d’organisations ou d’associations. Avec en ligne de mire la première de toute: la FIFA, la fédération internationale de football dont le siège se trouve à Zurich.
Sérieux? La France a en tout cas un argument historique à faire valoir: c’est en 1904 à Paris que la première réunion des associations nationales de football a eu lieu. Et c’est à un Français, Jules Rimet, que l’on doit la création de la coupe du monde de football. C’est d’ailleurs ce dernier, qui présida entre 1920 et 1954, qui organisa le déménagement à Zurich de la FIFA en 1932.
Parlons gros sous
Mais parlons gros sous. Si l’amendement budgétaire est adopté, la France deviendra vraiment attrayante? Jérôme Delaurière, associé du cabinet Gibson Dunn et spécialiste en droit fiscal, préfère nuancer: «D’abord, l’amendement prévoit d’exonérer d’impôt sur le revenu des rémunérations versées aux salariés de ces fédérations pour une durée de cinq ans.»
Puis il ajoute: «Ensuite, une fédération a d’autres préoccupations que les impôts. En tant qu’employeur, elle regarde le coût élevé des charges sociales françaises, une certaine rigidité du droit du travail, plus protectrice des droits des salariés que dans d’autres Etats même si les règles évoluent vers plus de souplesse depuis quelques années, mais aussi le coût de la vie (moins élevé à Paris qu’à Genève par exemple), la qualité des infrastructures scolaires, le marché du travail, le sentiment de sécurité, l’attrait culturel du pays, etc...»
Soit. Et alors? L’expert poursuit: «L’amendement en question prévoit d’exonérer d’impôt sur les sociétés, de cotisation foncière des entreprises et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises les fédérations sportives internationales à raison des bénéfices réalisés en France résultant de leurs activités afférentes à leurs missions de gouvernance du sport ou de promotion de la pratique du sport, sans plus de précision.»
Est-ce que l’organisation de la coupe du monde de football par la FIFA relève «des missions de gouvernance et de promotion de la pratique du football» dont les bénéfices devraient être exonérés en France? Si tel était le cas, cela serait discutable dans la mesure où l’organisation d’une coupe du monde, au regard des recettes générées et des moyens déployés pour l’organiser, me paraît devoir s’assimiler à l’exercice d’une activité à but lucratif au regard des critères habituels.»
Le Qatar, déjà exempté
«Je pense qu’il y a une forme de malentendu entre l’interprétation qui a pu être faite de l’amendement et sa portée réelle» complète Jérôme Delaurière. Soit. Mais l’on sait que la France a déjà fait beaucoup fiscalement pour le Qatar, propriétaire du club de foot du Paris saint-germain. Les résidents Qataris peuvent bénéficier d’une exonération totale d’impôts si la valeur de leurs biens immobiliers en France est inférieure à celle de leur «fortune mobilière». Et n’oublions pas l’exposition sportive internationale que la France va acquérir après l’organisation de l’actuelle coupe du monde de rugby puis celle des Jeux Olympiques d’été 2024.
Emmanuel Macron, obsédé par l’attractivité française, sait en outre combien le sport est porteur. La Fédération internationale de l’Automobile (FIA), avec son siège place de la Concorde à Paris n’est-elle pas un exemple à suivre?