Manque de ressources
Au musée du Louvre en crise financière, les milliardaires sont en embuscade

Le musée du Louvre est en crise. Une crise grave. Au point qu'Emmanuel Macron s'est rendu à son chevet ce mardi 28 janvier. En embuscade? Des sponsors et des milliardaires très intéressés.
Publié: 29.01.2025 à 06:10 heures
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La Joconde de Léonard de Vinci est de très loin le tableau le plus connu du Musée du Louvre, à Paris.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Emmanuel Macron est décidément le président du patrimoine! Après le succès de la réouverture de Notre-Dame de Paris, 5 ans après l’incendie des 15 et 16 avril 2019, le chef de l’Etat était au musée du Louvre mardi 28 janvier, pour y proclamer l’état d’urgence. Malgré près de neuf millions de visiteurs annuels en 2023, et des billets à 22 euros au tarif normal, le musée le plus visité du monde a tiré ces jours-ci la sonnette d’alarme. Des plafonds crevés, une «Joconde» assaillie par la foule, un personnel mécontent. Attention, danger!

Vu de l’étranger, la situation du Louvre, longtemps épicentre du pouvoir royal en France, ressemble à celle du pays: une incapacité chronique à juguler les dépenses malgré des revenus en augmentation, et une obsolescence des installations qui frise la provocation. L’absence d’étanchéité de plusieurs parties de cet ancien palais converti en musée à partir de 1793, après la Révolution française, menace les trésors culturels qui y ont trouvé refuge. 

La jauge de 30'000 visiteurs par jour devient presque insupportable. Et la fameuse pyramide inaugurée le 1er avril 1989, qui incarne désormais le site aux yeux du monde, commence à ressembler à une catastrophe en termes de coût d’entretien.

Le Louvre est très courtisé

Une autre réalité, beaucoup moins exposée, est toutefois en arrière-plan de cette crise patrimoniale: le Louvre est courtisé. Y organiser des soirées très coûteuses, par de grandes marques internationales, rapporte bien plus que d’y accueillir des visiteurs exigeants. Il se murmure même que Bernard Arnault, le patron du géant du luxe LVMH sans lequel rien ou presque n’est possible en France, se verrait bien y ouvrir un restaurant.


En ce moment même, une exposition présente d’ailleurs, au Louvre, des créations de haute couture entre les œuvres d’art. «La bataille est lancée entre les tenants du service public pur et dur, qui exige d’importants investissements, et les défenseurs d’un partenariat public-privé qui consisterait à louer plus souvent nos espaces» se lamente un cadre du musée, rencontré lundi 27 janvier en marge des vœux 2025 de la ministre française de la Culture, Rachida Dati.

Le coût de la pyramide


Officiellement, la direction du musée écarte ces hypothèses. Tous les problèmes viennent, selon celle-ci, d’un sous dimensionnement chronique de l’infrastructure, conçue pour accueillir quatre millions de visiteurs annuels et non neuf ou dix. Comme souvent, avec les créations architecturales modernes (l’Opéra Bastille, autre grand chantier phare de la présidence de François Mitterrand, est entouré de filets pour éviter les chutes des plaques de sa façade), le coût de leur entretien et du remplacement de certaines parties de la pyramide a été sous-estimé.

La note confidentielle

Une note confidentielle a été adressée le 13 janvier par la directrice du Louvre au ministère de la Culture. Elle liste «une multiplication d’avaries dans les espaces du musée, parfois très dégradés» et qualifie la visite de ses galeries «d’épreuve physique». Emmanuel Macron y a apporté quelques réponses en se rendant sur le site. Le président a promis une salle dédiée, avec des accès particuliers, pour son tableau le plus fameux: La Joconde de Léonard de Vinci, que les autorités de Lombardie ont, avec ironie, proposé de récupérer.

Tout pour Mona Lisa

Les autorités italiennes ont immédiatement précisé que l’offre de récupérer la Joconde, amenée en France en 1646, était une boutade. Mona Lisa restera Parisienne. Mais des tarifs spécifiques, pour la voir elle seule, seront mis en place. Ce qui désole les conservateurs, inquiets du risque d’un douloureux «deux poids deux mesures». Beaucoup d’énergie et d’argent consacrés à la future salle d’exposition de La Joconde. Et en dehors, une peau de chagrin culturelle et des rénovations ou réparations qui se font attendre.

Les deux autres sujets sensibles

Mais pourquoi ne pas aborder de front deux autres sujets? Le premier est celui des visées plus commerciales sur le Louvre par les grands groupes de luxe et de la mode. Pour ces derniers, Le Louvre est le décor parfait pour les défilés et les expositions. Plus le musée est en mauvais état, plus leur sponsoring devient indispensable. 

Or la France, on le sait, est en situation de crise budgétaire chronique. La ministre de la Culture Rachida Dati a par avance reconnu, lors de ses vœux, que les moyens publics sont aujourd’hui au plafond. D’où une idée: faire payer davantage les visiteurs non-européens pour financer les centaines de millions d’euros de travaux. Sauf que la comparaison fait mal: pourquoi, à Londres, les musées sont-ils gratuits et parviennent à se financer?

Le second sujet est celui de la dégradation générale du site du Louvre. Pas du musée, mais du site: la cour, la pyramide, l’environnement du côté de la rue de Rivoli ou des quais de Seine. Une petite criminalité s’est enkystée. De nombreux touristes sont victimes d’arnaques, de pick pockets, de faux taxis. La gestion urbaine sur tout le site du jardin des Tuileries, qui fut tellement visité lors des Jeux Olympiques avec la vasque aérienne porteuse de la flamme, est mise en cause. L’effet JO est passé. Le Louvre, in fine, n’en a pas profité.

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