Espérance. Fraternité. Sursaut. Ces mots sont ceux qui resteront associés à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris. Des mots que la quarantaine de chefs d’État ou de gouvernements présents dans la cathédrale ont écouté religieusement, avant que l’orgue aux huit mille tuyaux, restauré de fond en comble, retentisse de nouveau pour la première fois depuis le tragique incendie des 15 et 16 avril 2019.
«Réveille-toi mon Dieu. Entonne la louange de Dieu.» Il est 20h18 lorsque l’archevêque catholique de Paris, Mgr Laurent Ulrich, s’adresse à l’instrument qui symbolise la musique sacrée, vers lequel tout le monde tourne alors son regard. Notre-Dame de Paris n’est plus, à ce moment-là, la cathédrale à laquelle le pape François vient de rendre hommage dans un message lu par le nonce apostolique, le représentant du Vatican en France. Notre-Dame est l’humanité en quête de spiritualité.
Trump au premier rang
Au premier rang, le président américain Donald Trump multiplie les questions vers son voisin, Emmanuel Macron. L’épouse de ce dernier, Brigitte, sépare le futur locataire de la Maison-Blanche (supposé repartir vers les États-Unis après le diner officiel) de Jill Biden, venue représenter son mari. La cathédrale de Paris, lumineuse dans la nuit froide de l’hiver, redevient ce qu’elle a toujours été: un monument magique à la croisée de la foi et du pouvoir. «Nous avons redécouvert à travers ce chantier ce que les grandes nations pouvaient faire: réaliser l’impossible» a dit, quelques minutes plus tôt, le chef de l’État Français en s’adressant aux dizaines de millions de téléspectateurs à travers le monde. Les caméras zooment sur les frises gothiques, sur les piliers de pierre lavés de la poussière accumulée au fil des siècles. L’espérance est le mot qui s’affiche, dehors, sur les écrans géants, posés sur le parvis balayé par les vents qui ont contraint la cérémonie à se dérouler uniquement à l’intérieur de l’édifice.
Assis sur les ponts
Ils sont plusieurs milliers à s’être déplacés. Des Français. Des étrangers. Ils sont assis sur les ponts fermés à la circulation en raison des mesures de sécurité. Ils sont emmitouflés en raison du froid et de la pluie. Ils attendent sur le bitume mouillé. Notre-Dame s’illumine, change de couleur, projette sa silhouette vers le ciel lorsque les rayons laser passent à travers ses tours et leur dentelle de pierre. La séquence la plus émouvante de cette soirée est intervenue au tout début, lorsque les pompiers, dans leur tenue rouge de soldats du feu, se sont présentés devant l’assistance. Ce sont eux qui ont sauvé la cathédrale la plus célèbre au monde.
Même Donald Trump les salue. Emmanuel Macron, derrière un pupitre sobre, laïcité républicaine oblige, a redit les moments d’effroi de cette nuit d’avril 2019. Il dit la chute de la flèche «dans un fracas d’ossements». Il dit «les heures de combat face au feu» et «l’enchaînement de coïncidences». Hasard. Destin. Ou providence. «Il y a surtout eu de la bravoure» a ajouté le président français en citant l’heure fatale. 22h47, le 15 avril 2019. C’est à cette heure-là que les pompiers l’alertent: le feu est sous contrôle. Notre-Dame est sauvée.
L’Ukraine, ombre diplomatique
Ceux qui étaient là lorsque le grand portail de la cathédrale s'est ouvert sur un abîme de cendres et de ruines inondées par les millions de litres d’eau de la Seine déversés par les lances à incendie se regardent comme s’ils n’en croyaient pas leurs yeux. On voit des larmes couler sur certains visages. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, peut rêver d’un message. Notre-Dame a réussi à renaître de son cauchemar. Quid de son pays, l’Ukraine, plongé dans la guerre depuis le 24 février 2022? Rien n’a encore filtré de la rencontre à trois, avec Donald Trump et Emmanuel Macron, à laquelle Paris tenait tant. Elle a pourtant failli ne pas avoir lieu. Jusqu’au bout, Trump a renâclé. Son arrivée à l’Élysée avec quarante-trois minutes de retard a glacé l’atmosphère. Mais des paroles ont été échangées. La France de Notre-Dame est aussi celle de l’espérance diplomatique.
La Suisse est absente. Pas de représentants officiels. Seul le Fribourgeois Alain Berset, désormais secrétaire général du Conseil de l’Europe, représente indirectement la Confédération. Les anciens présidents français Nicolas Sarkozy et François Hollande sont au premier rang. Le premier ministre démissionnaire Michel Barnier est à proximité. Le président allemand a fait le déplacement, comme son homologue italien. Giorgia Meloni est juste derrière eux. Le prince William du Royaume-Uni, le Roi des Belges et le prince Albert de Monaco représentent les monarchies européennes dont l’Église a toujours rythmé les règnes. Emmanuel Macron a insisté, juste avant, sur «la fraternité d’un peuple déterminé à faire de grands choix».
Elon Musk à Paris
Dans la salle, l’homme le plus riche du monde a, pile à ce moment, levé les yeux au ciel. Elon Musk n’était pas prévu. Mais il est venu. Tout comme Bernard Arnault, le géant du luxe dont le nom figure en tête de la liste des mécènes qui ont permis de recueillir 850 millions d’euros, et de conclure ce chantier en cinq ans.
Miracles de beauté
Espoir. Espérance. Les mots sont chantés par la chorale de Notre-Dame et ils seront à coup sûr au centre de l’homélie prononcée ce dimanche lors de la première messe dans la cathédrale ressuscitée. Notre-Dame de Paris est de retour. L’ombre d’Esmeralda et de Quasimodo, les héros du roman de Victor Hugo dont Walt Disney a popularisé le récit dans l’Amérique contemporaine, attend de reprendre possession des lieux. Il est 21h05. Paris s’illumine. La cérémonie de cette résurrection s’achève. L’humanité qui se réjouit de retrouver la plus célèbre cathédrale du monde, n’a pas changé depuis cinq ans. Pire: la guerre n’a peut-être jamais autant menacé nos existences. Il est toutefois possible de croire, ce 7 décembre dans le centre de Paris quadrillé par six mille policiers, qu’il existe encore des miracles de beauté dans le fracas du monde.