La guerre des abayas est déclarée en France. Va-t-elle perturber la rentrée scolaire du début septembre? La question est posée depuis que le nouveau ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal, 34 ans, vient d’annoncer l’interdiction prochaine de ce vêtement porté par les jeunes filles musulmanes, désormais considéré comme un signe religieux prohibé en milieu scolaire.
Au nom de la laïcité
Emmanuel Macron a ensuite embrayé dans un entretien au quotidien Le Parisien, au nom de la loi sur la laïcité de 2004. C’est parti. La question maintenant est de savoir comment cette interdiction va pouvoir être appliquée, et quelles seront les sanctions pour les jeunes filles qui refuseraient de se plier à cette règle décidée in extremis, supposée entrer en vigueur le 4 septembre. Exclusion des établissements? Suspension temporaire? Amendes? Sur ces deux sujets, les pouvoirs publics demeurent pour l’heure muets tandis que les enseignants s’inquiètent et anticipent une crise.
«Sur les questions de laïcité et d’application de la loi de 2004, nous avons déjà un cadre législatif bien bordé», estime Claire Guéville, secrétaire nationale du syndicat majoritaire Snes-FSU, interrogée par l’hebdomadaire Le Point. À mon sens, cette problématique, qui revient sur le devant de la scène et occulte tout le reste, relève davantage d’un agenda politique que d’une réelle problématique éducative. Avec cette mesure, Gabriel Attal ne s’adresse pas aux enseignants, il parle à la droite de l’électorat, et il est difficile de ne pas penser à une volonté d’enfumage»
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La coïncidence est en effet frappante. C’est en pleine rentrée politique, et alors que le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin muscle son discours pour incarner une relève à droite, que Gabriel Attal – fidèle d’entre les fidèles du Chef de l’État – a pris les devants vendredi 25 août sur la question des abayas, ces longues robes «couramment portées par les femmes et les filles musulmanes» pour reprendre ses propres termes.
Quelle responsabilité la droite?
On résume: l’abaya avait jusque-là réussi à se glisser dans les méandres de la législation républicaine. La loi qui, depuis bientôt vingt ans, prohibe en France le port de signes religieux à l’école, butait sur ce vêtement chargé d’une forte revendication identitaire et islamique. Jusqu’à ce que plusieurs rapports, commandés après la décapitation de l’enseignant Samuel Paty le 16 octobre 2020, montrent l’étendue du problème. 150% de hausse des atteintes à la laïcité entre 2022 et 2021, surtout due à l’augmentation des signalements liés au port de signes et de tenues comme les abayas. Voilà donc l’affaire réglée. «On ne pourra plus porter d’abaya à l’école». La parole ministérielle est supposée faire foi.
Restent les interrogations face à ce processus de décision si vertical et si français. Comment peut-on avoir laissé, depuis vingt ans, les abayas proliférer dans les écoles? Pourquoi Nicolas Sarkozy, ce président qui surjoue son courage politique en plein lancement de son dernier livre «Le temps des combats» (Ed. Fayard), n’a-t-il rien vu venir? Est-il crédible, comme le font les commentateurs bien calés à droite, d’accuser le précédent ministre Pap Ndiaye (choisi pour incarner la diversité) d’avoir «laissé faire»? « L’appréciation du caractère religieux, ou pas, ce sont les chefs d’établissement qui doivent l’apporter» avait estimé ce dernier. Difficile à suivre.
Tout comme il est difficile de comprendre comment l’argent du fonds contre la radicalisation crée après le meurtre de Samuel Paty, tué par une jeune tchtchène radicalisé, a été gaspillé et partagé entre quelques copains, au point d’entraîner le départ du gouvernement de l’ancienne ministre chargée du dossier, Marlène Schiappa.
La France compte environ 850'000 enseignants et 60'000 lycées, ce qui devrait en faire un sacré bon poste d’observation de la société. Et n'a-t-on rien vu venir? Gabriel Attal, le nouveau ministre (très proche d’Emmanuel Macron) ferait bien de réfléchir à ça. En politique, l’aveugle est souvent celui qui ne veut pas voir. Même si la loi l’oblige en théorie à ouvrir les yeux.
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