Le sandwich au hareng n’est décidément pas la potion magique. Après deux jours de séminaire gouvernemental franco-allemand à Hambourg, ce lundi et mardi, Emmanuel Macron et Olaf Scholz n’ont toujours pas réussi à convaincre que leur tandem fonctionne.
Le président français, sur les terres baltiques du chancelier allemand, a pourtant accepté de partager avec son hôte le fameux casse-croûte au poisson qui fait la fierté de ce grand port commercial. Seulement voilà: à part cette valse culinaire, et malgré la présence d'une quarantaine de ministres, aucune vraie fumée blanche n’est sortie de leur conclave. Lequel a été assombri, il est vrai, par l'attaque du Hamas contre Israël.
La fin du couple franco-allemand?
«La retraite du cabinet franco-allemand a abouti à la décision de trouver une solution commune pour le prix de l’énergie, de soutenir le progrès technologique, en particulier dans le domaine de l’intelligence artificielle, ainsi que de réduire le fardeau bureaucratique et d’accroître la compétitivité» explique à Blick une source qui a participé aux discussions. Soit. Et après?
Signe que la fatigue est bien installée des deux côtés du Rhin, même les Français, qui parlent d’habitude du «couple franco-allemand», se mettent maintenant à parler de «duo» ou de «moteur», en référence à l’importance de cette relation bilatérale pour l’Union européenne.
Le désaccord frontal entre les deux pays sur le nucléaire, imposé en Allemagne par les Verts, reste un écueil majeur pour envisager l’avenir. «L’objectif est de discuter à bâtons rompus de sujets qui vont au-delà des affaires courantes, tels que l’intelligence artificielle et les mutations industrielles, sans se soucier de négocier une déclaration commune» avertissait lundi le quotidien Le Monde. A juste titre…
Une envie du «style Macron»
Que la France et l’Allemagne divergent n’est en rien surprenant. «J’ai grandi avec les désaccords franco-allemands. Ils font partie de l’ADN du couple. C’est même sa base. Ce n’est pas cela qui me rend inquiet» confirme un ancien Ambassadeur de France à Berlin. Alors, c’est quoi le problème?
Pour les observateurs familiers des deux pays, le sujet préoccupant est un découplage inattendu entre les deux capitales. Berlin procrastine quand Paris continue de faire envie. Une longue enquête du Spiegel publiée cette semaine, sur la vitalité de la capitale française, malgré tous ses problèmes, a résumé cette nouvelle donne. «C’était jusque-là impensable, mais l’Allemagne de 2023 est un peu jalouse de la France» nous expliquait fin 2022 Joachim Bitterlich, ex-conseiller diplomatique d’Helmut Kohl, lors du lancement de son excellent livre de mémoires intitulé «Le Passeur» (Ed. Gingko). Bien vu.
Plusieurs articles de la presse allemande ont révélé, ces dernières semaines, une vraie envie du «style Macron». Un président plus offensif, plus clivant, mais plus respecté que l’actuel chancelier fédéral, surtout réputé pour sa prudence…
Clin d’œil ou retournement?
Clin d’œil ou retournement de conjoncture? La réponse est simple: l’Allemagne, empêtrée dans sa coalition socialo-écolo-libérale, a perdu ce que la France de Macron a su revitaliser: son attractivité. Les investisseurs s’inquiètent de son impasse énergétique. Les clients de ses puissantes cylindrées redoutent d’être pointés du doigt pour leur addiction thermique. Ses sous-traitants polonais rêvent de récupérer, pour eux seuls, les marchés internationaux sur lesquels leurs produits étaient frappés de l’étiquette «Made in Germany».
Attention. La France ne fait pas envie parce qu’elle est solide et qu’elle s’est réformée. Son projet de budget pour 2024, toujours marqué par une importante dette publique (un déficit de -4,4% du PIB, une charge de la dette de près de 60 milliards d’euros) est la preuve de son incapacité à limiter les dépenses de l’état.
Reste que cette France-là réussit à attirer la lumière. Mieux: elle affiche encore une certaine indolence malgré les circonstances et les polémiques peu enviables, comme celle sur les punaises de lit dans ses métropoles. Qui n’a pas vu Paris, ces jours-ci, redevenue la ville du sourire et du bien vivre pour les dizaines de milliers de fans étrangers de la Coupe du monde de rugby, ne mesure pas l’efficacité de cette nouvelle illusion française que l’Élysée espère renouveler avec les Jeux Olympiques d’été 2024.
Reproches de l’Europe de l’est
L’Allemagne rumine. Son extrême droite, qui a de nouveau progressé aux dernières élections régionales dans les länder de Bavière et de Hesse, vocifère bien plus que le tranquille Rassemblement national. Ses partenaires de l’Europe de l’Est, comme la Pologne qui va voter ce dimanche 15 octobre, lui reprochent ses indulgences passées envers Poutine.
Bref, l’agilité de la France, encore capable de se contorsionner et d’arriver à séduire comme un mannequin de la «Fashion Week» énerve l’austère Chancelier Olaf Scholz. On comprend pourquoi les Allemands n’aiment pas parler de couple à propos de la France. Entre ces deux-là, la jalousie est toujours en embuscade. Avec ou sans hareng.