Une initiale. Sur la couverture de «La Bérézina», l’essai que Marylou Magal consacre à l’échec politique d’Eric Zemmour en 2021-2022, la lettre Z apparaît en gros. Z comme Zemmour bien sûr. Z comme Zorro aussi, car ses supporters voyaient en lui l’homme capable de tout renverser.
Raté. L’ex-éditorialiste de C News, la chaîne d’information continue du milliardaire Vincent Bolloré, termine l’année 2022 sur un triple échec. Sa campagne présidentielle s’est arrêtée au premier tour, avec 7% des suffrages, devant la candidate de droite Valérie Pécresse, mais loin derrière Marine Le Pen. Sa campagne législative, dans le Var, l’a vu aussi échouer au premier tour. Et voilà que les Bleus, l’équipe nationale de foot française métissée s’il en est, accède à la finale du Mondial au Qatar.
Les coulisses d’une ascension… et d’une chute
Le plus frappant, dans ce livre qui raconte les coulisses de l’ascension et de la chute d’Eric Zemmour, est l’autopsie de son erreur politique fatale: ne pas avoir vu que sa campagne mono-thématique, seulement axée sur le rejet de l’immigration et sur l’identité française, finirait par tourner à vide.
Il y a un parallèle entre l’année politique d’Eric Zemmour et l’année footballistique de Didier Deschamps, le sélectionneur des Bleus. Zemmour était le candidat du rejet, de la France qui se construit contre les autres. Il a fait, coté international, le mauvais pari du soutien à la Russie de Vladimir Poutine. A l’inverse, Didier Deschamps a joué l’identité métisse de la France, sans en rajouter. Ses relations compliquées avec Karim Benzema montrent que toutes les plaies du passé ne sont pas guéries. Mais Deschamps a su incarner l’avenir. Alors que Zemmour est resté coincé dans le passé.
L’intérêt de l’ouvrage de Marylou Magal est qu’il montre combien un journaliste de talent, observateur de la société et de la classe politique, peut se tromper sur l’état du pays qu’il passe son temps à commenter. Zemmour est féru d’histoire. Il séduit par sa culture, ses références au passé, l’ancrage de son discours dans une identité française largement romancée pour les besoins de sa cause nationaliste.
Mais le pays réel ne vit pas la France ainsi. L’homme, pourtant intelligent, s’est laissé prendre au piège de ses idées. Lire ce livre, à l’aune du Mondial qatari, est une sorte de médecine de la réalité. La France n’est pas celle de Zemmour, que ses partisans l’acceptent ou non.
Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas de soutiens. Les deux millions de Français qui ont voté pour lui à la présidentielle ont salué son discours et ses prises de position. Zemmour peut rebondir. La politique n’est jamais un naufrage permanent. Mais il s’est trompé. Et cet essai le montre.
L’incapacité à jouer collectif
L’autre vérité contenue dans cet essai est l’incapacité de Zemmour à comprendre les rapports de force, à analyser l'équipe adverse et à déceler les vrais talents. Là aussi, le parallèle avec Didier Deschamps peut servir, à la fin de ce Mondial, de guide de lecture. Le sélectionneur des Bleus, intransigeant sur la discipline et le travail, a ratissé large. Il a gommé les aspérités. Il a su concilier les individualités les plus fortes avec l’esprit d’équipe.
Eric Zemmour s’est avéré pour sa part un piètre meneur d’hommes, vexant ses premiers supporteurs en ouvrant les bras aux transfuges du rassemblement national qui ne lui ont apporté que leur traîtrise. La trahison, en politique, peut être une voie vers le pouvoir. Mais elle peut aussi être un boulet. C’est ce qui s’est passé avec Z.
Le rôle de Sarah Knafo
Dernière leçon: le rôle joué aux côtés d’Eric Zemmour par sa compagne Sarah Knafo. Une jeune femme. Ambitieuse. Résolue à gravir les sommets de la République. Mais une conseillère aveugle, trop braquée sur les médias pour comprendre le pays, incapable de voir que son candidat s’est peu à peu isolé, tandis que Marine Le Pen rassemblait.
La métaphore footballistique est utile ici aussi. Eric Zemmour aurait dû être un milieu de terrain offensif. Distribuer les ballons pour mieux marquer. Il s’est comporté en ailier, se laissant piéger dans son couloir: celui de l’identité réinventée à force d’arguments xénophobes.
Un Mondial de foot chaotique, avec des violences endémiques en France, l’aurait sans doute servi. Il n’en a pour l’heure rien été. Marine Le Pen a sur revenir au centre du jeu. Elle fait des passes décisives et a permis au Rassemblement national de marquer des buts. Morale de l’histoire: le foot, comme la politique, est un jeu collectif.
A lire: «La Bérézina», par Marylou Magal (Ed. du Rocher)