Un petit conseil pour commencer: si Jérôme Bonnafont envisage à l'avenir une seconde édition de son livre «Diplomate pour quoi faire?» (Ed. Odile Jacob), il pourra l’intituler «La diplomatie pour les nuls». Un titre choc, qui serait tout sauf caricatural, car l’ambassadeur français en poste à Genève n’esquive dans son ouvrage aucune question de base et aucun sujet tabou.
Tant mieux. L'intéressé sait que son métier est souvent mis en cause. Il a achevé son livre avant la remise en question, dans son pays, du statut diplomatique qui sera désormais moins réservé aux seuls fonctionnaires du Quai d’Orsay, le ministère français des Affaires étrangères. Bref, voici un ambassadeur qui ne rechigne pas à parler et à écrire simple. Rien que pour cela, il mérite d’être salué et remercié.
De solides évidences
L’autre vertu du livre de Jérome Bonnafont est qu’il ne renie pas quelques solides évidences. Finie la mission des ambassadeurs d’hier qui traitaient avec des interlocuteurs étrangers, parfois très loin de leur propre capitale. Finie l’époque où les ambassadeurs, quel que soit le pays représenté, disposaient de l’exclusivité des contacts avec les gouvernements étrangers.
«La politique internationale, compte tenu de la mondialisation, est au cœur de la décision politique tout court», nous explique-t-il dans son bureau de Pregny, au-dessus de Genève. Les diplomates de sa génération – il est né en 1961 – ont vu autant changer le monde que leurs fonctions. Les courriels électroniques ont, le plus souvent, remplacé les télégrammes diplomatiques. Les dirigeants des pays se parlent ou communiquent directement.
La pandémie de Covid-19 a généralisé les visioconférences. Et les dossiers à gérer, surtout, se sont complexifiés. Un diplomate n’est plus l’intermédiaire d’autrefois entre deux gouvernements. Il ne parle pas que de guerre ou de paix, de frontières ou de droits pour ses ressortissants. Il doit savoir traiter du réchauffement climatique, des questions commerciales, des enjeux numériques: «La vérité est que le diplomate de 2022 ne peut plus travailler seul, poursuit Jérôme Bonnafont. La complexité nous accompagne. Le travail diplomatique se mène en équipe, avec des experts.» Sa mission à Genève, très diversifiée, en est le parfait exemple. Derrière l’ambassadeur, cherchez le spécialiste…
Pas question pour l'auteur, en revanche, de renoncer à clamer que ce métier est utile. «Prenez la Suisse, poursuit-il. Son image ne serait pas ce qu’elle est dans le monde, excellente, sans le travail de sa diplomatie. Mieux: cette marque de fabrique les aide. Ils la cultivent. Ils en sont les porte-paroles.»
Lire cet essai, c’est rentrer dans les coulisses des Chancelleries. Pas pour y apprendre des secrets. Mais pour en visiter les cuisines. L’auteur ne trahit rien. Il défend devant nous son droit de réserve. Il liste les sujets, et fait mentir les clichés: «Il est faux de dire, par exemple, que la diplomatie a disparu entre l’Ukraine et la Russie. Oui, la guerre est le quotidien. Mais des diplomates s’activent en permanence. Ils sont Européens, Turcs, Russes, Ukrainiens, Américains... Ils travaillent dans l’ombre. Ils négocient les accords, comme celui sur l’exportation de blé...»
Autre mission du diplomate: préparer la suite. Penser l’après-guerre: «On nous attaque parce que l’on continue de dialoguer. Mais c’est notre métier. Comprendre l’autre. Savoir comment il fonctionne. Tout gouvernement a besoin de cela».
La diplomatie a de beaux jours devant elle
La diplomatie n’est pas en péril selon l’auteur. «Elle s’adapte, développe-t-il. Elle mue. La parité, la diversité y ont aujourd’hui toute leur place.» Un seul mot, selon lui, ne doit pas changer et pas être évacué: le respect. «Les diplomates sacrifient leur vie de famille. On oublie même qu’ils en ont une. Ils se consacrent aux autres cultures. Ils sont des décodeurs indispensables.»
Lisez «Diplomate, pour quoi faire?» Vous verrez, à le parcourir, que le monde est en réalité bien plus compliqué que l'on ose le dire, nous, les médias!
A lire «Diplomate, pour quoi faire?», de Jérome Bonnafont (Ed. Odile Jacob)