Bientôt à Kiev?
Le livre que Macron doit emporter en Ukraine

«Ukraine-Russie, la carte mentale du duel» est un petit livre tout juste paru du géographe Michel Foucher. Emmanuel Macron le considère comme une référence pour comprendre les ressorts de la guerre. S'il se rend à Kiev jeudi, le président français l'emportera avec lui.
Publié: 15.06.2022 à 12:36 heures
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Dernière mise à jour: 17.06.2022 à 16:46 heures
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Le président français pourrait se rendre à Kiev cette semaine.
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Richard WerlyJournaliste Blick

Soixante pages pour tout comprendre. Ou presque. Il ne faut pas rater «Ukraine-Russie, la carte mentale du duel» (Gallimard, collection Tracts) du géographe français Michel Foucher. L’auteur a toujours navigué entre les cartes et la diplomatie. Il a été Ambassadeur de France en Lettonie, l’un des pays baltes les plus exposés aux menaces de Poutine, compte tenu de son importante communauté russophone.

Emmanuel Macron l’a lu et le prendra sans doute avec lui

Ce livre, Emmanuel Macron l’a lu et il le prendra sans doute avec lui s’il se rend à Kiev ce jeudi 16 juin, après son déplacement en Roumanie et en Moldavie ce mercredi. Le contenu de cet ouvrage à la fois sobre et détaillé peut même expliquer, en partie, l’affirmation controversée du chef de l’État français, qui a mis en garde ses pairs contre une «humiliation» de la Russie. Il faut donc le lire.

En particulier pour comprendre la manière dont l’Ukraine est devenue, depuis son indépendance acquise de l’ex-URSS en août 1991, une «tête de pont démocratique» pour l’Occident, selon les termes de l’ancien conseiller à la sécurité nationale américain, Zbigniew Brzezinski.

Les cartes décryptées

Michel Foucher regarde les cartes. Il les décrypte. Il les explique. La plus parlante de se trouve en page 12 de son petit livre, très facile à lire. Elle englobe, dans un vaste ensemble, tout l’espace européen composé de la France, de l’Allemagne, de la Pologne et de l’Ukraine. Cette carte est celle que les États-Unis ont en tête depuis l’écroulement de l’Union Soviétique. Il s’agit, pour Washington, de faire tenir ensemble cet ensemble qui traverse le continent de part en part. Titre de la carte: «Au-delà de 2010, le noyau critique de la sécurité européenne». Tout est dit. Le fameux sommet de l’OTAN à Bucarest de 2008, qui entrouvrit la porte de l’Alliance atlantique aux Ukrainiens dans une déclaration considérée par Poutine comme une agression pure et simple, trouve son origine dans ce concept.

Attention: l’auteur ne tombe absolument pas dans les scénarios de déstabilisation occidentale brandis par tous ceux qui cherchent aujourd’hui à faire oublier les exactions commises par les troupes russes et les horreurs déclenchées par ce dictateur sans merci qu’est devenu Vladimir Poutine. C’est pour cela qu’il faut lire son ouvrage. Pour lui, la Russie est bien coupable. La faute de l’Occident est de lui avoir servi sur un plateau l’excuse pour réveiller le monstre stalinien qui sommeillait en elle et que si peu d’intellectuels épris de ce pays ont voulu regarder en face, préférant enfouir leur aveuglement dans un récit historique contestable.

Le double héritage des dirigeants russes

«Les dirigeants de la Russie de 2022 cultivent un double héritage qui sous tend la fuite en arrière en cours, écrit Michel Foucher. Le premier est celui de l’expérience soviétique, selon laquelle la stabilité du système est mieux assurée en temps de guerre, le second est celui de l’autocratie tsaro-stalinienne, qui veut que la Russie ne soit écoutée et entendue que lorsqu’elle fait peur.»

Vous avez bien lu: le chaos à ses frontières, les massacres et le sang sont des armes vitales pour Poutine. Voilà pourquoi l’homme et son pouvoir sont aujourd’hui une formidable menace pour les démocraties européennes.

L’histoire est aussi au rendez-vous de ce livre. Elle explique sans doute les précautions oratoires d’Emmanuel Macron, accueillies par un flot de critiques compréhensibles des pro-Ukrainiens. L’Ukraine indépendante et démocratique? Impossible pour Moscou. Inacceptable. Impensable. «Le patriotisme impérial russe mobilise l’orthodoxie, la langue russe et une image diffuse de la nationalité, poursuit Michel Foucher. La 'petite Russie' y occupe une place de choix aux côtés de la Biélorussie, sous l’aile protectrice mais jalouse de la 'Grande Russie'. Les 'Russes', petits ou grands, sont les éléments constitutifs de la nation panrusse.»

Une affaire de symboles

La force du constat du géographe français est de ne pas chercher à accuser ou à régler des comptes. Difficile par exemple, à le lire, de comprendre pourquoi le président de la République n’est pas déjà allé à Kiev. Car tout, dans ce duel Ukraine-Russie, est affaire de symboles. Se rendre maintenant dans la capitale ukrainienne, éventuellement aux cotés du chancelier allemand Scholz et du président du conseil italien Draghi, apparaît donc comme un rattrapage politique périlleux. Continuer de donner ses chances à la diplomatie et rejeter toute «humiliation» est une chose.

L’OTAN doit se montrer fort

Mais pour Foucher, l’OTAN ne doit pas cesser de montrer ses muscles et d’indiquer à Poutine que toute atteinte à la sécurité d’un de ses membres serait une déclaration de guerre. «C’est dans la logique du duel en cours, qui dépasse la seule nation ukrainienne et pourrait affecter l’Europe centrale, donc l’Union européenne dans son ensemble», conclut-il. Avec cette phrase qui doit faire réfléchir tous les partisans de l’apaisement, alors que l’escalade ne peut pas être écartée: «Le régime déliquescent du pouvoir personnel poutinien survivrait-il à la catastrophe qu’il aurait provoquée?»

Emmanuel Macron aurait tout intérêt à relire ce petit livre dans le train ou le convoi qui le conduira à Kiev, avant le sommet européen des 23 et 24 juin qui se prononcera sur la demande d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Le sommet de l'OTAN suivra lui à Madrid les 29 et 30 juin.

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