Les opposants irréductibles à Cyril Hanouna peuvent préparer de nouvelles salves. Contrairement à ce qui avait été annoncé, ce n’est pas le contenu du documentaire de «Compléments d’enquête», diffusé jeudi 30 novembre sur France 2, qui va faire vaciller la statue de l’animateur de télévision le plus clivant de France.
Cette heure d’investigation promettait de tout nous raconter sur les dessous de «Touche Pas à mon poste» l’émission la plus controversée du paysage audiovisuel français qui attire chaque soir de la semaine environ deux millions de téléspectateurs, plus tous les aficionados sur les réseaux sociaux. Au final? La confirmation d’un Cyril Hanouna «serial entrepreneur», impitoyable quand il s’agit de faire de l’audience et de l’argent. Mais rien qui puisse le rendre plus infréquentable qu’il ne l’est déjà.
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L’heure du clash
Pas étonnant, d’ailleurs, que cette enquête sur «Baba», le surnom de Cyril Hanouna pour ses fans, bute sur le mur érigé par ce dernier. Hanouna, 49 ans, fonctionne depuis des années comme un caïd qui sait aussi bien séduire que verrouiller, ou intimider. Son créneau n’a jamais été la transparence, qu’il pourfend à longueur d’émissions, car il estime que ses détracteurs et concurrents ne sont pas mieux que lui sur ce terrain.
Plus simplement, le créneau le plus juteux de «Baba», celui qui lui rapporte le plus, est le «clash télévisuel». Imaginer qu’un documentaire sans véritables révélations le fasse battre en retraite est donc illusoire. Au contraire. Pour taper sur Hanouna, les journalistes de «Complément d’enquête» sont allés interviewer le rappeur Booba, avec lequel il est en lutte ouverte. Booba, coresponsable en août 2018 du saccage du hall de l’aéroport parisien d’Orly lors d’une bagarre entre son entourage et celle d’un autre rappeur, Kaaris! A côté, le sourire de Cyril Hanouna interviewé rapidement est presque apaisant, voire reposant.
Sa fortune personnelle? Et alors…
L’autre force de l’animateur de C8 est qu’il incarne au fond ce qu’une partie des Français adorent faire (et ils ne sont pas les seuls): dire des méchancetés sur les célébrités et transformer son succès en espèces sonnantes et trébuchantes. La fortune personnelle de ce producteur animateur serait, selon France 2, d’environ 100 millions d’euros.
Et alors? Tous les jours ou presque, ses fans croisent dans les rues de France des publicités pour les articles de luxe hors de prix du groupe LVMH de l’homme le plus riche du monde, Bernard Arnault, dont la fortune avoisine les 180 milliards! Comble de l’ostentation, du mauvais goût, ou de la provocation, un immeuble d’une dizaine d’étages sur les Champs-Élysées est, pendant toute la période hivernale, transformé en malle géante Vuitton, avec logo etc...
Si Hanouna est indécent avec ses remarques «trash» et les recettes publicitaires de TPMP qui, dit-on, représentent 50% du budget de la chaîne C8, alors, que dire de cet étalage de luxe inabordable pour les Français obsédés à juste titre par leur pouvoir d’achat?
Il connaît bien la France
Hanouna connaît bien la France. En tout cas celle des métropoles et des villes moyennes. D’origine tunisienne, cet animateur qui ne cache pas sa confession juive et redit sans cesse qu’il a grandi dans une banlieue parisienne multiculturelle, a fait ses classes au Club Méditerranée. La recette pour faire rire alors, dans ces camps de vacances, était celle mise en scène dans le film «Les Bronzés»: blagues lourdingues, allusions sexuelles à gogo et esprit libertin à volonté. Le tout sur fond de rires troupiers.
Bref, rien de neuf. Y compris sur le plan des reproches faits par ce documentaire à la méthode Hanouna. Il humilie certains de ses collaborateurs? Sans doute. Mais que faisait, pendant des années, le présentateur vedette Patrick Poivre d'Arvor aujourd’hui accusé de plusieurs viols? Hanouna déteste être contredit? Qui, parmi les pontes de l’audiovisuel, producteurs de leurs émissions, défend la démocratie entrepreneuriale?
C’est reparti pour un tour
Allez, c’est reparti pour un tour. Capable d’allier le pire (très souvent) au meilleur (quelques bonnes émissions politiques «Face à Baba»), Cyril Hanouna n’a pas trop de soucis à se faire, surtout si son patron Vincent Bolloré accepte de payer les amendes infligées par l’autorité de régulation en raison de ses débordements.
Dans une France de plus en plus marquée par les incivilités, où la colère est la règle, son talk-show est plus un baromètre qu’un incendie. Dangereux, Baba? Peut-être y a-t-il une simple réponse: le considérer pour ce qu’il est, un bateleur surdoué, bien ancré dans son époque et sans vergogne.
Un bateleur qui ressemble à la société qu’il contribue à façonner.