L'animateur face à un député
Cyril Hanouna face au jeune élu Louis Boyard: pathétique TV française

Plus qu'un clash, un règlement de comptes écœurant en direct. Jeudi soir, l'animateur Cyril Hanouna et le jeune député de gauche Louis Boyard ont offert aux téléspectateurs le pire de la télévision.
Publié: 11.11.2022 à 13:58 heures
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Dernière mise à jour: 11.11.2022 à 17:13 heures
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Cyril Hanouna, grand manitou de «Touche pas à mon poste» sur C8.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Vincent Bolloré se serait bien passé d’une telle publicité négative. Il aura suffi, jeudi soir, que le jeune député de La France Insoumise (LFI, gauche radicale) prononce le nom du magnat français en direct sur le plateau de «Touche pas à mon poste» de Cyril Hanouna pour que l’un des animateurs les plus regardés de France propulse son émission au sommet du trash télévisuel.

On connaissait Cyril Hanouna le caïd cathodique, qui règne tel un parrain sur les chroniqueurs de «Touche pas à mon poste». On connaissait Hanouna en animateur habile de «Face à Baba», son émission de débat politique à laquelle nous avions consacré un article inquiet après la prestation du ministre de l’Intérieur français, Gérald Darmanin. L’on a redécouvert, jeudi soir, le pire de cet animateur qui a fait de la vulgarité une arme fatale de l’audimat. Altercation presque physique, insultes, volonté évidente de faire taire un jeune élu de la République en lui rappelant sa collaboration passée à l’émission. Et, du côté du jeune député mélenchoniste, volonté évidente d’abuser du clash pour faire le buzz. L’écœurement était au rendez-vous.

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Une catastrophe télévisuelle

Vincent Bolloré d’abord. Pourquoi le propriétaire de la chaîne C8, employeur et associé en affaires de Cyril Hanouna, s’est ainsi retrouvé l’objet d’une catastrophe télévisuelle en direct? L’homme, taillé dans le granit de sa Bretagne catholique, n’aime pas les journalistes, qu’il a pris l’habitude de rudoyer lorsqu’il rachète des médias. Bolloré sait donc qu’il n’a pas la cote, tant avec les médias qu'avec les élus de gauche. Sa chaîne d’information continue CNews a été l’accoucheuse politique d’Eric Zemmour, le candidat d’extrême-droite qui en était le chroniqueur vedette jusqu’à ce qu’il la quitte pour se présenter à la présidentielle (7,3% des voix).

Vincent Bolloré est donc arrivé là, jeudi soir, par ricochet. Louis Boyard, élu à 22 ans député du Val-de-Marne en région parisienne, avait été invité pour parler des migrants de l’Ocean Viking qui ont pu débarquer ce vendredi 11 novembre à Toulon. Rien à voir avec le magnat télévisuel. Sauf que l’élu a choisi le clash. Et que Cyril Hanouna, furieux, a transformé ce clash en neuf minutes de honte télévisuelle.

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Saisie de l’ARCOM

Les images parlent d’elles-mêmes et la saisie de l’Arcom, l’autorité chargée de réguler la télévision en France, devrait leur donner une suite prochaine. D’un côté, un jeune élu brouillon qui profite d’être invité sur ce plateau qu’il connaît par coeur pour lâcher une bombe, accusant Vincent Bolloré, très présent sur le continent noir avec son groupe, d’appauvrir l’Afrique et rappelant à juste titre qu’il fait là-bas l’objet de plusieurs plaintes et poursuites judiciaires. De l’autre côté, un animateur pressé de défendre son patron, qui permet certes à l’élu de parler, mais qui le couvre de menaces et d’insultes mêlées de formules familières en lui rappelant qu’il l’a jadis «nourri» en le rémunérant comme intervenant.

Face à la volonté de clasher en direct du politicien de 22 ans, l’engrenage des menaces, tel un patron ulcéré par un employé. Pas question de débattre sur C8 de l’empire Bolloré. On se pince. Le sujet n’était il est vrai pas celui du débat. Mais il aurait suffi d’une formule pour clore la discussion. Cyril Hanouna a préféré l’escalade et l’humiliation, renvoyant sans cesse son invité à l’argent touché jadis de cet employeur dont il dénonce désormais les actions à l’étranger.

Personne ne parlait plus de l’Ocean Viking

Le sort des migrants de l’Ocean Viking? Personne n’en a vraiment parlé. Ils étaient ce jeudi soir les otages d’une manipulation en bonne et due forme, destinée uniquement à offrir au public une mise en accusation en direct, sorte de lapidation télévisuelle applaudie par les autres chroniqueurs tous pro-Hanouna, dont l’humoriste Jean-Marie Bigard.

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Qu’un député d'une vingtaine d'années cherche bêtement à provoquer, puis perde les pédales au lieu de retenir ses coups et son vocabulaire est un peu triste. Louis Boyard, plus jeune élu de l’Assemblée nationale, a confirmé combien le culte du clash de La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon (lequel avait dans le passé répondu à l’invitation de Cyril Hanouna pour «Face à baba») est devenu toxique. Mais il n'était pas jeudi soir l'agresseur. Il était l'agressé.

Qu’un animateur, devant des millions de téléspectateurs, lapide en revanche en direct un élu qu'il a choisi d'inviter et le traite comme un larbin, affirmant qu’il lui doit tout, prouve combien Cyril Hanouna se complaît dans son rôle détestable de shérif télévisuel. Son tweet final, répétant que ce clash est la preuve que l’on peut tout dire sur son plateau, est un lamentable camouflage. Il ne lui reste plus qu’à faire venir sur le plateau des invités armés. Pour qu’ils s’entretuent en direct.

Proche des milieux catholiques ultra-conservateurs, proche du cardinal guinéen et «papabile» Robert Sarah, Vincent Bolloré est devenu l’entrepreneur de modernes jeux du cirque. Sauf que jeudi soir sur sa chaîne C8, la victime lapidée en direct dans «Touche pas à mon poste» était… l’indispensable respect du débat démocratique.

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