Elle est sans doute la femme la plus haïe de France. Celle que beaucoup soupçonnent d’avoir été bien plus qu’une complice de l’un des tueurs en série les plus cruels de l’histoire du pays: son époux défunt Michel Fourniret, décédé le 10 mai 2021 à l’âge de 79 ans.
Qui est vraiment Monique Olivier, 75 ans, arrivée ce mardi 28 novembre au palais de justice de Nanterre (banlieue ouest de Paris) pour y répondre de l’accusation de «complicité dans l’enlèvement et la séquestration suivis de mort de trois jeunes filles»? Les tribunaux, cette septuagénaire les connaît bien. Aux assises des Ardennes, en 2008, Monique Olivier avait été déclarée coupable de complicité de quatre meurtres commis par son mari, et condamnée à la perpétuité assortie d’une période de sûreté de vingt-huit ans. Dix ans plus tard, aux assises des Yvelines, elle s’est vue infliger vingt ans de réclusion pour complicité, pour un autre meurtre. C’est en prison qu’elle finira de toute façon ses jours.
Son histoire, disséquée depuis des décennies par les policiers, la justice et la presse, est bien plus qu’un engrenage meurtrier. On le comprend en regardant, entre autres, la série documentaire que Netflix lui a consacrée: «L’affaire Fourniret: Dans la tête de Monique Olivier». Affreuse ironie du sort, c’est par une annonce parue en 1987 dans le magazine catholique français «Le Pèlerin», à l’époque où l’internet n’existait pas, que cette ex-secrétaire née à Tours (Indre-et-Loire) rencontre celui qui deviendra son partenaire criminel.
Michel Fourniret est alors détenu à la prison de Fleury-Mérogis. Cet ouvrier de la métallurgie, joueur d’échecs passionné de littérature et ancien commando durant la guerre d’Algérie, purge sa première peine pour une dizaine d’agressions sexuelles. Le couple fatidique s’est trouvé.
Obsédé par la virginité
Lui? «Dominateur et obsédé par la virginité de ses victimes» selon l’accusation. Elle? «Renfermée, têtue et capricieuse, craintive et vulnérable» selon les psychiatres. Le bilan criminel de leur union sera lourd, très lourd: onze meurtres de jeunes femmes, toutes enlevées et la plupart violées. Les trois cas qui valent à Monique Fourniret de retrouver les juges sont ceux de Marie-Angèle Domèce, 18 ans, disparue le 8 juillet 1988 à Auxerre (Yonne); Joanna Parrish, 20 ans, assistante d’anglais dans un lycée voisin enlevée en mai 1990, et Estelle Mouzin, neuf ans, disparue sur le trajet du retour entre l’école et sa maison à Guermantes (Seine-et-Marne), le 9 janvier 2003.
Elle n’a jamais dit non
Le pire, dans le parcours de Monique Olivier, est ce sentiment qu’elle n’a jamais dit non, voire qu’elle a participé à l’identification des cibles. Ses avocats, logiquement, plaident pour que les meurtres commis par son ex-époux (dont elle avait divorcé en détention, en 2010), soient bien séparés des accusations portées contre elle. Rien ne prouve son implication dans les tueries et les viols.
Sauf que… Dès leur première rencontre, en 1987, leurs courriers portent la trace d’un pacte criminel. Lui promet d’éliminer le premier mari de sa nouvelle compagne, demandeuse de vengeance. Elle accepte de l’aider à localiser des «membranes sur pattes»: «C’est avec plaisir que j’exécuterai tes ordres. Je vais travailler auprès de toi» écrivait-elle. L’élément principal en faveur de cette femme manipulée et manipulatrice est qu’elle a été la première à parler. Ce sont ses aveux qui ont conduit Michel Fourniret à reconnaître plusieurs crimes que la police ne parvenait pas à élucider et à lui attribuer. En particulier les cas examinés par le tribunal de Nanterre de Marie-Angèle Domèce et Joanna Parrish.
L’affaire Estelle Mouzin
Une bonne partie du procès qui durera jusqu’au 22 décembre portera sur la dernière affaire, celle qui continue d’émouvoir la France car elle s’est déroulée voici juste vingt ans. Estelle Mouzin est la onzième et dernière victime de Michel Fourniret. Elle revenait de l’école le 9 janvier 2003 lorsque celui-ci l’a kidnappé, alors qu’il se trouvait en liberté après plusieurs années de détention.
Pendant longtemps, celui-ci affirmera avoir un alibi, car il avait téléphoné ce jour-là à son fils pour lui souhaiter un bon anniversaire. Il faudra attendre 2019 pour que l’étau policier se referme, suite aux aveux de Monique Olivier. Le 23 janvier 2020, le tueur reconnaît avoir tué la petite fille, même s’il affirme que «sa mémoire défaille». Il décédera un an et demi plus tard de maladie, à l’hôpital.
Pour les parents des victimes, et notamment ceux d’Estelle Mouzin, l’ex-épouse était bien plus qu’une accompagnatrice d’un tueur en série. Selon eux «sa présence rassurante faisait partie du stratagème», pour amener les victimes «à monter à bord du véhicule» de Michel Fourniret. Monique Olivier «aidait aussi aux repérages».
L’enjeu de ce procès, outre la nécessité de confirmer le rôle exact qu’a joué cette femme prise dans l’engrenage de l’horreur, est de lever le voile sur ce qui reste comme la plus affreuse blessure pour les parties civiles.
A ce jour, ni le corps d’Estelle, ni celui de Marie Angèle, n’ont pu être retrouvés.