Les Insoumises Mathilde Panot et Rima Hassan sont arrivées mardi matin dans les locaux de la police judiciaire parisienne pour être entendues dans le cadre d'enquêtes pour «apologie du terrorisme» après des propos liés à la guerre au Proche-Orient, des convocations qualifiées de «censure» par La France insoumise.
Plusieurs centaines de personnes s'étaient auparavant regroupées en soutien aux deux femmes près du siège de la PJ. Notre convocation atteste d'une «fuite en avant sans précédent», a dénoncé Mathilde Panot lors d'une courte prise de parole en marge du rassemblement.
«Dans quelle démocratie les méthodes de l'antiterrorisme sont-elles utilisées contre des militants politiques, des militants associatifs ou des syndicalistes?», a-t-elle lancé, devant ses partisans qui scandaient «Résistance» et agitaient des drapeaux palestiniens, insoumis ou sud-africains.
Un communiqué le 7 octobre au coeur de l'enquête
La cheffe des députés LFI est entendue sur un communiqué publié par son groupe parlementaire le 7 octobre, le jour où le Hamas a mené une attaque sans précédent contre Israël. Ce texte avait suscité la polémique car il mettait notamment en parallèle l'attaque du mouvement islamiste, décrite comme «une offensive armée de forces palestiniennes», et «l'intensification de la politique d'occupation israélienne» dans les territoires palestiniens.
La militante franco-palestinienne Rima Hassan, septième sur la liste LFI de Manon Aubry aux élections européennes du 9 juin, est, elle, convoquée pour des propos tenus entre le 5 novembre et le 1er décembre. «Je veux dire aux organisations de lobbyistes pro-Israéliens derrière ces plaintes qu'ils ne nous feront pas taire», a-t-elle déclaré, avant de citer l'avocate et militante féministe Gisèle Halimi: «Le monde n'a-t-il pas espéré que la Shoah marquerait la fin définitive de la barbarie?»
Rima Hassan, juriste de 32 ans, a été notamment critiquée pour avoir dit, dans une interview accordée fin novembre au média Le Crayon, qu'il était «vrai» que le Hamas mène une action légitime. L'intéressée dénonce un montage trompeur de sa réponse. Dans un communiqué commun publié avec elle lundi soir, Le Crayon indique avoir remis «l'intégralité de cet entretien» à la candidate «afin qu'elle puisse s'en prévaloir dans le cadre exclusif des actions judiciaires qu'elle aura à mener».
Les Insoumis dénoncent une «dérive autoritaire»
Les Insoumis, qui qualifient de «génocide» la situation à Gaza et ont fait de la défense de la cause palestinienne le grand axe de leur campagne, dénoncent une «dérive autoritaire», «des actes d'intimidation» et une instrumentalisation de la justice pour faire taire les voix pro-palestiniennes. Dans leur viseur également, la double annulation il y a une dizaine de jours d'une conférence que Rima Hassan et Jean-Luc Mélenchon devaient donner à Lille sur la situation au Proche-Orient.
Ils fustigent aussi la plainte pour «injure publique» annoncée par la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau contre leur ancien candidat à la présidentielle, qui avait dressé un parallèle entre le président de l'université de Lille et le nazi Adolf Eichmann après l'annulation de sa conférence.
«Une candidate est convoquée à la police pour ses idées. La démocratie française est gravement fracturée. Le monde nous regarde sidéré», a réagi mardi sur X Jean-Luc Mélenchon.
«En démocratie, on serait tous très inspirés de ne pas commenter, de ne pas faire de pressions sur les magistrats (...). Ca vaut pour tout le monde, ça vaut donc aussi pour les dirigeants de La France insoumise», déclarait au même moment le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin en déplacement au siège d'Aéroports de Paris dans le cadre des JO.
«Au-delà de la cause palestinienne, il s'agit de défendre la liberté d'expression»
De nombreux députés de La France insoumise, de François Ruffin à Louis Boyard, étaient présents au rassemblement mardi. D'autres figures de gauche, comme la députée écologiste Sandrine Rousseau ou l'ancien candidat du NPA à l'élection présidentielle Olivier Besancenot, avaient également répondu à l'appel.
«Je suis venue soutenir Rima et Mathilde qui sont censurées alors qu'elles veulent défendre la paix et la justice. Au-delà de la cause palestinienne, il s'agit de défendre la liberté d'expression», a indiqué à l'AFP Anne Guillemin, une militante insoumise de 36 ans.
Depuis le 7 octobre, le nombre de signalements et plaintes pour «apologie du terrorisme» a explosé: au parquet de Paris, qui gère la majorité de ces affaires, on compte 386 saisines à ce jour en lien avec ce conflit. Sur le sujet «très sensible» de la guerre opposant Israël au mouvement islamiste palestinien, objet de polémiques à répétition en France, une enquête est quasiment systématiquement ouverte, et les personnes visées auditionnées par la police, explique à l'AFP une source judiciaire. Elle insiste sur le fait qu'une convocation ne présume en rien de la culpabilité.
(AFP)