La mobilisation pro-palestinienne se poursuit vendredi à Sciences Po Paris avec l'occupation et le blocage de locaux historiques par des étudiants dont les revendications font écho aux contestations qui agitent certains prestigieux campus américains.
Quelques dizaines d'étudiants du comité Palestine de Sciences Po ont occupé dans la nuit de jeudi à vendredi les locaux, rue Saint-Guillaume, au cœur du huppé 7e arrondissement. Mercredi soir, une dizaine de tentes avaient été installées dans la cour d'un autre bâtiment, avant que la police ne vienne déloger les étudiants favorables à la cause palestinienne.
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Soutien de Rima Hassan
Keffiehs sur la tête, drapeaux palestiniens accrochés aux balustrades, slogans fustigeant Israël, plusieurs dizaines étudiants bloquaient encore vendredi en début d'après-midi dans et en dehors le bâtiment nouvellement occupé. Ils ont reçu le soutien de plusieurs figures de LFI dont la militante franco-palestinienne Rima Hassan, candidate sur la liste «insoumise» pour les élections européennes.
«Ces étudiants sont en train véritablement de porter l'honneur de la France», a déclaré à la presse, Rima Hassan reprenant peu ou prou les propos du leader insoumis Jean-Luc Mélenchon qui a adressé un message audio de soutien aux manifestants.
«Le débat, oui. Le blocage, non»
La direction, qui chiffre à une soixantaine le nombre d'occupants du principal bâtiment, a décidé de fermer plusieurs locaux de son campus parisien. Elle «condamne fermement ces actions étudiantes». La direction, à qui une partie de la communauté éducative reproche d'avoir laissé les forces de l'ordre intervenir sur le campus, a organisé une rencontre avec des représentants des étudiants vendredi matin.
«Le débat, oui. Le blocage, non», a déploré la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau sur BFMTV qui a tiré à boulets rouges sur le rôle joué par LFI dans la mobilisation. Fustigeant «le jeu dangereux» de LFI à des «fins électorales», elle a accusé les leaders du mouvement d'être des «irresponsables» faisant la promotion de «l'anarchie» sur les campus.
Le comité Palestine revendique lui «la condamnation claire des agissements d'Israël par Sciences Po» et «la fin des collaborations» avec toutes «les institutions ou entités» jugées complices «de l'oppression systémique du peuple palestinien». Il demande en outre l'arrêt de «la répression des voix propalestiniennes sur le campus». Comme aux Etats-Unis où la mobilisation d'étudiants pro-Gaza enflamme le débat politique, le militantisme des étudiants pro-Gaza à Sciences Po est accusé d'alimenter l'antisémitisme sur le campus.
«Peser un climat de terreur intellectuelle»
«Qu'on fasse preuve de solidarité à l'égard des Palestiniens, qu'on montre le rejet des crimes qui sont commis à Gaza, c'est naturel, c'est même digne et noble», a jugé Raphaël Glucksmann, tête de liste du Parti socialiste et de Place publique aux européennes, sur BFMTV.
«Après, dans quelle atmosphère on le fait? (...) Est-ce qu'on est capable d'organiser des discussions avec ceux qui ne partagent pas le point de vue? Et jusqu'ici, jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas le cas. Donc on a un problème et la direction de Sciences Po a le droit de décider d'évacuer», a complété Raphaël Glucksmann.
Pour le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, Yonathan Arfi, qui s'exprimait sur LCI, «il n'y a rien de massif» mais «ça fonctionne, ça prend en otage le campus entier, ça empêche la liberté académique et fait peser un climat de terreur intellectuelle sur une partie des étudiants juifs».
«On n'a rien contre les étudiants de confession juive, il y a des étudiants juifs qui militent avec nous», a plaidé Hubert Launois, 19 ans, étudiant en deuxième année et membre du comité Palestine. «Ce qui nous pose problème, c'est la politique coloniale et génocidaire du gouvernement d'extrême droite israélien», a-t-il ajouté.
«Trouver un moyen d'apaiser le dialogue»
Nouvel élan ou chant du cygne alors que ce vendredi marque, pour une majorité des élèves, la fin des cours et le début des révisions des examens? «On sait aussi que c'est la fin de l'année. On ne veut pas que ce mouvement meure», a résumé une étudiante de 21 ans, mobilisée, qui n'a pas souhaité donner son nom.
«Les revendications sont légitimes» mais «le blocus reste assez radical comme mode d'action», a observé un autre étudiant. «Il faut trouver un moyen d'apaiser le dialogue (...). La plupart des étudiants ont en tête la fin de l'année.»
(AFP)