Emmanuel Macron est en campagne électorale. La dernière comme président de la République, puisqu’il ne peut pas se représenter pour un troisième mandat en 2027. Mais cette campagne-là est décisive: elle décidera de son héritage politique.
Parviendra-t-il, lui le président des réformes, proeuropéen assumé, à enrayer la progression du Rassemblement national et de ses thèses nationales populistes, donné largement gagné aux élections européennes du 9 juin 2024? Parviendra-t-il surtout à laisser derrière lui un autre bilan que celui de réformes réelles, mais imposées à la hussarde en brutalisant le Parlement et le pays? Voilà l’enjeu. Et pour cela, Macron n’a qu’une carte qu’il a choisie d’abattre avec ce nouveau Premier ministre et ce nouveau gouvernement: le combat. Sans merci.
Virement à droite
Pas étonnant que le Chef de l’État venu de la gauche sociale-démocrate et mis politiquement en selle par l’ancien président François Hollande, vire aujourd’hui à droite toute, sous l’influence d’un autre ex-locataire de l’Élysée: Nicolas Sarkozy. Emmanuel Macron a compris que son pari politique du «en même temps» était perdu.
Les lignes d’affrontement droite-gauche sont revenues au galop durant sa présidence. Ses réformes, justifiées pour redonner de l’attractivité économique à la France, font socialement mal dans un pays drogué à l’État providence. Sa réputation de «président des riches», justifiée au regard de ses concessions aux grands patrons et aux grandes fortunes, l’a coupé de la classe moyenne dont le cœur bat à gauche.
Alors, place au pragmatisme impitoyable. Le seul espace disponible politiquement, pour bloquer la progression du RN et regagner des électeurs en demande d’autorité, est le champ de la droite. Sarkozy lui servira de guide sur ces terres-là. Macron ne veut que des résultats.
Attal, le communicant
Le paradoxe est que pour y parvenir, le président a choisi celui qui, en apparence, est le moins taillé pour cette mission. A 34 ans, Gabriel Attal, bien que populaire, paraît bien frêle et inexpérimenté. Il vient en plus du parti socialiste. Il était jusque-là perçu comme un macroniste de gauche. Erreur. Ce n’est pas ce Gabriel Attal – là que Macron a choisi. C’est le Attal courtisé par les médias, champion de la communication, politiquement plastique. Le fils d’une grande famille bourgeoise très compatible avec la droite.
Le reste du gouvernement répond à la même logique. Les «maréchaux» comme Bruno Le Maire (Finances) ou Gérald Darmanin (Intérieur) ne sont pas confortés. Ils restent, mais avec quand même le couteau présidentiel sous la gorge. A tout moment, Macron peut s’en séparer. Ils le savent. Lui a besoin d’eux. Il les gérera en direct. Avec, comme cheffe de l’offensive dans l’opinion de droite, la nouvelle ministre de la Culture Rachida Dati, aussi mondaine que brutale. Le Macronisme de 2024 est celui des «tontons flingueurs».
Macron, les résultats
Emmanuel Macron veut des résultats. Alors, il mise sur les deux seuls instruments qu’il maîtrise assez bien: le coup d’éclat permanent et le coup de comm permanent. Il surprend. Il débauche. Il recompose. Il revient à son idée d’origine comme celle de faire entrer au gouvernement Catherine Vautrin (santé), l’ancienne porte-parole de Sarkozy dont il voulait faire sa première ministre en 2022.
Il ligote son premier ministre en faisant ce qui n’a jamais été fait: nommer l’ex conjoint de ce dernier, Stéphane Séjourné, au ministère des Affaires étrangères. Il ne s’agit plus de réformer le pays. La réforme des retraites et la loi sur l’immigration ont été adoptées. Il s’agit de convaincre une majorité d’électeurs, par tous les moyens, que le pays a changé et qu’il faut en tirer les conséquences.
Un tremplin
Le tandem Macron-Attal compte sur un tremplin: les prochains Jeux Olympiques, vitrine mondialisée pour la France. Tout sera conçu, jugé, évalué en termes de communication massive. Terrible? Pas sûr. Réaliste surtout.
Dans un pays assommé par les questions de pouvoir d’achat et fracturé sur l’immigration, le président et son premier ministre misent sur la fuite en avant et sur le mouvement. Il manque, rappelons-le, une quarantaine de députés à Emmanuel Macron pour obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Imaginez une dissolution de celle-ci après des JO couronnés de succès, et un retournement électoral en sa faveur? Personne n’y croit, sans doute à juste titre. Mais lui n’a pas abdiqué. Le coup d’éclat permanent est ce qui reste à ce président bonapartiste, de fibre autoritaire, et sans autre attache politique que sa propre histoire et son propre succès.