Bardella et Le Pen vainqueurs
Emmanuel Macron est dos au mur face au RN victorieux

Le Rassemblement national sort net vainqueur du premier tour des législatives anticipées avec 33,13% des voix. Emmanuel Macron se retrouve le dos au mur. Son camp est battu. Le premier ministre Gabriel Attal lance un appel à faire barrage au RN. La gauche veut résister.
Publié: 30.06.2024 à 19:25 heures
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Dernière mise à jour: 01.07.2024 à 08:00 heures
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Le président de la République a voté au Touquet dans le nord de la France.
Photo: AFP

Emmanuel Macron est le dos au mur. Le Rassemblement national (RN) sort net vainqueur du premier tour des législatives anticipées avec 33,13%, fort de douze millions de voix et de 40 députés réélus dès le premier tour, soit la moitié du groupe RN sortant de 88 élus. L’avenir politique de la France se résume aujourd’hui à une question: le barrage anti RN peut-il encore fonctionner? Le Nouveau Front Populaire (union de la gauche) arrive second avec 28% et le bloc central macroniste plafonne à 20%. Le détail de ces résultats est à suivre dans notre live.

Le RN obtient un record historique de suffrages aux législatives. L’alliance avec une partie de la droite traditionnelle conduite par le président des «Républicains» Éric Ciotti a payé. Le RN pourrait dans une semaine engranger la majorité absolue des 289 sièges de députés, même si les projections disponibles lui donnent plutôt entre 260 et 280 sièges.


A ce stade, le parti de Marine Le Pen pourrait donc rater de quelques sièges la domination sans partage de l’Assemblée nationale. Le leadership du Nouveau Front Populaire a aussitôt annoncé un désistement systématique de tous ses candidats arrivés en troisième position pour empêcher une victoire du RN. Le camp présidentiel a été moins clair. Les désistements se feront au cas pas cas, au profit de candidats «républicains et démocrates» afin de faire «barrage aux extrêmes», ce qui inclut La France Insoumise (LFI), le parti de Jean-Luc Mélenchon.

La dynamique RN plus forte que jamais

C’est à la suite de la victoire du parti national-populiste aux Européennes que le président français avait décidé de dissoudre l’Assemblée. Or sa dissolution n’a en rien stoppé sa dynamique. Au contraire. Plus que jamais positionnée en force pour la prochaine présidentielle de mai 2027, Marine Le Pen, réélue au premier tour à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) a aussitôt lancé un appel pour le second tour du 7 juillet. «Il faut donner à Jordan Bardella une majorité absolue» a-t-elle répété. L’intéressé s’est dit pour sa part résolu à devenir un premier ministre de cohabitation, respectueux des prérogatives du chef de l’Etat, mais «intransigeant» sur la politique à suivre. La confrontation est annoncée si le Rassemblement national obtient une majorité absolue de sièges. Éric Ciotti, le président sortant des «Républicains» (droite traditionnelle), allié du RN, a jugé son pari «gagné», se tournant vers ses amis conservateurs pour les exhorter «à le rejoindre».

Preuve de ce moment historique qu’Emmanuel Macron a salué comme «un choix démocratique», la participation électorale a été très forte: elle atteint près de 65,8%, un record. Près de sept électeurs sur dix se sont rendus aux urnes. Il y avait 2,6 millions de procurations. La France compte 49,5 millions d’électeurs. La question centrale est désormais de savoir à quoi va ressembler la bataille de l’entre-deux-tours. Les candidats qualifiés pour ce second round (s’ils ont obtenu au moins 12,5% des inscrits) ont jusqu’à mardi à 18 heures pour décider de se maintenir ou de se désister. Le nombre des «triangulaires» au second tour en dépendra. Le gouvernement se réunira ce lundi soir autour d’Emmanuel Macron dont la seule prise de parole a pris la forme d’un communiqué à l’AFP.

Le Premier ministre Gabriel Attal, quasi assuré de quitter son poste à court terme, arrive en tête dans sa circonscription. Il a demandé à ce que «pas une voix ne soit donnée à l’extrême-droite par les partisans du camp présidentiel». Il a continué de préconiser une majorité alternative au RN sans en donner les contours, et sans demander à ses candidats de se désister pour La France Insoumise, si celle-ci est arrivée en tête. Une stratégie délicate, voire impossible, alors que la coalition macroniste sort laminée de ce premier tour, et donc mal en point pour orchestrer une contre-offensive.

30% pour la gauche unie

Le Nouveau Front populaire, soir l’alliance électorale de la gauche, obtient pour sa part entre 28%, ce qui témoigne d’une vraie remontée de ce camp politique. La preuve: le fondateur de La France Insoumise (LFI, gauche radicale) Jean-Luc Mélenchon a très vite pris la parole, estimant que «le vote massif a déjoué le piège tendu par cette dissolution». Le tribun insoumis a tout de suite enterré Gabriel Attal «qui ne sera plus Premier ministre». Il a promis le retrait des candidats de son parti qui se retrouveraient en troisième position dans une triangulaire.

Selon les chiffres disponibles à 21 heures, il y aurait entre 230 à 260 «triangulaires» impliquant des candidats du Nouveau Front populaire. Les projections en sièges donnent à LFI entre 58 et 75 sièges, tandis que le PS en obtiendrait entre 33 et 43, et les écologistes entre 28 et 38. Une première manifestation anti RN a eu lieu dimanche soir place de la République à Paris. «On y croit. Il reste une chance si on parvient à rassembler même les électeurs qui ne sont pas de gauche» scandaient les militants présents. Plusieurs ténors du NFP sont réélus dès le premier tour comme la patronne du groupe sortant LFI à l'Assemblée Mathilde Panot, ou le député sortant Alexis Corbière que le parti refusait de soutenir. Le premier secrétaire du PS Olivier Faure passe la rampe. En revanche, l'outsider de LFI François Ruffin, en rupture avec Jean Luc Mélenchon, est en difficulté dans la Somme. L'ancien président sdocialiste François Hollande est en tête en Corrèze. 

Macron à terre

Le camp d'Emmanuel Macron sort grand battu. La défaite et l’échec du pari électoral présidentiel sont indéniables. La coalition «Ensemble» plafonne à 20%, un chiffre conforme à celui des sondages, mais incapable de placer le bloc macroniste en position de former le prochain gouvernement, sauf si une très large coalition incluait la gauche radicale. «Le bloc macroniste est pratiquement effacé» a asséné Marine Le Pen dans son intervention. La question est maintenant de savoir ce que le président de la République va faire, et ce que signifie «le large rassemblement démocratique et républicain» qu’il a appelé de ses vœux dans son communiqué à l’Agence France-Presse. Preuve du désarroi du camp présidentiel: le siège du parti Renaissance était désert dimanche soir. Le gouvernement de Gabriel Attal devrait rester en fonction jusqu’au second tour.

Le dégagisme a parlé

Tout va dépendre à présent de la carte électorale, de la projection en sièges et des sept jours de campagne à venir. Il faut 289 sièges de député sur 577 pour obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Pour l’ancien sénateur macroniste André Gattolin, expert en sondages et études électorales, le verdict risque est très clair et il sera très compliqué à gérer pour l’Élysée. «Après le tsunami politique provoqué par Macron en 2017, les eaux se sont retirées, le paysage de la France retrouve ses reliefs les plus extrêmes après avoir dévasté les vallées et les rivages. Au jeu de la triangulation politique, le centre n’en ressort que rarement gagnant. Le scrutin majoritaire a deux tours a imposé sa loi. Avoir renoncé à le réformer (l’introduction de la proportionnelle avait été proposée, puis abandonnée) a été un facteur amplificateur du dégagisme ambiant et persistant.».

Emmanuel Macron a perdu la France qu’il avait conquise il y a sept ans, en 2017.

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