Avec Witkoff à Paris
Engueuler Macron et le faire céder: le plan de Rubio à l'Elysée

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio et l'émissaire de Donald Trump Steve Witkoff sont à Paris où ils vont rencontrer Emmanuel Macron. Pour lui forcer la main et l'obliger à abandonner ses exigences européennes?
Publié: 17.04.2025 à 12:00 heures
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Dernière mise à jour: 17.04.2025 à 12:02 heures
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Steve Witkoff est l'émissaire spécial de Donald Trump pour les négociations avec Vladimir Poutine.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Emmanuel Macron peut croire qu’il est au centre du jeu diplomatique mondial. L’escale à Paris, ce jeudi 17 avril, du secrétaire d’Etat américain Marco Rubio et de l’émissaire spécial de Donald Trump Steve Witkoff prouve que la France joue un rôle clef dans les discussions internationales en cours, en particulier sur l’Ukraine. Mais l’inverse est aussi possible…


L’inverse? Une escale parisienne pour forcer la main à un président français moins fort qu’il ne le pense. Objectif: lui faire abandonner les deux idées qui fâchent le plus à Washington, à savoir la volonté d’envoyer une force européenne de «réassurance» en Ukraine après un cessez-le-feu, et la possibilité de voir la France reconnaître l’Etat palestinien en juin.

Engueulade parisienne?

Va-t-on vers une engueulade parisienne entre Marco Rubio, Steve Witkoff et Emmanuel Macron, dont le second mandat présidentiel s’achève en mai 2027? Pas impossible. Car Paris joue pour le moment le rôle du caillou dans la chaussure de Donald Trump, même si ce dernier a reçu le chef de l’Etat français à la Maison Blanche le 25 février. Vladimir Poutine a en effet répété à plusieurs reprises son refus net de voir des troupes de pays de l’OTAN (l’Alliance atlantique) stationner en Ukraine après une trêve. Il l'aurait répété à Steve Witkoff lors de leur entrevue à Saint Petersbourg le 11 avril. Tandis que du côté israélien, la colère du Premier ministre Benyamin Netanyahou a explosé après l’évocation d’une possible reconnaissance de la Palestine par Paris, à l’issue du voyage d’Emmanuel Macron en Egypte le 7 avril.


Les deux interlocuteurs américains du président français disposent de plusieurs leviers pour espérer un changement de position d’Emmanuel Macron.

Poutine, maître du jeu?

Le premier est le contenu de leurs discussions avec Vladimir Poutine. Pour l’heure, le président russe continue de bombarder l’Ukraine où ses missiles font de nombreuses victimes civiles. On l'a encore vu à Soumy où 34 personnes ont trouvé la mort le 11 avril. Mais qu’a-t-il promis dans les coulisses? Est-il prêt à davantage de concessions si la proposition d’une force européenne, sous une forme ou une autre, est abandonnée? Ce sera l’épreuve de vérité diplomatique, dont une partie restera secrète.

Deuxième levier pour Rubio et Witkoff: la cessation de l’aide militaire et de renseignement apportée par les Etats-Unis à Kiev. Les Européens ne sont pas actuellement prêts à remplacer cette aide décisive. C'est leur talon d'Achille. La menace d’un écroulement du front ukrainien est donc sérieuse si la coopération militaire avec les Etats-Unis est arrêtée. Pour la France et l’Union européenne confrontée aux difficultés économiques engendrées par la guerre commerciale de Trump, ce serait une très mauvaise nouvelle. Le départ inattendu pour Washington du ministre français de la Défense Sébastien Lecornu, ce 17 avril, afin d'y rencontrer son homologue américain Pete Hegseth, est peut-être lié.

Israël, le front du refus

Troisième levier sur un autre terrain: celui du Proche-Orient. Là, il ne s’agit pas de paix. Emmanuel Macron veut en effet entraver le plan américain et israélien d’expulsion pure et simple des deux millions de Palestiniens enfermés à Gaza. Donald Trump a revendiqué ce qui s’apparente, ni plus ni moins, à un nettoyage ethnique. On peut dès lors imaginer la dureté des propos que tiendront Rubio et Witkoff à l’Elysée. Pas question de voir la France faire dérailler le «plan Gaza» de l’administration Trump qui rêve toujours de transformer l'enclave assiégée et bombardée en future «riviera».

Emmanuel Macron dispose pour sa part de solides arguments, et il peut miser sur la solidarité européenne vis-à-vis de l’Ukraine. Ce 17 avril, la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, fervente alliée de l'Ukraine, sera simultanément reçue par Donald Trump à la Maison Blanche. Sur Israël et Gaza, la donne est en revanche beaucoup plus compliquée. Et ce alors, que le département d'Etat envisage, dans le cadre des restrictions budgétaires de Trump, la fermeture de cinq consulats américains en France: Bordeaux, Lyon, Marseille, Rennes, et Strasbourg.

A l’Elysée, le match diplomatique s’annonce serré.

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