Qui a tort? Qui dit la vérité? Le prince Albert II a en tout cas dû faire ce qu’il déteste, après la publication du premier épisode de la série consacrée par le quotidien français «Le Monde» aux dessous financiers opaques de sa principauté. Dans une lettre transmise par son avocat, le souverain de cet État de 36'800 habitants accuse l’homme par qui le scandale arrive de l’avoir trompé et de mentir sur les transactions dévoilées dans «Le Monde» par les enquêteurs Gérard Davet et Fabrice Lhomme, connus pour leurs livres sulfureux sur François Hollande, Nicolas Sarkozy ou Emmanuel Macron.
«Les attaques portées contre ma personne, contre l’État monégasque et ses institutions démontrent sa vraie nature et le peu de respect qu’il porte en réalité à la famille princière et à la Principauté» écrit le prince Albert II au sujet de la source des deux journalistes: son ancien comptable et conseiller financier Claude Palmero.
A lire aussi sur la France
Le récit publié par le quotidien est haletant. Il révèle surtout ce que la famille princière s’emploie depuis des décennies à cacher, dans ce paradis fiscal de la Côte d'Azur surnommé «le Rocher», puisqu’il est accroché à la montagne, face à la mer Méditerranée. «Le Monde n’y va pas par quatre chemins: Monaco a beaucoup à se reprocher et cet homme sait tout, ou presque sur ses dessous sales.
«Claude Palmero connaît tout de Monaco et de ses arrangements entre milliardaires écrivent les journalistes. Il en sait beaucoup, surtout, sur la famille régnante, sur le prince Albert II, sur son épouse, Charlène, et sur les deux sœurs du souverain, les princesses Caroline et Stéphanie. Tant d’années à être le bras droit d’Albert, à distribuer des subsides, à surveiller les projets immobiliers, mais aussi, avec l’assentiment d’un souverain pourvu d’une parfaite impunité judiciaire, à se renseigner sur les juges ou les journalistes, à payer en liquide des informateurs, à arbitrer les disputes familiales, à monter des sociétés offshore, à gérer les comptes en Suisse ou à éviter le fisc français… Autant de pratiques consignées dans les cahiers secrets du comptable, dont la révélation risque d’écorner sérieusement l’image de la Principauté au moment où Moneyval, l’organe antiblanchiment du Conseil de l’Europe, s’apprête à rendre un rapport sur Monaco».
Possible scandale financier
Blick peut confirmer que depuis des mois, le ministère français des Finances s’inquiète d’un possible scandale financier monégasque. Plusieurs personnalités françaises employées un temps par la principauté, en charge des questions de blanchiment, ont constaté la fébrilité de la famille royale et du prince Albert II, connu pour être proche de plusieurs oligarques russes, dont Dmitry Rybolovlev, propriétaire du club de foot de l’AS Monaco, qu’il envisagerait de céder selon la presse sportive. Car le scandale est bien là: sous les yeux des lecteurs du «Monde».
On connaissait la terrible guerre de clans que se livrent, dans la principauté, les différentes branches de la famille Pastor, incontournable dynastie immobilière. L’on savait que l’immense chantier Mareterra en cours d’achèvement – qui fera gagner six hectares à Monaco sur la mer Méditerranée en prolongation du littoral – alimente les spéculations les plus folles sur les commissions empochées et la corruption ambiante.
Mais là, tout est annoté, écrit, commenté dans les carnets de l’ex-comptable d’Albert II, licencié le 6 juin 2023 et expulsé manu-militari de son bureau, au palais princier. Y compris sur les vies cachées du monarque.
Enfants illégitimes
«Le nouveau souverain a eu deux enfants illégitimes: Jazmin Grace Grimaldi, née en 1992, dont la maman, Tamara Rotolo, est une ancienne serveuse de bar; Alexandre Coste Grimaldi, né en 2003, ayant pour mère une ex-hôtesse de l’air, Nicole Coste. Une procédure de reconnaissance de paternité, alors en cours aux États-Unis, où vit Jazmin Grace, empêche Albert II de se rendre en Californie.
Des accords juridiques sont passés, au prix de longues négociations, surtout financières: les deux enfants ne pourront prétendre à la couronne, mais ils obtiennent d’être officiellement reconnus, en 2005 et en 2006, par leur père biologique, et d’être associés à son héritage». Dur à accepter pour Caroline et Stéphanie, les deux sœurs d’Albert II, et pour sa femme Charlène.
Puit sans fond
La légende monégasque, construite après la guerre par le prince Rainier avec son épouse américaine Grace kelly, star de Hollywood, est fissurée. «La «pagaille» semble régner au cœur du palais princier écrit Le Monde: un «sac de pièces d’or» a été découvert dans l’armoire de la princesse Grace, l’épouse de Rainier III, morte en 1982. En octobre 2012, c’est Pierre Casiraghi, le deuxième fils de Caroline, qui préoccupe Palmero: «Son activité dans le BTP va poser des problèmes. Il est très ambitieux. Attention.»
Tout est à l’avenant. Tout n’est que luxe, jalousies, gros sous et volupté: «Le sujet des dotations de Caroline, Stéphanie et Charlène est hypersensible: ces sommes, en constante augmentation au fil des années, permettent aux trois princesses de gérer leur quotidien.
Ainsi, début 2016, il est décidé, à en croire les cahiers Palmero, que la dotation de Charlène sera augmentée de 250'000 euros, contre 175'000 pour Caroline et 140'000 pour Stéphanie. Car Albert a établi une hiérarchie. Selon nos informations, en 2023, la dotation globale annuelle de son épouse était proche de 1,5 million d’euros, celle accordée à Caroline de plus de 900'000 euros, Stéphanie devant se «contenter» d’environ 800'000 euros. Le budget princier semble être un puits sans fond.
D’où vient cet argent?
Une question n’est pas encore posée dans les deux premiers volets de l’enquête du Monde: d’où vient cet argent? Qui finance le train de vie de la famille princière, dans cet État où les immenses fortunes ne sont pas taxées?» Ce n'est pas pour rien que les banques privées suisses sont très présentes à Monaco. L’argent circule aussi entre la principauté et Dubaï. Qui paye? Qui recycle? Qui finance? Les deux autres épisodes de la série du Monde sur les dessous sales de Monaco nous le diront sans doute.