Marine Le Pen est de retour à la barre, cette fois en tant qu'ancienne cheffe du Front national. Après un mois de procès, elle devra s'expliquer mardi lors d'un dernier interrogatoire sur le «système» mis en place, selon l'accusation, pour rémunérer des salariés du parti avec l'argent du Parlement européen.
Interrogatoire après interrogatoire, contrat par contrat, le tribunal correctionnel de Paris dissèque depuis l'ouverture de l'audience le 30 septembre ce fameux «système» – le mot met Marine Le Pen hors d'elle – qui aurait permis au Rassemblement national (ex-FN) de «soulager les finances». Les faits se seraient déroulés entre 2004 et 2016.
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Selon l'accusation, le FN utilisait les enveloppes (21'000 euros par mois) auxquelles les eurodéputés avaient le droit, pour payer des assistants parlementaires «fictifs» travaillant en réalité pour le parti. Pendant son premier interrogatoire mi-octobre, Marine Le Pen a juré que les assistants parlementaires qu'elle avait embauché en tant que députée européenne avaient bien travaillé pour elle.
Marine Le Pen dit ne rien avoir commis «d'illégal»
L'actuelle présidente du RN a martelé ne rien avoir commis d'"illégal». Les huit autres ex-eurodéputés frontistes et douze de leurs assistants parlementaires, jugés à ses côtés pour détournement de fonds publics et recel de ce délit, en ont fait de même.
La triple candidate à la présidentielle va désormais être interrogée sous sa deuxième «casquette», présidente du parti, dont elle avait pris la tête après son père Jean-Marie Le Pen en 2011, pour répondre cette fois de complicité de détournement de fonds publics. Celle qui était «l'une des principales responsables du système», selon les enquêteurs, a pour l'heure soutenu à la barre avoir «suggéré» – mais «jamais imposé» – d'assistant parlementaire à personne.
De loin la plus assidue aux audiences – elle y était jusqu'à 22H45 lundi soir – Marine Le Pen y ronge son frein. Ce faisant, elle n'a cessé de commenter de «ridicule», «lunaire» les questions du tribunal ou du parquet à chacun des prévenus sur ces tableaux ou mails demandant de «déplacer», «transférer» tel assistant parlementaire «sur» tel eurodéputé, pour «vider» les fonds disponibles sur les enveloppes de chaque député.
Peines de prison et d'inéligibilité encourrues
«Moi j'analyse un budget, je ne sais pas qui sont les assistants parlementaires et ce qu'ils font. Si ma patronne me dit de faire quelque chose...», disait lundi Charles Van Houtte. Ce dernier est considéré par l'accusation comme la «cheville ouvrière» du système de «gestion centralisé».
Marine Le Pen, qui encourt une peine de prison, une grosse amende et surtout une peine d'inéligibilité pouvant entraver ses ambitions présidentielles, devrait notamment être interrogée sur deux réunions à l'été 2014, à Bruxelles puis à Strasbourg. Elle y aurait selon plusieurs témoignages annoncé aux nouveaux députés européens qu'ils n'auraient le droit qu'à un seul assistant parlementaire, et que le reste de leur enveloppe serait pour le Front national.
«Ce que Marine (Le Pen) nous demande équivaut à ce qu'on signe pour des emplois fictifs... et c'est le député qui est responsable pénalement sur ses deniers même si c'est le parti qui en est bénéficiaire», écrivait peu après un eurodéputé réfractaire au trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just. «Je comprends les raisons de Marine, mais on va se faire allumer car on regardera, c'est sûr, nos utilisations à la loupe avec un groupe si important» (23 députés contre 3 auparavant), disait-il aussi.
«Je crois qu'elle sait»
«Je crois bien que Marine sait tout cela...», avait répondu Wallerand de Saint Just – qui a commencé à être interrogé lundi soir, et dont l'interrogatoire doit se poursuivre mardi, avant celui de Marine Le Pen.»Quelles sont vos observations sur ce mail?», lui a demandé lundi la présidente Bénédicte de Perthuis.
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«Je me dis 'qu'est-ce que c'est que cette histoire, qu'est-ce qu'il me raconte'. Je lui réponds sept mots qui sont en fait la démonstration – je vais être grossier – qu'il m'emmerde, et que je l'envoie balader», a expliqué l'ex-avocat historique du parti, sous l'air dubitatif du tribunal. «Vous n'êtes pas obligés de me croire mais je suis persuadé que jamais Marine Le Pen n'aurait proposé quelque chose d'illégal aux députés qui viennent d'être d'élus», a-t-il soutenu.
Quelques jours avant cet échange de mails en 2014, il avait écrit à sa cheffe, pour l'alerter sur les dépenses qui avaient tendance «à déraper». Et prévenu: «nous nous en sortirons que si nous faisons des économies grâce au Parlement européen».