Vladimir Poutine avait imaginé l’invasion de l’Ukraine d’une toute autre manière: envoyer des troupes, quelques jours de guerre, et le pays serait vaincu. Son plan n’a pas fonctionné. Le maître du Kremlin a finalement dû se rendre à l’évidence: il ne pourra pas s’emparer de toute l’Ukraine en quelques semaines. Il a donc mis l’accent sur l’est du pays.
Après des difficultés de départ, une nouvelle tactique semble désormais fonctionner pour la Russie. Les assaillants contrôlent déjà 97% de la province de Lougansk. Les combats se concentrent désormais encore sur une zone de 40 kilomètres sur 40. Les villes d’Artemivsk, Popasna, Seversk et Severodonetsk en constituent les points de repère décisifs.
C’est surtout la bataille de Severodonetsk qui devrait être décisive, estime le stratège militaire Markus Reisner. «Les Russes parviendront à fermer leur étau», affirme le colonel du ministère autrichien de la Défense dans un entretien avec le journal «Welt».
Attaques violentes dans la nuit
Markus Reisner attribue le succès de la Russie dans l’est de l’Ukraine à trois tactiques que les combattants de Poutine utilisent désormais.
Premièrement, les positions ukrainiennes sont à chaque fois bombardées pendant la nuit par de violents tirs d’artillerie, des bombes et des roquettes. Au petit matin, l’infanterie, protégée par des chars, avance vers ces positions.
«Les Russes font en sorte de détruire les positions ukrainiennes sur un point précis et s’en servent pour faire une percée, comme récemment dans la région de Popasna», explique le militaire. Les assaillants s’y infiltrent alors et tentent de tuer les Ukrainiens dans les tranchées.
Deuxièmement, la Russie fait un usage massif de missiles balistiques comme l’Iskander-M. «Ils peuvent frapper une cible jusqu’à 500 kilomètres et détruisent les dépôts d’armes, les dépôts de carburant, mais aussi les casernes et la structure de commandement ukrainienne. C’est dévastateur.»
Une tactique aérienne sophistiquée
Selon le stratège militaire, la Russie a tout récemment transféré une brigade opérant ces missiles Iskander à Belgorod, près de la frontière ukrainienne. Depuis, ils seraient régulièrement lancés sur des positions aux alentours des villes de Kramatorsk ou de Sloviansk.
Troisièmement, même si la Russie ne dispose pas de la souveraineté aérienne en Ukraine, leurs forces aériennes restent bien actives: «La tactique consiste à faire voler les avions ou les hélicoptères russes très bas au-dessus du sol et à les faire apparaître par surprise, de sorte que les soldats ukrainiens ne les repèrent que très tard. Les avions arrivent à basse altitude et larguent ensuite leurs bombes en remontant.» Une tactique toutefois dangereuse, car de nombreux appareils ont été détruits par des missiles antiaériens dans les premières semaines de la guerre.
Sombre perspective pour l’est de l’Ukraine
La Russie a ainsi déjà pu enregistrer d’importants gains de territoire. «Environ 25% de l’Ukraine», précise Markus Reisner. Selon lui, la solution pour contrer cette avancée serait des livraisons d’armes occidentales. Mais celles-ci auraient commencé beaucoup trop tard. «Les armes lourdes n’arriveront pas à destination à temps», selon l’expert.
Contrairement aux premières phases de la guerre, c’est plutôt l’Ukraine qui se trouve désormais en mauvaise posture. Reisner pense que les Russes veulent contrôler l’ensemble du Donbass d’ici le début de l’automne. Un cessez-le-feu serait ensuite envisageable. «Je m’attends à ce que les deux parties tentent de lancer une offensive au printemps prochain».
(Adaptation par Jocelyn Daloz)