Ils sont les résistants à la vague Trump. Mais la digue qu’ils s’efforcent d’édifier aux Etats-Unis reste très fragile. Ils sont élus du Congrès, démocrates et parfois républicains. Ils sont juristes, avocats ou magistrats. Ils sont aussi des citoyens ordinaires. Voyage dans l’Amérique qui s’oppose à Donald Trump, ce président en difficulté dans les sondages. 53% de ses concitoyens, selon une enquête récente de Yougov, ont aujourd’hui une opinion négative de ses trois mois passés à la Maison Blanche.
53% des sondés disent en particulier «désapprouver» la politique menée par Donald Trump de façon générale, et même 28% la «désapprouvent fortement». Une brèche exploitable par ses opposants? Premier tour d’horizon.
Bernie Sanders, l’invaincu
Le Sénateur indépendant du Vermont, un petit Etat de la côte est frontalier du Canada, capitalise d’abord sur son bilan électoral. A 83 ans, l’ancien maire de Burlington, ville universitaire, est élu au Congrès depuis 1991, et au Sénat depuis 2007. Il a été en 2016 et 2020 candidat à l’investiture du Parti démocrate pour la présidentielle. Et le voici reparti sur les routes américaines.
Depuis l’arrivée de Trump à la Maison Blanche, «Bernie» sillonne les Etats-Unis aux côtés de la représentante de New York Alexandria Ocasio-Cortez. Son mot d’ordre? «Combattre l’oligarchie» qui, selon lui, a pris le pouvoir aux Etats-Unis. Ironie politique: Trump a longtemps ménagé cet adversaire très populaire chez les «cols-bleus» et dans la classe moyenne qui forment aussi le cœur de son électorat «MAGA» (Make America Great Again).
Alexandria Ocasio-Cortez, la pasionaria
La représentante du 14e district de New York (qui inclut le Bronx et une partie du Queens) est l’archétype de l’élue démocrate détestée par Donald Trump et ses partisans. Et on peut le comprendre. A 35 ans, celle que tout le monde appelle par ses initiales AOC, représente l’Amérique détestée par les électeurs MAGA: cette population métissée des grandes métropoles, obsédée selon eux par la diversité et les programmes de soutien aux LGBTQ+.
Son tandem avec Bernie Sanders fait des étincelles, car tous deux sont des bêtes de scène et de très bons orateurs. Le 4 avril, deux idoles musicales des années 60 l’ont rejoint devant près de 40'000 partisans à Los Angeles en Californie: Neil Young et Joan Baez.
James Boasberg, l’inflexible
Juge en chef du district de Columbia, à New York, cet ancien avocat de 62 ans est la bête noire de Donald Trump et de son «Attorney General» (procureur général – ministre de la Justice) Pam Bondi, une magistrate conservatrice de Floride. Le combat de James Boasberg est juridique. Et il concerne en premier lieu les déportations massives de migrants par la nouvelle administration.
Mercredi 16 avril, le juge a affirmé que le gouvernement avait fait preuve d’un «mépris délibéré» à l’égard de l’ordre qu’il avait donné à la mi-mars d’interrompre les vols d’expulsion, dans un contexte de litige sur la légalité des renvois. Il estime qu’il existe une «cause probable» pour poursuivre les fonctionnaires de l’administration pour outrage au tribunal.
Alan Garber, le bouclier de Harvard
Ce médecin de formation préside depuis 2024 la prestigieuse université de Harvard, dont le campus se trouve à Cambridge, Massachusetts, au nord de Boston. Pourquoi le présenter comme un «bouclier»? Parce que dans les milieux académiques américains, et pour tous les étudiants de la planète, Harvard est une boussole. Son refus d’abolir les programmes de diversité, équité et inclusion (DEI), de réduire le nombre d’étudiants internationaux et de dissoudre les groupes d’étudiants pro palestiniens, sous le prétexte de lutte contre l’antisémitisme sur les campus, le place en première ligne.
Riposte immédiate: le gel par l’administration Trump de 2,2 milliards de dollars de subventions, et la suspension envisagée d’avantages fiscaux. Harvard est considérée comme l’université la plus riche du monde, appuyée sur une fondation riche de 52 milliards de dollars.
Christy Walton, l’héritière insurgée
Née en 1949, Christy Walton connait bien Donald Trump. Elle est la veuve du magnat John Walton, héritier du fondateur de la chaîne d’hypermarchés Walmart. Longtemps, cette milliardaire a fréquenté des dîners de gala aux côtés de l’ancien promoteur immobilier new-yorkais. Sauf qu’aujourd’hui, sa colère est publique.
A la fin mars, Christy Walton a acheté une pleine page de publicité dans le New York Times pour exhorter ses compatriotes américains à défendre les valeurs démocratiques, à honorer leurs engagements internationaux et à préserver la «dignité» du pays. Titre de la page? «La dignité de notre pays n’est pas à vendre». D’autres publicités similaires sont annoncées.
Elissa Slotkin, l’autre voix du Sénat
Et si c’était elle, la figure de proue dont le Parti démocrate a tant besoin pour espérer redresser la barre, incarner de nouveau une possible alternance, et remporter les cruciales élections de mid-term en novembre 2026? Elissa Slotkin, 48 ans, vient d’être élue sénatrice du Michigan, un Etat industriel du nord des Etats-Unis remporté par Donald Trump avec 49,7% des voix contre 48,6% pour Kamala Harris.
Son acte de bravoure a été sa longue réponse au premier discours sur l’état de l’Union de son nouveau mandat, prononcé le 4 mars devant le Congrès. Sa phrase clé? «Il y a une façon responsable d’opérer le changement et une façon dangereuse. Nous pouvons apporter ce changement sans oublier qui nous sommes en tant que pays et en tant que démocratie.»
Jennifer Vasquez, l’épouse ambiguë
Elle est l’épouse de Kilmar Abrego Garcia, ce citoyen américain d’origine salvadorienne déporté illégalement vers son pays d’origine, où le Sénateur républicain du Maryland (l’Etat ou vit le couple) Chris Van Hollen s’est rendu et l’a rencontré. Son combat pour obtenir son retour aux Etats-Unis est en train de redonner espoir aux familles qui dénoncent les rafles, et les déportations injustifiées.
Problème: Jennifer Vasquez avait, dans le passé, demandé et obtenu une ordonnance de protection temporaire au tribunal civil contre son mari, pour violences conjugales. Son combat judiciaire se retrouve terni, et l’administration Trump refuse pour l’heure tout retour au pays pour son conjoint.
Letitia James, gardienne de la Bourse
La procureure générale de l’Etat de New York est convaincue que Donald Trump a manipulé les marchés financiers, avec son annonce des tarifs douaniers, puis sa décision de les reporter accompagnée d’une incitation à acheter des actions le jour même, lancée sur son réseau Truth Social (diffusée simultanément par la Maison Blanche à toute la presse). Letitia James a remporté un combat judiciaire sans précédent contre Trump en février 2024, en le faisant condamner (ainsi que ses fils et plusieurs dirigeants de son groupe) à payer plus de 450 millions de dollars d’amende au motif que l’actuel président «s’est livré à une fraude massive pour gonfler faussement sa valeur nette et s’enrichir injustement, ainsi que sa famille et son organisation».
Protégé par l’immunité présidentielle, Trump ne peut pas être poursuivi pour délit d’initié. Mais plusieurs de ses amis milliardaires, qui ont réalisé de grosses plus-values, pourraient se retrouver dans le viseur de Letitia James.