Une première en 250 ans
Le président américain Donald Trump se moque des décisions de la Cour suprême

Un homme expulsé par erreur vers le Salvador doit être rapatrié aux Etats-Unis par le gouvernement américain. C'est ce qu'a décidé la Cour suprême, mais Trump ne fait aucun effort pour se plier à cette décision. Un comportement dangereux pour la Constitution américaine.
Publié: 17.04.2025 à 12:00 heures
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Dernière mise à jour: 17.04.2025 à 12:04 heures
Le président du Salvador Nayib Bukele et Donald Trump s'entendent à merveille.
Photo: imago/UPI Photo
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Samuel Schumacher

Donald Trump s'est déjà rebellé contre plus d'un adversaire. Mais jusqu'à présent, le président américain a toujours respecté docilement les décisions de la Cour suprême. Toutefois, cela pourrait bien changer et plonger les Etats-Unis dans une crise sans précédent. Tout cela à cause d'un migrant enfermé à tort dans une terrible prison salvadorienne.

Ce qu'il s'est passé

Le 12 mars, les autorités américaines ont arrêté Kilmar Abrego Garcia, originaire du Salvador, dans la banlieue de Washington D.C., soupçonné d’appartenir à un gang criminel. Or a 16 ans, Kilmar Abrego Garcia a fui la violence des gangs dans son pays pour se réfugier aux Etats-Unis. En 2019, il a été brièvement placé en détention après qu'un informateur anonyme l'a accusé d'être membre du gang salvadorien MS-13.

Les accusations se sont révélées infondées. Kilmar Abrego Garcia a été libéré, a repris son travail dans le bâtiment et a continué à s'occuper de sa femme et de ses trois enfants. Jusqu’à ce 12 mars, où il a à nouveau été arrêté sans préavis, puis expulsé par le gouvernement Trump, avec des centaines d’autres Salvadoriens, vers son pays d’origine. Là-bas, il a été enfermé dans la tristement célèbre méga-prison CECOT.

Le CECOT?

Le Centro de Confinamiento del Terrorismo (Centre d'endiguement du terrorisme) est une prison inaugurée en 2023 dans laquelle le gouvernement salvadorien détient des milliers de membres présumés de gangs. Le président Nayib Bukele a proposé à Trump d'y «accueillir» des immigrés illégaux en provenance des Etats-Unis et même des délinquants possédant un passeport américain. Donald Trump a accueilli cette proposition avec enthousiasme alors que les organisations de défense des droits humains aux Etats-Unis, elles, ont exprimé leur indignation.

Quel est le lien entre Trump, cette affaire et le risque pour la démocratie américaine?

Kilmar Abrego Garcia, crâne rasé et désespéré, est désormais détenu dans cette prison. Entre-temps, les autorités américaines ont reconnu qu’il avait été expulsé «par erreur». Et – c’est là que réside l’enjeu majeur – la Cour suprême a exigé, dans une décision unanime (9 juges contre 0), que le gouvernement Trump autorise le retour de cet homme aux Etats-Unis.

Le véritable danger

Donald Trump, de son côté, s’est contenté de hausser les épaules, laissant sa ministre de la Justice, Pam Bondi, déclarer qu’il ne pouvait rien faire: Kilmar Abrego Garcia est désormais sous la garde d'un Etat souverain. Le président salvadorien Nayib Bukele, en visite à la Maison-Blanche lundi, a quant à lui affirmé qu’il ne pouvait «pas renvoyer un terroriste aux Etats-Unis».

Une formulation habile: Trump lui-même avait qualifié en février le gang MS-13 de «groupe terroriste». Nayib Bukele semble reprendre la rhétorique de Trump et se positionne comme un allié zélé dans sa lutte contre l’immigration illégale.

Le point de bascule

Trump a jusqu'à présent refusé de se plier à la décision de la Cour suprême. Une première dans l’histoire des Etats-Unis puisque jamais un président ne s’était opposé à la plus haute autorité judiciaire du pays. Le Washington Post souligne qu’un tel affrontement n’a tout simplement aucun précédent en près de 250 ans.

Et si ce n'était qu'un test?

Avec Trump, tous les scénarios sont possibles. La Cour suprême ne dispose d'aucun moyen militaire ou policier pour contraindre Trump à appliquer et à respecter ses décisions. Il ne reste plus qu'à espérer que le président américain ait suffisamment de décence et de volonté démocratique pour respecter les décisions de la Cour et prendre au sérieux les gardiens de la Constitution américaine.

Car si Trump refuse d’appliquer un jugement aujourd’hui, qui peut garantir qu’il respectera la Constitution demain? Et ne se présentera pas pour un troisième mandat en 2028? Trump lui-même a laissé entendre à plusieurs reprises qu'il pouvait l'envisager, même si les lois américaines l'interdisent. Que se passe-t-il lorsque l’homme le plus puissant du monde décide d’ignorer les lois de son propre pays? Les Américains pourraient bien être sur le point de le découvrir.

Et Kilmar Abrego Garcia?

Il continue de croupir dans une prison pour terroristes.

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